La fuite. Une issue comme une autre. Une issue saupoudrée d’un soupçon de lâcheté certes, mais l’ambiance étouffante de son propre manoir lui coupe à présent le souffle. Narcissa ne sait à quel instant son existence s’est vue bouleversée, devenant aussi suffocante, oppressante à souhait. Peut-être est-ce là le poids des mensonges, le prix à payer. Loin d’être aussi irréprochable qu’elle le demeurait autrefois, époque pour le moins révolue. Il ne reste désormais plus qu’un écran de fumée, les apparences à entretenir, à bichonner avec ardeur. Bien triste se révèle être cette recherche avortée de la perfection. À présent, il ne persiste que de vulgaires fragments, les éclats d’une vie autrefois impeccablement tracée. Est-elle réellement prête à s’élancer corps et âme au sein d’une tentative - peut-être vaine - visant à recoller les morceaux de son univers ? La question lui taraude l’esprit jour et nuit, bien qu’elle s’obstine à vouloir l’éluder à chaque instant avec vigueur. Elle a cette horrible sensation d’avoir été désertée de tout ce qui faisait d’elle une Black ; la ténacité, l'acharnement et l’intraitabilité des siens.

Elle aurait pu transplaner ailleurs, tracer sa route, bifurquer, rebrousser chemin. Après tout, Bellatrix demeure à quelques pas d’ici. Mais, les relations fraternelles se sont distendues au fil de ces dernières semaines, malgré le dernier dîner au cœur du manoir familial ayant une nouvelle fois soudé leur lien. Ce n’est pas Bellatrix qui la voit telle qu’elle est désormais, elle ne la distingue qu’en partie, ne comprend que ce que Narcissa daigne lui laisser entrevoir. En cette soirée glaciale, elle n’a guère la force de conserver quelconque masque, c’est au-dessus de ses forces, surtout depuis le retour de Lucius il y a de cela quelques jours. En sa présence, elle se doit de déployer toute son énergie afin de conserver cette façade impeccable de froideur, d'irréprochabilité. Rien n’est comme avant, elle ne sait exactement à quoi est-ce qu’elle s’attendait. Pourtant, elle s’est obstinée, s’est compromise pour la libération de son époux. Tout était supposé être clair. Mais, elle se sent vidée, ni plus ni moins, les émotions passant à la trappe. Parfait opposé de Bellatrix, impétueuse tornade aux émotions vivaces, prête à tout emporter sur son passage, Narcissa quant à elle s’avère inatteignable, aussi glaciale que la mort, le vide et le néant réunis.

L'accueil est inexistant, digne de Theseus, tandis qu’elle pénètre au sein de la demeure de ce dernier, se débarrassant de son lourd manteau gris ardoise. Elle ne s’étonne plus de l’instinct machinal guidant ses pas jusqu’au salon. Le hibou signifiant son arrivée inopinée fut envoyé une heure plus tôt. Escapade nocturne pour le moins imprévue, besoin viscéral de changer d’air. « Tu as encore des efforts à fournir en matière d'accueil. » Les regards se croisent un instant tandis qu’elle rejoint finalement l’aîné des Malfoy. Peut-être devrait-elle demeurer auprès de son mari plutôt qu’ici, mais il n’est plus lui-même, tout comme elle n’est peut-être plus elle-même également. « J’espère ne guère avoir bouleversé tes plans en cette soirée morne et austère. » à moins que ce ne soit elle qui se révèle morne et austère. En réalité, elle se contrefiche du possible fait que Theseus ait éventuellement une toute autre soirée de prévue. L’égoïsme dans toute sa splendeur. Mais, le fait est qu’il est le seul être humain sur cette terre qui semble déceler la personne derrière le masque, ou du moins ce qu’il en reste. « Je pourrais presque t’envier la solitude de ce manoir. » Presque. Parce qu’il y a encore Draco, parce qu’il y a encore peut-être une chance de sauver quelque chose entre elle et Lucius. Peut-être. Elle soupire, lasse et blasée, incapable de comprendre ce qu’elle désire exactement. Le regard se détourne du mur aux teintes sombres, s’ancrant aux prunelles de Theseus, farouche et fier. « C’est pathétique. » Pas lui, elle.