washed my soul without the rain / octobre 1987

Revoir Arsen avait été une épreuve pour Mara. Une nuit d’insomnie était passée, traîtresse, avant qu’elle ne perde réellement pied et qu’elle revienne aux fameuses lettres qu’il lui avait envoyées au fil des années. Bien décidée à les brûler toutes pour se libérer enfin de son emprise, elle s’était isolée dans son atelier et avait jeté chaque enveloppe dans les flammes, une après l’autre. Le cœur serré et les mains tremblantes, mais l’esprit résolument décidé à mettre un terme à cette faiblesse qui n’avait que trop duré. Mais dans la chaleur du brasier, des mots s’étaient échappés d’un parchemin à l’agonie. Elle n’avait pas pu détourner les yeux, elle avait vu se consumer une unique phrase, quelques mots tendres surgis du passé, et la douleur s’était faite trop forte. Par un geste vif de la main, elle avait éteint les flammes puis elle avait ouvert une enveloppe prise au hasard, une des dernières rescapées de l’autodafé, et elle avait lu. Elle n’avait pas voulu le faire, mais elle n’avait pu s’en empêcher. Le besoin était trop fort pour y résister, ce simple besoin de lire des mots affectueux, de ressentir cet ancien sentiment qui les avait liés quand tout était encore si simple.

Et elle l’avait regretté, bien sûr. Elle n’avait ouvert qu’une seule enveloppe, n’avait lu qu’une seule lettre, mais les mots d’Arsen l’avaient touchée en plein cœur. Et depuis, elle ne parvenait plus à retrouver sa stabilité. Il lui revenait sans cesse en tête, alors qu’elle s’était astreinte à l’ignorer pendant si longtemps. Et toutes les années à donner un sens à son quotidien au-delà de sa famille semblaient maintenant réduites à néant. L’insomnie la rongeait, sapant son moral et son énergie, attaquant jusqu’à sa confiance en elle pourtant durement acquise. Elle avait même du mal à se concentrer sur ses potions – et le fait qu’elle avait perdu son meilleur contrat au profit d’Harlan Bell ne l’aidait absolument pas.

La pause au club était donc plus que bienvenue, et elle s’y rendit avec l’espoir de pouvoir se vider enfin la tête de tous les parasites qui la tourmentaient. Là-bas au moins, elle n’était plus personne et elle pouvait se détendre sans craindre ni les regards, ni les jugements. Assurée de cela, elle passa les portes avec un sourire pour la réceptionniste dont l’amabilité et la discrétion n’étaient plus à prouver, et elle fila  se changer avant de se rendre dans les bains de vapeur. Avec un soupir d’aise tout autant que d’épuisement, elle s’installa enfin dans la pénombre, et laissa la chaleur la recouvrir et détendre ses muscles. « Bonjour Atticus. » Lança-t-elle à mi-voix à l’autre silhouette non loin d’elle. Elle distinguait à peine ses traits, mais il était un des seuls hommes à venir ici régulièrement, elle finissait par le reconnaître aisément. Et au fil du temps, elle avait pris l’habitude de le retrouver ici, loin du tumulte du monde sorcier, ce qu’elle appréciait grandement. « Toujours ponctuel. Comment vas-tu ? »

washed my soul without the rain / octobre 1987

C’était un vrai bonheur d’être ici, de se couper du monde extérieur et de pouvoir se prélasser en toute tranquillité. Elle allait pouvoir oublier l’espace de quelques heures Arsen, Rabastan, son boulot, et toutes les contrariétés qui allaient avec. La compagnie qu’elle pouvait trouver ici était également bien différente de celle que Mara fréquentait habituellement, et ce n’était pas pour lui déplaire. Elle savait très peu de choses d’Atticus, mais elle ne demandait pas à en savoir davantage. S’ils ne se connaissaient pas à l’extérieur, c’était qu’ils ne frayaient pas dans les mêmes sphères, et si elle creusait un peu il y avait de fortes chances pour qu’elle découvre qu’ils étaient absolument incompatibles. C’était le cas avec tellement de sorciers … Alors elle se gardait bien de creuser. L’éducation des Rosier et son union aux Lestrange dictaient certaines règles qu’elle ne pouvait pas briser si aisément, malgré les envies qu’elle pouvait en avoir quelquefois. Elle se contentait donc de cela, des discussions amicales dans l’obscurité des bains, ou dans la quiétude des salons privés du club, mais jamais au-dehors. Comme s’ils étaient dans une bulle où elle refusait de se laisser atteindre par la vie réelle … Elle aimait profiter de cette parenthèse, tout en sachant que cela ne rimait pas à grand-chose. Mais cela lui faisait du bien.

« Le calme de cet endroit fait toujours son effet. Ça va bien, et toi ? Les enfants vont bien ? » Elle sourit. Il avait toujours cette gentillesse qui semblait si naturelle, et qu’elle ne retrouvait plus chez quiconque dans son cercle le plus proche. Avec son mariage elle avait perdu peu à peu tous ses amis de Poudlard, et ses nouvelles amitiés n’avaient plus rien de cette fraîcheur innocente qui subsistait encore entre Atticus et elle. Maudit nom de famille … « Les enfants vont bien, merci. La grande est à Poudlard, elle est aux anges. Elle en a oublié de nous écrire la semaine dernière, elle est en train de prendre son envol … » Elle soupira, le cœur un peu serré à l’idée qu’Eija s’éloigne d’elle, mais en même temps ravie de la voir s’épanouir ainsi à l’école de magie. « Moi aussi, ça va. La semaine a été épuisante, je rêvais de venir m’enfermer ici pour oublier tout le reste. »