Pour une fois, tu es calme. La sensation est aussi grisante que surprenante, tant et si bien que tu te retrouves totalement déboussolée ; mais où est donc passée ta compagne de toujours, l’anxiété ? Que dois-tu faire maintenant que tu ne te sens plus pressée par celle-ci (par le temps (par cette cascade de mauvais choix)) ? La première chose que tu entreprends est de te faire une bonne tasse de thé (celui que ta mère t’a ramenée de Thaïlande (les odeurs qui s’échappent du sachet fermement tenu entre tes doigts sont tout simplement exquises)), tu prends le temps et tes gestes se dénouent de manière grandiose ; tes mouvements rendus saccadés par la nervosité ne sont plus, tu agites ta baguette avec une fluidité que l’on n’aurait pu te soupçonner posséder. La tâche est rapidement accomplie, tu te retrouves à présent désoeuvrée. Tu profites de ces quelques instants de flottement et de sérénité (comme dans un rêve (est-ce seulement réel ?)) avant de te diriger dans une pièce à l’arrière de ton petit appartement. Ton petit jardin secret pas si secret que ça ; c’est l’endroit où tu as pris l’habitude de recevoir tes clients. La lumière est douce, tamisée et les meubles donnent l’agréable impression d’être chez soi ; tu as fait de ton mieux pour créer une ambiance chaleureuse et cozy, afin que tes clients puissent s’y sentir à leur aise. C’est qu’ils sont facilement anxieux, tes clients (comme toi (tu es toi-même terriblement nerveuse)) ; qui ne le serait pas, en même temps, en étant sur le point de se faire encrer la peau à jamais ? L’entreprise n’est pas non plus indolore, il est donc tout à fait normal d’anticiper grandement la chose. Tu ne les blâmes pas de s’agiter un peu avant les longues heures de travail.

Tu pénètres dans la pièce silencieusement, ne t’arrêtant qu’à ton bureau. Tu déposes ta tasse en porcelaine toute chaude sur le panneau en bois et tu prends place, t’asseyant à ton aise sur la petite chaise ; jambes repliées sous ton corps et courbée au-dessus de ton bureau (tu as l’air d’une de ces belles statues (à jamais figée dans le marbre, tu aurais été)). Tu poses ta baguette – tenue de ta main libre – dans un coin, là où il y a un peu de place. Et sans vraiment réfléchir, tu sors papiers et crayons pour te mettre à dessiner. Sous ta mine, les courbes commencent à prendre les traits d’un niffleur ; tu ajoutes une lueur curieuse au fond de ces grands yeux ronds, la bouche entr’ouverte laissant très probablement échapper un cri que l’on pourrait qualifier de strident. Et alors que tu t’apprêtes à lui ajouter quelques poils ici et là (une fois terminée, la créature sera très certainement un beau cadeau pour la petite Katie (elle l’aimera, tu en es persuadée)), ton crayon reste en suspens alors que tu entends quelques coups portés à ta porte. Surprise, tu restes d’abord figée dans cette position ; tu n’as aucun client prévu aujourd’hui et tu n’attends pas de visite … Tout du moins, pas que tu t’en souviennes. L’air un peu perplexe, tu te lèves pour aller ouvrir. Et le visage que tu aperçois en ouvrant doucement ta porte te heurte ; oh, tu avais oublié sa venue. « Calanthe. » que tu fais de ta voix légère, sans rien laisser paraître. Tu lui adresses un doux sourire en faisant un pas sur le côté pour l’inviter à rentrer. Une fois qu’elle est à l’intérieur, tu fermes la porte derrière elle. D’un mouvement de main, tu l’invites à te suivre. « Ne fais pas attention au désordre, je te prie. Je suis tête en l’air, aujourd’hui. » Tu l’emmènes jusque dans la cuisine, où tu la laisses s’installer comme bon lui semble. « Je reviens. » fais-tu dans un souffle, filant rapidement chercher ta baguette oubliée dans ton studio, Quand tu reviens, tu l’agites doucement pour préparer le thé. « Comment vas-tu, Calanthe ? » lui demandes-tu sobrement, pour ouvrir la conversation doucement. Il ne serait, après tout, pas bon d’aborder les sujets qui fâchent sitôt ton amie retrouvée.

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