Lune encore lointaine, les rayons d'un soleil tombant éclairent encore le ciel parsemé de nuages. En cet été approchant, la météo a été plutôt clémente. En tout cas aujourd'hui. Ce n'est pas comme si j'avais pu en profiter. J'ai passé la journée enfermé dans mon atelier, ainsi que celui d'avant. Qui a dit que le dimanche est fait pour se reposer? J'aimerais lui confier mon planning à tenir, voir s'il pense pouvoir se permettre un congé en plein milieu d'un projet. Décidant malgré tout de ne pas y passer une seconde nuit, je prends sur moi de mettre en pause mes travaux et quitte la boutique en fin de journée. Enfin, un peu plus tard que ça tout de même.

Le rythme de vie Moldu a toujours fais parti de mon existence, tout comme leurs façon de vivre. Prendre le métro pour rejoindre mon quartier est donc quelque chose de particulièrement normal pour moi. Matin, et soir. Transplaner est une option à laquelle je ne m'adonne que peu, surtout pour les trajets du quotidien. Il y a de toute façon cette sensation d'entrailles retournées qui me dérange à chaque fois. Alors lorsque j'arrive aux abords de mon immeuble, une sacoche sur l'épaule et une veste sombre sur le dos, on approche plus de début de soirée que de la fin de journée. Je prends mon temps. Je n'a rien d'urgent à faire, et je ne peux pas décemment prendre ma soirée en courant partout. C'est en tout cas ce que je pensais. Fous espoirs jetés au feu.

J'ai tout juste le temps de saisir ma baguette que cet homme à l’œil fou m'aborde sans douceur. - Dites-moi que vous êtes Weaver, j’ai plus d’temps à perdre. Trois heures que j’attends devant votre… bicoque. J’ai besoin de vos compétences. - Entre les événements d'Oxford et mon altercation avec Bellatrix, je dois admettre être sur le qui vive. Nerveux, un peu. À raison. - Dites-moi qui vous êtes, pour commencer. - Lancé-je tout aussi sèchement, avisant d'un regard bref que personne n'approchait. Il hurle sorcier, mais dans ce quartier Moldu, ma baguette serait suspecte. Pour autant, maintenant que je prends le temps d'aviser l'homme, son œil de verre manque de subtilité.  Impossible de passer incognito. Impossible de ne pas le reconnaître. La pause dans ma gestuelle pourra au moins lui apprendre ça. - Je n'apprécie pas qu'on arpente le pas de ma porte, plus grand chasseur de mage noir, ou pas. Pas quand ma boutique est ouverte au public toute la foutue journée. Alors passez-moi vos humeurs.

Ce que je dis est plus que vrai. Par les temps qui courent, et même en temps normal, je n'aime pas les visites impromptues du genre. Je n'aime pas plus ramener le travail à la maison. Et pire que tout, je n'aime pas qu'on sache où j'habite. Ce n'est pas pour rien que j'ai l'atelier pour le boulot. C'est pour séparer les deux. La façon dont je le dis, en revanche, transpire de mes deux jours de travail quasi ininterrompus. Glissant ma baguette dans ma manche, j'expulse un soupir et replace la sangle de ma sacoche correctement. - Suivez-moi. - Lui dis-je avec une meilleure attitude, quoi que pas moins distant. Nous traversons le petit vestibule jusqu'à l'ascenseur aux ferronneries solides, rejoignons le dernier étage et enfin la double-porte. Adieu mot de passe énoncé à haute voix. Je sors de ma poche une clé dorée et l'enfonce dans la serrure. La porte se déverrouille et nous entrons. - Sur votre droite. - Lui indiqué-je pour qu'il s'installe à la grande table, derrière les bibliothèques. Je referme derrière lui, jette ma sacoche sur le fauteuil et le rejoins tout en accrochant ma veste au porte-manteau. - Alors, Monsieur Moody. Que puis-je faire pour vous?

