lake glendalaough, wicklow mountains, a few hours away from dublin. L’étendue à ses pieds s'étale presque infinie dans cette enclave loin des yeux du reste du monde, les ondulations du lac trahissent la vie qui grouille sous la surface et l’air glacial qui descend des coteaux rocheux aux alentours. Il n’entend d’abord que le bruit de l’eau contre les cailloux et ses pas qui claquent dans les flaques, pour quelques minutes encore il n’y a que lui et la nature immense et complice, protectrice. Habitat naturel de l’être aux errances volontaires, infatigable voyageur qui ne se lasse jamais des paysages, de toute cette verdure, de cette impossible liberté. Il s’arrête un instant, à quelques enjambées du sort qui protège les siens, il regarde le lac, ressasse tous ses souvenirs et la marque sur son bras le brûle, insidieuse et capricieuse, elle n’accepte pas les déserteurs. Il ferme le poing, fait valser les galets autour de lui jusqu’au milieu du loch. D’un coup d’oeil sur la droite il voit l’ombre de deux gamins gavés d'insouciance, ils courent au bord de l’eau, et les éclats de rire calment son coup d’sang, il les écoute sans les entendre, il devine ce qu’ils se racontent, les défis qu’ils se lancent alors que l’un tente de faire des ricochets et l’autre cherche la pierre idéale, il les regarde sans les voir, ces adolescents encore préservés de la réalité de devenir grands, encore enfants, encore capable de s’aimer sans les contraintes du monde dégueulasse qui les attend une poignée d’années plus tard. Il ne discerne pas tout de suite, que c’est Ruben et lui qu’il voit, là-bas, qui se tiennent à bout d’bras, puis qui s’étreignent les pieds dans l’eau, morceaux de sa mémoire reflétés par la magie de l’onde ténébreuse. Il passe une main rageuse sur son visage, essuyant les larmes qui s’étaient aventurées à son insu. - Astor ! Les deux adolescents s’évaporent, emportés au loin par le brouillard, et il ferme les yeux comme seul au-revoir. - You’ve been gone for hours mate, I’ve got word from the city that some wizard’s been asking about you. - What wizard ? Son cousin hausse les épaules. - Sounded scottish he said… Il se fige, livide. - Where ? - Are you sure that’s wi… - Ronan, where ?

Dans le Dublin sorcier le crépuscule a des allures de fin du monde, on ne traine plus dans les rues depuis la mort de Dumbledore, on évite de se perdre dans les ombres où on raconte que les mangemorts trainent à l’affût de leur prochaine victime. On se méfie de tout l’monde, de son voisin, de ces inconnus qui passent et puis s’en vont, on l’regarde surement depuis les volets entrouverts, le voyant qui se fout d’la nuit tombante et des menaces qu’elle traîne dans son sillage. Il sait que c’est stupide, qu’ça n’a aucun sens, qu’il ne devrait pas prendre le risque, sauf qu’il ne peut pas rester à l’écart, il n’peut pas rester planqué, parce que c’est Ruben, parce qu’il veut se défaire de ce dernier regard, furtif et pourtant si cruel, dans la tumulte de l’assaut. Une seconde d’éternité où ne règne que la déception et la colère. De derrière la fenêtre d’un autre bar, il l’aperçoit enfin. Il le regarde le cœur serré alors qu'une seule pensée tonne à l’intérieur de son crâne, une vérité qu'il refuse encore. You lost him. Si proches et pourtant si lointains, alors qu’enfin ils avaient retrouvé les étoiles, qu’enfin il pouvait reposer sa tête contre la chaleur de son torse, s’endormir au son de son palpitant, comme avant. Il déglutit avant de se recomposer, fier, les épaules droites, avant de franchir le seuil de la taverne et de se révéler après des semaines de cavale.

