Des rumeurs, elle en entends tous les jours. Certaines plus palpitantes que d'autres. Certaines plus réelles aussi. La plupart du temps, Bellatrix Lestrange n'y prête qu'une attention relative, les oreilles toujours à l'affût d'une information inédite. Et la dernière en date n'a pas laissé la sorcière indifférente. La Gazette du Sorcier étalée devant elle, une tasse de thé fumante entre les mains, les yeux de Bellatrix s'agrandissent. Rumeur avérée que le papelard décrit. Pas zélatrice pour quelques mornilles, la Gazette reste une lecture amusante, habitude prise au même titre que sa dipsomanie latente. Elle exulte Bellatrix, retient à peine le petit cri de plaisir qui franchi la barrière de ses lèvres. Délice dans nom. Certaine d'avoir les réponses aux interrogations posées sur le papier. Pas question d'attendre quelques heures, encore moins de passer la journée à se torturer l'esprit, suffisamment alambiqué sans en rajouter une couche. Elle ne perd pas de temps à engloutir sa boisson fumante et disparaît déjà dans un bruit sourd.

Unicorn lane. Elle connaît par coeur le chemin tenu secret, loins des yeux aveugles de ces semnopithèques de moldus. Rue haute en couleurs dans laquelle sa tenue sombre dénote, apporte une noirceur malvenue. De son pas dansant, sourire malsain aux lèvres, Bellatrix avance jusqu'au numéro 115. Sûre d'elle, toujours. La tête haute comme si ce monde lui appartenait. Elle s'empresse de frapper à la porte sans discontinuer, entêtée, pressée, impatiente. Les secondes s'égrènent et le sourire disparaît, remplacé par une moue désapprobatrice. Elle déteste attendre Bellatrix Lestrange. Alors quand la porte s'ouvre, elle ne perd pas une seconde, s'engouffre dans la demeure. « Je veux tout savoir ! » L'autre sorcière n'a pas le temps de respirer alors que la tornade s'invite au sein de son intimité. Elle prend possession des lieux, son regard éclairé par une curiosité malsaine, se pose sur cette amie perdue, retrouvée, à nouveau perdu et enfin retrouvée. « Alors ? C'était toi, pas vrai ? » Comme si Antigone savait exactement de quoi il s'agit. Comme si lire dans les pensées était un de ses dons et une habitude bien établie. « Je veux tout savoir Tiggy et ne me mens pas ! » Elle est bien loin la femme droite et mûre. Loin ses 36 ans. Bellatrix à tout l'air d'une adolescente friande de détails, folle à l'idée d'être laissée dans l'obscurité.

@antigone cooper

Elle est surexcitée Bellatrix, comme une gamine devant ses cadeaux d'anniversaire. Certaine que son amie sait de quoi il retourne, comprends son irruption soudaine. Elle prend possession des lieux sans autre cérémonie, s'invitant dans le cocon privé d'Antigone, sondant l'endroit de son regard sombre. Trop lumineux à son goût. Trop propre. Le nez retroussé, ses oreilles captent le son mélodique d'une chanson qu'elle ne reconnaît pas et qui lui vrille les tympans. Elle n'a jamais eu l'oreille musicale Bellatrix. Aucun talent artistique quelconque. Incapable de reconnaître la beauté. Son inspection à moitié terminée, elle se retourne vivement vers son amie, sourcils arqués dans une pose incrédule. « Vraiment ? » Ça lui paraît invraisemblable qu'elle ne puisse pas savoir ce qui l'amène. Comme si cela coulait de source. Logique imparable d'un esprit malade. Elle lâche un soupir exaspéré, sa main gesticulant nerveusement dans les airs. « Un thé fera l'affaire. » Plus vite elles en finiront avec ces bienséances, plus vite elles pourraient parler en toute franchise. Enfin aborder le sujet brûlant qui passionne tant la Lestrange.

