@aiden farrell
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(juillet 1987)
Le soir était encore loin, pourtant la brume si dense plongeait Londres dans une obscurité où il était difficile d’avancer. Roxane aurait voulu marcher avec plus de précautions, mais elle pressait le pas pour ne pas s’attarder plus que nécessaire à l’extérieur. Cette ambiance était oppressante, et il y avait tellement de faits divers sordides qui se multipliaient en ville depuis que cet étrange blackout avait fait sauter toute l’électricité et que la brume se chargeait d’assombrir le tout. Pas question de flâner dans des rues où n’importe qui pouvait se cacher. Tous les tordus en profitaient, elle en avait déjà fait les frais … Rien de grave, heureusement, mais elle n’avait pas envie qu’on lui saute dessus à nouveau dans le noir, merci bien. Elle aurait préféré rester chez elle d’ailleurs, mais elle n’avait plus rien à manger. Elle espérait atteindre sans embûche l’épicerie la plus proche et retourner chez elle dare-dare. Elle était d’ailleurs presque arrivée à la boutique quand elle entendit un gémissement s’élever d’une ruelle. Elle se figea, le cœur battant. Avait-elle réellement entendu quelque chose, ou son cerveau lui jouait-il des tours ? Mais non. Elle l’entendit à nouveau, un peu plus fort. Elle hésita, sachant que cela pouvait très bien être une ruse grossière pour attirer une victime innocente à l’écart. Mais elle ne pouvait pas faire comme si elle n’avait rien entendu. Elle inspira profondément, et plongea dans l’obscurité de la ruelle. « Il y a quelqu’un ? »  Demanda-t-elle à mi-voix. Elle avançait lentement, précautionneusement. Les poings serrés, prête à se défendre s’il le fallait. Et elle le vit. Un homme au sol, qui rampait maladroitement comme pour échapper à un danger invisible. Roxane se précipita vers lui, faisant fi de la prudence en comprenant qu’il était blessé. En s’agenouillant, elle vit du sang, sur son visage et sur ses vêtements. « Monsieur ? Vous m’entendez ? Vous êtes blessé ? »  Toutes ses tentatives pour établir un contact restèrent vaines, l’homme ne semblait même pas la voir. Il gémissait et continuait de vouloir fuir quelque chose que Roxane ne voyait pas, mais son comportement l’inquiétait beaucoup. « Qu’est-ce qui vous est arrivé ? Je vais vous aider, d’accord ? Vous pouvez vous lever ? Je vais vous conduire à l’hôpital. »  Elle continuait de lui parler, même sans obtenir de réponse, pour garder un lien avec lui aussi ténu fut-il. Elle le prit par le bras, doucement, et entreprit de le faire s’asseoir. A son grand étonnement, l’homme se laissa faire, il s’agrippa même à sa manche – mais sans jamais la regarder. Elle le souleva à grand-peine, il flageolait sur ses jambes et s’appuya sur elle de tout son poids, crispé par une douleur dont elle ne voyait pas la source. « On va avancer, doucement. Ca va aller, je reste avec vous, je … »  Il y eut un bruit, derrière eux, et l’homme fut soudain pris de panique. Il se mit à gémir plus fort, à marmonner dans choses inaudibles, à se débattre. Il semblait vouloir entraîner Roxane avec lui … Loin de la ruelle. Et sa peur était communicative. Mais l’homme se débattait trop et Roxane n’avait aucun moyen pour le soulever efficacement, elle n’arrivait pas à le faire avancer dans la bonne direction assez vite pour fuir cet endroit. Mais elle s’accrochait, les dents serrées, et elle refusait d’imaginer quoi que ce soit, elle ne voulait pas se poser la moindre question. Sa présence ici, l’éventualité d’un agresseur dans les parages, le danger qui rôdait dans la brume … Non, ne pas y penser. Il fallait juste qu’elle aide cet inconnu, elle n’avait que ça en tête.

Et soudain, un éclair de lumière déchira les ombres et frappa une poubelle, à quelques centimètres de l’homme qui se mit à hurler pour de bon. Roxane écarquilla les yeux, soudain glacée d’une terreur aussi tangible que celle de l’homme qu’elle essayait d’aider. Oh non. La décharge d’adrénaline qui la parcourut lui donna un regain d’énergie pour traîner l’homme plus loin, plus vite. Comme si réellement, elle pouvait se tirer de là, comme si réellement elle pouvait le sauver de la personne qui venait de tirer sur eux. Comme si, rien qu’avec ses bras déjà douloureux d’avoir supporté le poids du blessé et sa volonté vacillante, elle pouvait échapper à un sorcier. Un sorcier qui leur tirait dessus. Son seul espoir, réellement, était que l’éclair avait été blanc plutôt que vert, et Roxane se focalisa là-dessus. Ils n’étaient pas morts. Ils allaient atteindre la rue, sortir de là … Et après ? Et après, elle ne savait pas.

Un nouvel éclair, et celui-ci frappa l’homme dans le dos. Ses hurlements déchirèrent les tympans de Roxane, qui faillit le laisser tomber au sol sous le choc. « Non, non … » Gémit-elle. Son esprit avait gelé, et elle plongea la main dans sa poche dans un geste automatique. Mais ses doigts se refermèrent sur le vide et son cœur se serra. Sa baguette n’était plus là. Plus depuis longtemps. Ce soir, elle allait mourir comme une moldue.