Il a parcouru le pays, avec dans le fond du coeur, un objectif obsédant: trouver l'objet de ces nuits passées à revoir en boucle ce fameux soir, le voir dans ce tableau nauséabond, parmi les mangemorts. L'onde de choc toujours aussi violente, cruelle, qui malmène ces faibles bribes d'espoir, que tout ne soit qu'un cauchemar qui finisse par se terminer, et que tout redevienne comme avant. Comme lorsque rien ne venait obscurcir leur ciel, rien d'autre que les points perdus et les longues heures passées en retenue. Il a quadrillé méthodiquement, les cartes de tout le pays, à la recherche de l'insaisissable, l'enfant des routes et des grands chemins. Il a cherché en vain, ne laissant aucune piste au hasard, aucun sentier inexploré, pour le voir encore une fois, sans jamais être certain de quelle serait sa réaction lorsqu'il retrouverait enfin sa trace. Tour à tour la déception, la haine, l'incompréhension s'étaient logées dans le palpitant du petit prince des highlands, dansant dans une farandole impétueuse et moqueuse. Tant de fois, il s'est imaginé ce qu'il lui dirait, changeant d'approche, au fil des soirées, à force de persuader que tout avait une explication, qu'il y avait au moins une bonne raison, une seule, de ne pas laisser le venin de la trahison empoisonner les souvenirs de l'adonis au teint d'ambre.

La nuit est en train de tomber, sur la tranquillité un peu factice de Dublin. Il va y avoir plusieurs heures maintenant qu'il scrute, cherche parmi les passants le visage tant aimé, et la crainte qui est entrée dans la danse; celle de le voir, mêlé à un sombre dessein, à la mort de ces innocents, ceux qui n'ont pas le précieux sésame d'un carmin pur, ceux qui n'ont pas le don. Il a foulé le sol de tous les pubs de la capitale, il ne croit plus vraiment qu'il finira par retrouver la trace insolente de celui qui ne veut pas être trouvé. Le couvre-feu en place depuis la mort de Dumbledore, donne à la ville des allures fantômes: les rues se vident et les parents murmurent à leurs enfants de ne pas se retourner, d'allonger le pas. La crainte est palpable, lourde, plombant l'air de la ville autrefois joyeuse et pleine de vie. Il pense à arrêter ses recherches pour ce soir, peut-être même à transplaner de nouveau, rentrer à Londres où elle l'attend, inlassablement, elle qui mérite tellement mieux.

Un seul verre, pour noyer la déception de n'avoir, une fois de plus, pas pu l'apercevoir encore une fois, d'avoir pu comprendre. C'est seulement en s'apprêtant à quitter ce bar qu'il le voit se détacher de l'obscurité. Le regard brillant, il se laisse de nouveau gagner par cette rage destructrice, qui éclipse l'amour dévorant, passionné. Comme des braises qu'on a attisées, le feu se réveille, et il ne voit plus l'amant, sa moitié d'âme, mais celui qui a franchi la ligne, qui a les deux pieds dans ce camp maudit. - you... il crache, la voix tremblante où transperce à la fois l'indignation, l'écoeurement, le dégoût, et cette douleur sans fin tandis qu'il lui décoche une droite, à la moldue. Tout ce qu'il avait imaginé, tous les scénarios se sont effacés, les mots se sont envolés, soufflés par l'explosion d'une colère dont il n'avait pas soupçonné la magnitude.

Il voit l’coup venir, il n’essaie même pas de l’éviter, il le laisse frapper, accuse le coup mérité, chargé de rancœur et de tous les non-dits, de toutes ces choses qu’il aurait dû lui dire, lui avouer dans le confort de leurs nuits clandestines. Il ne dit rien, attend que les phalanges craquent sur sa mâchoire striée de cicatrices qui se tord sous la violence. Il ne riposte pas, les poings serrés instinctivement se défont de leur rage. Il n’a aucune envie de se battre, aucune envie de lui faire mal, même s’il a déjà ravagé ses espoirs, d’avant et d’aujourd’hui, de ces entre-deux où ils avaient encore une chance. Il reste immobile, une seconde, une éternité, le temps autour d’eux suspendu alors qu’il n’entend plus que le souffle saccadé de colère et d’amertume, crève-coeur titanique entre les os nécrosés, jusque sous le bronze qui frissonne. Astor, l’espace d’un battement de paupières, ne se tient plus avec autant de fierté, il n’a plus vraiment vingt-sept ans, il paraît usé, renfrogné, un brin maussade, l’espace d’un battement de cils, il n’est que l’ombre de lui-même, à la merci de son éternelle compagne encapuchonnée. L’regard de son soleil déborde de toutes ses craintes et la bile s’invite au bord de ses lippes. Son reflet dans les océans tempétueux est pire que tout ce qu’il aurait pu imaginer, ce reflet qu’il aime tant parce qu’il renvoie l’amour que Ruben lui porte,  comme il le veut, comme il le voit, son premier amour, sa plus grande déception.