Elle accepte de prendre place dans le salon, s'enfonce lourdement dans un canapé. Loin d'être patiente, Bellatrix trépigne, ses pieds battant la cadence de la musique qui continue de lui percer les tympans. Elle ne tient pas en place et sa langue suit finalement. Elle hausse le ton pour être certaine qu'Antigone l'entende distinctement. « Il y a eu une mort pour le moins étrange au département des esprits du ministère. » Elle reste évasive, véritable miracle. Bellatrix parvient à refréner son envie de hurler, de connaître toute la vérité dans les moindres détails. « Presque aussi étrange que toi ne travaillant pas. » Elle a toujours connu Antigone méticuleuse, bourreau de travail quand elle en faisait le moins possible. Encore aujourd'hui, les deux jeunes femmes étaient aussi différentes que le jour et la nuit. Bellatrix ne connaissait rien au travail et au dur labeur, se prélassant dans l'argent accumulé par sa famille. Et celui de son époux. « Alors ? Tu n'a rien à dire ? » Finalement agacée par l'attente, la voix trahissant largement son impatience, Bellatrix serre les dents.

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Elle n'aime pas attendre, encore moins qu'on la fasse attendre. Gamine qui ne tient pas en place. Forcée à garder le silence, tenir la position. Elle n'a pas le choix. La vérité reste enfermée. Antigone se faisant une joie de la laisser en suspens. L'agitation en cuisine est discrète mais réelle. Ça tient l'hôte à distance. Encore quelques instants de plénitude pour réfléchir à sa réponse. Mots choisis avec soin. Elle est douée la Cooper. A en faire presque pâlir Bellatrix. Drôle d'amitié. Elles se sont pourtant choisies. Allant et venant. Valsant à travers les âges. D'abord sur les bancs de Poudlard, affalées dans les canapés mou de la salle commune des serpents. Avançant vers l'âge adulte, l'étincelle de l'insouciance jamais vraiment éteinte. Le regard malicieux. Et entre elles toujours cette complicité intouchable. Difficile à comprendre pour ceux qui les observent de loin. On s'étonne, on s'amuse. On n'y croit pas vraiment. Et elles prouvent toujours le contraire. Vipères inséparables.

Elle se saisit vivement de sa tasse. Geste trop rapide qui trahie encore son excitation, la colère aussi qui monte inexorablement. L'agacement de ne pas savoir. Questions sans réponses. Suspens insoutenable. « Cooper ! » qu'elle se lamente, jouant le jeu des patronymes. Lui en voulant presque d'être restée la même. Résolument libre. Pas d'attaches, personne pour lui glisser des liens invisibles. Personne non plus à attendre. Pas de double. Pas de secrets à garder. Jalousie qui disparaît en une seconde. Elle aime être une Lestrange. Patronyme jalousé qui la rend encore plus grande. Honneur qui n'a pas de prix. Elle était à la hauteur la Black. A l'époque. Mariage né sans le consentement des intéressés. Ils se sont apprivoisés. Ils s'aiment, se déchirent. Adorateurs de la violence. Ils ne savent pas faire autrement. Et finalement elle n'est peut-être pas à la hauteur Bellatrix. Elle tente d'ignorer les murmures. Ragots et rumeurs colportés par les jalouses. Êtres sans importance. Mais ça la blesse. Au fond. Personne pour voir les zébrures, le temps qui passe. Les plaies béantes qui suintent. Et l'époux qui garde la tête haute, fier de l'avoir à son bras. Malgré tout. Le manque, l'absence. Problèmes personnels qui restent secret. Entre eux.

Loin des angoisses et du quotidien, elle obtient enfin ce qu'elle veut. Une échappatoire, des rumeurs finalement fondées. Un sourcil arqué, elle ramène sa tasse fumante près de son nez, respirer la vapeur sucrée qui s'en dégage. Odeur délicieuse qui la fait sourire. « A qui le dis-tu ? » Elles n'ont jamais eu froid aux yeux. Toujours prêts à se salir les mains. L'objectif final justifie tous les moyens. Il n'y a pas de limites. Pas dans leur monde. « Le comble c'est que tu tentes encore de changer de sujet ! » Elle n'en peut plus Bellatrix. « Ce congé n'a rien à voir ? » Il tombe plutôt bien. Elle n'a que faire des coïncidences la Lestrange. Chaque jour est un congé pour elle. Une parenthèse. Une vie entière dédiée à sa folie. Elle vit au gré de ses envies. « Qu'avait fait le bonhomme pour mériter tes foudres ? » Curieuse jusqu'au bout. Elle consent enfin à tremper les lèvres dans sa tasse, grimaçant au goût trop prononcé de plantes. Souvenir amer de la matriarche Black.

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