Sans avertissement ni patience, l'auror se débarrasse du globe fou. Le plop que la bille fait lorsqu'elle quitte son logement a quelque chose de dégouttant. Un effet viscéral secouant les entrailles. Heureusement, mon estomac est bien accroché et quoi que je ne me risque pas à jeter un œil à la cavité évidée, je ne me montre pas impoli. - Vous pouvez l’améliorer ? - Sourcils froncés. Curiosités piquée. J'observe l’œil de verre. Me voit-il? Là, depuis la surface de la table de bois, peut-il encore me voir? Ou a-t-il besoin d'être dans son socle pour fonctionner? - On m’a assuré que vous étiez pas le genre à se soucier des réglementations. J’sais bien qu’il est interdit de trafiquer des objets mais j’en ai besoin. - Ça c'est vite dit...

La bille roule. Avant même d'atteindre les frontières du bois, elle s'élève dans les airs. Contenu entre mes doigts, je l'observe tourner de façon erratique. Cette chose est une véritable curiosité magique. Comme je les aime. - Vous inventez des sorts, vous pouvez bien les appliquer à des objets, ça devrait pas être au-delà de vos compétences. - Sourcil arqué. Je lui jette un regard avant de revenir au sujet du moment. Inutile de cogiter s'il s'agit d'un compliment ou non. Au ton employé, je préfère éviter de chercher plus loin. - Peu importe vot’ tarif, je peux aligner les gallions. - Le tarif n'a pas d'importance. - Pas que je compte vendre mes services pour du vent. - L'aspect légal, en revanche... Certaines réglementations peuvent être contournées, ou évitées. Ça, c'est une ligne franche à traverser. - Dire ça au grand patron des enquêteurs du Ministère est peut-être risqué. D'un autre côté, il a certainement  bien assez à faire par les temps qui courent pour ne pas avoir à s'ennuyer de ce genre d'affaire. Il pourrait être là pour me piéger, mais j'en doute. Alastor Moody n'est pas connu pour jouer la comédie. - D'un autre côté, c'est un item d'assistance à portée médicale. Pas de ma création. Si vous pouvez m'assurer que mon nom ne sera jamais évoqué à ce sujet, c'est une zone grise dans laquelle je peux travailler.

Combien de lois et règles ai-je malmené depuis que je me suis installé? L'un de mes tuteurs m'a dit une chose, un jour. Il m'a dit qu'on ne fait pas d'omelette sans casser des œufs. Un dicton typiquement moldu que j'ai été surpris d'entendre dans la bouche d'un sorcier pure souche, mais qui malgré tout porte une certaine sagesse. Créer implique de malmener les consciences et de peser les risques. Bien des ingrédients occupant les étagères de l'atelier sont illégaux dans ce pays. De la contrebande, oui. Parfois par soucis de prix, d'autres fois parce que le Ministère applique sa loi sur ce genre de produits. Je m'assure que les éléments animaux ne sont pas obtenus de façon illégale ou sauvage, mais autrement, je m'approvisionne toujours. Alors que faire de ça?

D'un geste prudent, je dépose l’œil sur la table et m'installe en face d'Alastor. - Améliorer manque de précision. On peut tout améliorer de biens différentes façons. Qu'est-ce que vous voulez faire exactement? Améliorer les sortilèges déjà en place? Ou améliorer l’œil en tant qu'objet? Ou rajouter des sortilèges pour étendre les... capacités de l’œil? Et le cas échéant, pour faire quoi? - Table des négociations et chartes de créations, je ne peux pas statuer sans savoir exactement ce que je dois faire. - Cela dit, peu importe ce que vous désirez, la variable du temps demeure. Je vais avoir besoin d'une période d'étude pour apprendre comment votre œil fonctionne. Je n'en suis pas l'inventeur, je ne peux pas me jeter là-dedans comme ça. Et une fois l'étude terminée, il me faudra encore du temps pour appliquer les modifications, surtout si je dois développer des sortilèges inédits. Si vous avez entendu parler de mon travail, vous savez déjà que je ne suis pas homme à gagner du temps pour gonfler la facture, mais vous devez comprendre que ce n'est pas une tâche qu'il m'est possible d'accomplir en quelques jours.