Tous ses choix se déclinent en poussière d’étoiles au-dessus de leurs têtes, tous ces chemins jamais empruntés, toutes ces mains tendues jamais saisies. Tous les écarts se rassemblent en pagaille, les heures volées entre les draps d’un hôtel un peu douteux, les baisers partagés sur les bords d’un lac gardien de leurs plus vieilles promesses, les doigts qui se cherchent et se mêlent au petit matin alors que la pluie au dehors cogne contre les parois de la caravane. Toutes les impositions, les manques de courage, s’ajoutent et s’entassent, il n’avait pas l’choix, il n’a jamais eu le choix. Il avait le choix, il s’est trompé, en ne luttant pas plus fort contre son paternel, en acceptant la souillure des ténèbres sur son bras, en aimant ça, faire partie d’un tout plus grand que lui, en se nourrissant de puissance, se gavant d’une magie obscure et magnifique, en tuant, pour une cause qui n’a jamais vraiment été la sienne mais qu’il a embrassé, condamné, lâche, au nom de son clan et de sa propre peau, sauvée, protégée au plus loin de l’amant d’une autre vie.

Il saisit le poignet de l’ancien gryffondor, les transplanant tous les deux à l’abri des curieux, au bord de la mer brumeuse, où leurs voix se mêlent aux cantiques de la houle et du vent. - You have to stop trying to find me. Le ton est sec, il a retrouvé de sa superbe, sa carrure s’est redressée. Il voudrait le prendre dans ses bras, lui dire des mensonges, trouver des excuses, mais la vérité c’est qu’il ne peut plus rien faire, la vérité mise à nue n’a plus nulle part où se cacher. Il voudrait se mettre à genoux, le supplier de lui pardonner, façonner de nouvelles chimères, il ne peut pas. - There’s a price on your head since you and your friends stormed the Lestrange manor. You idiot.

Aucune riposte. Pas même de tentative d'esquive. Il sait, Astor, il a compris ce qui allait se passer, il s'y attendait. Il a les phalanges qui craquent, et le choc est rude lorsqu'elles rencontrent la mâchoire de l'ancien disciple de Salazar. Les sentiments sont mixes, dans le coeur du lion, entre rancoeur, amertume et cet amour qui ne rend pas les armes. Il ne sait plus ce qui domine, embourbé dans ces voix intérieures qui se contredisent entre elles. Il a la tête sur le point d'exploser, le coeur au bord des lèvres aussi.
Pendant un instant, ce moment suspendu dans le vol des minutes, il n'y a plus rien d'autre qu'eux, et les carcasses fatiguées qui ont remplacé l'impétuosité de leurs années adolescentes. La silhouette semble érodée par un passage cruel du temps, dont l'oeuvre impitoyable broie les derniers éclats d'exaltation. Il remarque l'usure, le coin des yeux qui se fane un peu plus encore par rapport à la dernière fois et ça lui serre le coeur malgré tout ce qui les oppose.

Et puis, une fois de plus, comme à chaque fois, la réalité se rappelle à eux, impose la vision de ce qu'ils sont devenus, contraste cruel avec ce qu'ils étaient autrefois -- ça semble si loin désormais, comme si les années avaient compté double depuis l'orage qui avait précipité leur naufrage.

Changement de décor; la mer et l'air vivifiant, cette simplicité dont ils auraient tant préféré se contenter. La brume les enveloppe, parenthèse dans la bruine qui s'abattait, silencieuse sur les rues désertes d'une Dublin exsangue. - You have to stop trying to find me... Il a raison, pour une fois, à quoi bon. Pourquoi s'acharne-t-il encore? Tout les sépare, tout s'ingénue à les éloigner l'un de l'autre, mais il a cette foutue ténacité au fond des yeux. Toujours l'espoir fou que tout ne soit qu'un cauchemar dont ils finiraient par se réveiller. - just tell me one thing.. le ton est sec, à l'image de celui de l'apollon aux yeux d'onyx. - what could you possibly gain... siding with them? can't you see you're only a puppet for them? La hargne qui avait été laissée en sommeil, revient à la surface, elle suinte dans les propos, colère désespérée face à celui qui ne veut pas vraiment être sauvé, qui se complait dans leurs rangs pour une raison qui lui échappe. - how can you stand by them..? adhere to their disgusting principles...? Ça l'écoeure rien que d'y penser, d'imaginer la marque immonde sur son bras et il détourne le regard, poursuivi par la vision de son prince au teint d'ambre là bas, dans l'antre du diable.

Silence encombré. Les mots qui résonnent dans son esprit. a price on your head.. Il ricane. - I guess i'd rather die my way rather than live even one single minute in their world. Pas de compromis possible, puisqu'ils se sont engagés dans ces voies antagonistes. - But i'm not expecting you to understand.

Putain de vie. Il serre les dents Astor, pour ne pas hurler, pour ne pas se défaire de toute sa rage sous la nuit étoilée, là entre la brume et l’oubli, où d’eux deux il ne restera bientôt plus rien, que des souvenirs dérobés par les vents. Il n’parvient pas bien à respirer, le serpent s’mord la queue, prisonnier de ses propres erreurs, à deux doigts de déraper sur l’ironie et la vengeance des soeurs du destin. Lui qui pensait les duper, lui qui s’était dit qu’il avait peut-être une chance, d’être heureux, d’être lui, avec lui. L’gamin d’avant tombe du haut de ses espoirs, et ça fait mal, ça l’détruit, ça lui arrache le coeur, jeté aux pieds de l’amant. La détresse se mute en tempête dans ses entrailles vrillées de tristesse et de rancœur. Le temps a foutu l’camp et avec lui toutes les secondes chances, tous les derniers baisers. Il le r’garde et pour une fois il voit le soldat, le combattant, l’ennemi. Il a les larmes aux yeux, invisibles sous les débris d’écume. Il a mal. Poitrine écrasée sous le poids de toutes les décisions qui l’ont mené sur ce rivage salé, l’myocarde exsangue, la tête en vrac, l’amour amer.

Le dégoût de Ruben tonne au-dessus de la houle, sa voix chargée de hargne et d’incompréhension. La marque bouillonne sous la carne souillée et avec elle sa propre aigreur, foudre violente au creux de sa caboche assaillie par les reproches de l’aimé. - What choice did I have ? Astor sacrifié à l’autel des alliances, qui n’a jamais vraiment eu la chance de choisir, de s’donner une chance, qui aurait pu, qui aurait dû tenter de vivre, demander à Ruben de s’en aller, fuir ensemble, au lieu de briser leurs rêves et leurs promesses. - There’s more to this bloody world than what’s right and what’s wrong. Son ton est résigné, plus calme, plus sec, que les éclats sanguins du lion. Il se couvre de froideur, repousse la misère dans les recoins de son être. - We don’t all get to choose our path. Il s’est laissé guider par les ordres du paternel, par toutes les attentes, les ambitions mais aussi le besoin farouche d’assurer la sécurité des siens. Il lui avait fallu du temps pour comprendre, il avait fallu voir son père pleurer. Il s’est laissé faire, le métal autour de son doigt devenu prison d’une vie dont il ne veut pas, dont il ne voudra jamais. Parce que la seule existence qu’il a jamais voulu se déroulait aux côtés de celui qui maintenant lui fait face, le visage déformé par les déceptions, mais même ça, son manque de courage le lui a volé. - Some of us don’t get to be brave, we can only survive and ensure the ones we love do too.

Un long silence.
Le bruit des vagues contre la jetée.

- But I don’t expect you to understand.