Au moins accepte-t-il de laisser mon nom hors de tout ça. Dans un monde parfait ou l'ensorcellement d'objets serait légal, j'aurais été ravis d'associer mon nom à une telle création. Malheureusement, dans un monde parfait, on ne rencontrerait pas la mort à chaque coin de mort non plus. Je suppose qu'il me faudra me contenter de ma satisfaction personnelle. Et puis, je doute qu'il mente sur le sujet. Il serait tout aussi dans la merde si ça venait à se savoir. Peut-être aurait-il de meilleurs moyens de s'en sortir, mais inutile, pour le moment, d'y penser autant.

Améliorer ses capacités, si vous l’pouvez. - Je hausse les épaules. - Ça ne devrait pas être un soucis. - J’souhaite surtout y ajouter d’autres particularités. Déjouer les sorts de camouflage ça doit pouvoir s’faire ? Voir à travers les capes d'invisibilité et autres saloperies. - Ça, en revanche, risque d'être plus délicat. Je comprends bien que dans son boulot, voir plus loin que les autres peut éviter de mourir bêtement. Je suppose que par les temps qui courent, j'aurais bien besoin de ce genre d'avantage également. Heureusement, jusqu'à preuve du contraire, mon atelier n'est pas un champ de bataille et il y a bien assez de sécurité sur place pour me protéger.

J’ai pas cinq ans avant devant moi. - Pas vraiment ma faute. - Combien de temps ? - Difficile à estimer, là comme ça, mais certainement pas aussi longtemps. Déjà, pour les améliorations des sortilèges, si vous pouvez me faire un inventaire de ses ajouts actuels, je gagnerais pas mal de temps. Si je sais quoi étudier, je peux directement définir comment agir. De la même façon, si vous pouvez m'en faire une description physique, je n'aurais pas besoin de le garder. Sa matière, par exemple. S'il est composé de plusieurs éléments. Même s'il est protégé par des sortilèges anti-casse, ou ce genre d'assurance. - J'observe à nouveau l’œil qui gigote, curieux. Pourquoi bougent-ils autant? Est-il ensorcelé pour repérer la moindre menace?  Je le saurais bien assez tôt. - Voir au-delà des sortilèges de camouflages ne devraient pas poser de problème non plus. Il me suffira d'implémenter quelques contre-mesures aux sortilèges les plus utilisés. Ça devrait couvrir la plupart des options. En revanche, voir à travers une cape d'invisibilité est plus compliqué.

Mon esprit vagabonde. Ma mémoire tourne. - C'est différent que de passer outre un sortilège. Ça revient à simplement... contourner le flux magique en place. Une cape d'invisibilité est un objet, sur lequel on place un sortilège. Comme votre œil. Il est d'autant plus difficile d'en détourner le flux qu'il est imbriqué dans le tissu. Et ça, c'est sans parler des capes en poil de Demiguise, qui sont naturellement capables d'invisibilité. - Je doute lui apprendre quoi que ce soit, mais énoncer à voix haute les informations me permet de mieux organiser mes pensées. Vous devriez me voir dans mon atelier, à parler tout seul pendant des heures... - À vrai dire, je n'ai jamais eu l'occasion d'en étudier une. Je sais juste ce que j'ai pu en lire... - Je me perds un instant dans mes pensées, reviens à lui au bout de quelques secondes. - Je n'ai pas les moyens, mais peut-être que l'on peut s'arranger autrement. Etudier une cape d'invisibilité serait idéal pour développer une contre-mesure. Vous dites être prêts à aligner les gallions. Procurez-moi une cape en poil de Demiguise. Elle servira comme paiement partiel, son prix déduit de la facture totale. De cette façon, la transaction sera plus discrète et j'aurais un produit de qualité à étudier pour vos améliorations. Qu'en dites-vous?