Boucle infernale, scénario qui les emprisonne dans ses impasses; aucune issue, rien qui permette d'y voir un peu plus clair, de laisser entrer la lumière dans une réalité qui, au contraire, s'assombrit à mesure que le temps passe. Les émotions se conjuguent, se multiplient, contraires, violentes, déferlantes destructrices qui n'épargnent aucun recoin de l'esprit, envahissent les moindres souvenirs, les espoirs construits à quatre mains, comme des dessins tracés dans le sable. Il voit la tempête, qui gronde dans les entrailles de l'amant, ce coeur qui battait avec le sien, union qui défiait toutes les probabilités, toutes les attentes, véritable pied de nez à un monde qui ne les attendait pas, qui a déchiqueté les rêves des deux ados qu'ils étaient. Il sens cette rage qui pulse sous la peau d'ambre, et elle irradie, elle le brûlerait presque, et pourtant, il voudrait s'approcher, il se laisserait consumer, Icare des temps modernes.

Pourtant, il reste immobile, les pieds ancrés dans ce sol meuble, au bord de cette eau calme, immensité qui déverse le sel sur les plaies de leurs coeurs amputés. - There's more to this bloody world than what's right or what's wrong... S'il réfléchissait un instant, il verrait peut-être que les propos ne sont pas dénués de sens, mais sa colère et sa peine lui mettent des oeillères et l'aveuglent. - we don't all get to choose our path. refus d'accepter une notion pareille, le choix, les mots du vieux directeur qui se rappellent à lui, ligne directrice dans une vie qui n'a de sens que pour une seule chose, empêcher les ténèbres de gagner encore plus de terrain. - can't agree on that...there's always a choice. Le temps assassin, qui a enterré leurs promesses et fait d'eux des ennemis. C'est le coup de grâce pour le lionceau, le poison qui a tout corrompu.

Les vagues s'agitent, frappent la rive noyant le bruit de leur détresse respective jetés l'un et l'autre dans des directions qui s'opposent . - .. we can only survive and ensure the ones we love do too.. le silence qui accueille cette résignation, pomme de discorde sans espoir de résolution. but i don't expect you to understand.. ricanement au bord des lèvres. - damn right i don't... Face à la mer, les mots échangés couverts par le bruit de la houle. - answer me on this... then i'll disappear forever... Propos qui lui arrachent le coeur, prononcés avec une force de conviction dont lui même n'est pas totalement persuadé. - what makes you think they will care for your survival? because i do...

There’s always a choice. Il voudrait se convaincre de ça, se dire que oui, il aurait pu, il aurait du, mais à quoi bon maintenant que les années sont passées, à quoi bon maintenant que ses mains sont tachées de carmin, maintenant qu’il s’est associé à une cause devenue sienne par la force de l’habitude et parce que, au fond, il ne vaut pas mieux qu’eux. Qu’est-il supposé lui dire ? Combien de mensonges peuvent encore franchir la barrière de ses lèvres rompues d’immondices et de supercheries, ces mêmes lèvres qui ont murmuré la mort et les interdits ? Il a cédé à ses craintes, il a cédé à ses devoirs, il a cédé aux larmes sur le visage fatigué de son père, à l’époque, mais quelles sont ses excuses pour toutes les horreurs qu’il a commises ? Pour les meurtres et la violence, pour s’être gavé de ce pouvoir, de ce droit injuste qu’il a eu tant de fois lorsqu’il tenait la faux entre ses doigts, qu’il n’a pas hésité à l’abattre sur le cou de ses ennemis, de ses anciens camarades de classe, de ses amis, à lui, à Ruben. - There always comes a time where there isn’t such a thing as choice anymore. Même s’il voulait, même s’il pouvait encore -- si son soleil jetait un coup d'œil dans ses ténèbres, il ne pourrait jamais le lui pardonner, s’il étalait ses péchés, même s’il se repentait. Il n’a plus le droit de croire en ce bonheur, déjà trop gâté d’avoir volé quelques éclats, de s’être reposé auprès de son astre, pendant quelques mois, le temps de quelques nuits. Il le regarde et c’est la même douleur qu’il y a dix ans, la même déception, alors qu’il découvrait un autre pan de son être, celui qui baisse les bras, celui qui se rend à l’évidence.  

- What makes you think they will care for your survival ? L’ironie du sort se dessine dans leurs pas sur le sable mouillé, constamment effacés par la houle, sort inévitable, qu’importe les dunes et les obstacles, la mer comme le destin fait toujours son chemin, invaincue, déterminée, elle défait les racines et l’espoir des hommes, grignote ce qu’il reste des rivages, toujours. - Nothing. But you’re the only one that can kill me. - But it’s bigger than my survival. Parce qu’il a renoncé à ça dans une allée sombre, en mai dernier, lorsqu’il a embrassé, lorsqu’il a préféré l’éphémère avec lui plutôt qu’une vie dans le noir, sauf qu’il ne peut pas lui dire ça, alors il hausse les épaules, il connaît la réalité de sa situation, il sait que les siens ne sont essentiels à personne, l’impureté de leur sang ne fait d’eux que des alliés de circonstances. Il n’a que son don pour se détacher, la force des siens pour survivre et tous les secrets accumulés pour faire face aux plus puissants, aux plus importants que lui. Il n’y rien qu’il puisse faire pour que les choses changent, il a eu cette chance et l’a manquée, et il retrouve dans les yeux de Ruben la même étincelle qu’il y a dix ans, il saisit cette syllabe qui flanche dans la voix qu’il veut si déterminée. Et entre l’écume et les fantômes de ce qu’ils étaient jadis, il se force aux mêmes roueries qu’autrefois, à la même cruauté. - Didn’t you ever wonder why it was so easy for me to accept the monster inside of you ? Il n’a jamais usé de ce mot, jamais pour le décrire, parce qu'il ne l’a jamais considéré comme tel, mais il sait sur quelle blessure jeter le sel de son amertume, même s'il se dévoile enfin, arrache le masque et dévoile la barbarie. - There is one inside of me too. And it's about time you see it too. I am not the boy I used to be.

Il a promis, que ça serait la dernière question, la dernière fois que leurs routes se croiseraient. Et pourtant, le coeur s'alourdit, à mesure que les secondes s'enfuient, lui échappent des mains, pour terminer leur course dans le précipice de ce qui aurait pu être, ce qui ne sera jamais plus. Il sait pertinemment que leurs chemins se sont séparés il y a bien longtemps, pas loin de dix ans, et que plus rien ne pourra les réunir de nouveau; la limite a été franchie, le rubicon impardonnable, impitoyable qui sépare les deux côtés, l'ombre et la lumière. - there comes a time where there isn't such thing as choice anymore. Ça lui fait mal au ventre, à Ruben, d'entendre cette désillusion dans la bouche de son amour, cette façon de se racheter une conscience, complaisante, qui se repait dans le mensonge et la facilité. Parce qu'il ne peut pas admettre que ça puisse être trop tard, jamais. - Is that what you tell yourself, so you can sleep at night? Les paroles qui accusent, l'électrochoc qui réveille la conscience, normalement. Tout pour ne pas le voir sombrer, mais il est en train de réaliser que c'est peut-être bel et bien trop tard. - It's bigger than my survival. Il ne serait pas lui-même s'il ne tentait pas le tout pour le tout, la dernière carte à abattre, désespérée. - you really have given up...

Amertume au bord des lippes. Ça lui soulève presque le coeur, mais cette souffrance l'aveugle et le cloue sur place. Celle qui n'a jamais vraiment rendu les armes, jamais vaincue lorsqu'il s'agit d'Astor, le prince des chemins, le prince de la liberté. - must admit, their brainwashing is proving effective... Le sel sur les plaies en dedans, les démons qui se nourrissent des lambeaux du passé, d'un bonheur dont ils n'avaient peut-être pas pris la pleine mesure. Le monstre enfermé au plus profond, le loup, le prédateur qui rôde, invisible. Que lui a pourtant vu, parce qu'il sait tout de lui, Astor, il a vu toutes ses facettes, même les plus sombres, même les plus honteuses. Monstruosités qui se font écho, qui se répondent en quelque sorte. - Fine, you're not the boy i once fell in love with. But we both stopped being these kids a long time ago, in case you didn't notice... La dernière parcelle d'espoir, qui le raccrochait à leur rêve commun, à tout ce qui pouvait les lier, en dépit de leurs différences. - but I can see you're taking pride in who you've become... so you were right in the end. there's nothing left. nothing at all.

Il fait deux pas, promesse faite de ne plus reparaître; même si ça lui coûte tout ce qu'il a, les débris du coeur entre les mains du soldat de bronze duel qui ne peut donner aucun des deux gagnants. - I hope we never meet again... because despite everything else, i can never fight you.