Oubliettes. En plein milieu du combat, la bataille a disparu en un clignement d’yeux, l’adrénaline, chuté à peine le sortilège s’est glisse hors des lèvres de la sorcière. Touchée de plein fouet, souvenirs qui s’effacent, fugaces : elle patauge dans la boue, elle se noie. Mais il y a cette main qui l’attrape, poigne décidée, qui presse ses membres engourdis. Craquement sonore, le sol s’échappe sous ses pieds, l’arrachant au massacre. Souffle court, vision floue, l’herbe calcinée, l’odeur acre du sang et du feu laissent place aux dalles de pierre du Chaudron Baveur et à l’odeur humide de la bière. La mélodie qu’elle entonnait de manière mécanique, comme une ancre dans le monde réel, se tait au profit de l’agitation du bar, des bruits de chaise, des exclamations tonitruantes des clients. Le décor change mais elle ne trouve pas son chemin. Chancelante, sang chaud et épais qui coule sur sa tempe elle regarde autour d’elle avec l’impression que quelque chose ne va pas, avec l’impression que quelque chose lui a été arraché. Elle a le souffle court, comme après une course, comme après une fuite, un combat ? Son esprit s’affaire en quête de réponses mais il n’y a rien dans ses souvenirs qui puisse justifier ça. Elle se souvient du festival, de la raison de sa présence là bas, l’inquiétude pour Thalia, pour Niven, les regards anxieux qui balaient la foule, le premier grondement sourd de l’explosion et puis, plus rien. La poigne se fait moins forte sur son bras, elle lève la tête vers le sorcier, met quelques instants à le reconnaitre, esprit embrumé : « Ruben ? » Elle cligne quelques fois, cils qui battent sur son visage salit par la poussière. Yeux qui passent du visage du jeune homme à la salle autour d’eux, elle ne comprend pas. « Ruben qu’est-ce qu’il s’est passé ? » Qu’elle demande dans une râle, larmes qui commencent à se presser dans son regard, panique qui la prend de voir le sang, de voir les blessures. « Tu es blessé ! Où sont les autres ? Thalia ? Marlène ? » Qu’elle s’exclame en s’arrêtant sur les profondes lacérations parsemant le corps de son ami. L’effroi se lit dans ses yeux noisette, l’effroi et ce petit quelque chose, ce vide brulant. Oubliettes. Mot maudit qui lui enlève ses attaches, si seulement elle savait. Mais la colère n’est pas même pas dans ses droits : perdue, elle s’enfonce, elle panique, larmes qui emplissent sa gorge, elle s’étouffe.

Il n'a pas vraiment réfléchi, devant l'urgence, le besoin de quitter ces plaines boueuses et imprégnées de sang et de mort. Il a juste déguerpi, entraînant l'ancienne amie dans son sillon; peu importe l'endroit, tout est mieux que ces pauvres prairies où il pleut désormais une espèce de bruine désolée et acide. Le tourbillon qui les emporte, ça n'a duré que quelques instants, juste quelques poignées de secondes, pour sauver leurs peaux, se mettre à l'abris, échapper à la folie destructrice, au moins jusqu'à la prochaine fois.
Emergeant de l'espèce de brume qui suit l'estomac toujours un peu en vrac après le transplanage, il retrouve un semblant d'équilibre, et les murs du Chaudron Baveur se dessinent avec plus de netteté. Constance est sur ses talons, son regard est confus, comme si elle peinait à se situer, dans le temps ou l'espace, ou les deux.
Sous leurs yeux, la vie a continué, indifférente à tout ce qu'ils viennent juste de voir, aux horreurs qui restent imprimées dans leurs mémoires, dans leurs yeux et auxquelles ils n'échappent pas, même la nuit tombée, lorsqu'ils s'abandonnent à l'étreinte de Morphée.

Sa voix presque tremblante, secouée par un malaise qu'il sent bien, mais dont il ne comprend pas vraiment l'origine. Elle dit son nom et il sent que quelque chose ne va pas. - Ruben, que s'est-il passé? Il la regarde, un peu hébété; peut-être est-ce le choc qui parle? Les larmes perlent à ses yeux, les grands yeux noisette si expressifs et pleins de chaleur. Elle reprend de plus belle, submergée par l'incompréhension, l'inquiétude déchirante pour les compagnons qui se sont parsemés dans ces plaines, au milieu des décombres, des planches brûlées et des scènes effondrées. Tout d'un coup, il sort lui aussi de sa torpeur, et le brouillard dans lequel ils sont, sans savoir le sort de ceux qui étaient à leurs côtés lui comprime douloureusement le coeur. Marlène. Pourvu qu'elle ait pu se mettre en sécurité. Et Idriss?  Une ombre dans son regard, celle qui ne passe plus, qui voile le fond des yeux, il pense à eux, qui étaient venus, qui se sont battus. Qui dans leurs rangs sont ceux qui ne reviendront plus? Il serre les poings, de rage, dévoré par une envie de vengeance qui le consume. - Ils ont dû se mettre à l'abris.. je n'ai vu personne quand on est partis. Niven a été le dernier à transplaner. L'espoir est maigre, mais il s'y raccroche furieusement, obstiné à ne pas envisager le pire avant d'avoir vu les corps sans vie de leurs amis. - Je suis sûr qu'ils sont en sûreté, quelque part. Il ne l'est pas. Sûr. Comment pourrait-il l'être? Mais il ne peut pas se permettre de succomber au pessimisme, pas encore. Les lacérations qui tâchent son t-shirt de sang se rappellent à lui. - C'est pas bien grave.. et toi, tu n'as rien? Tu sembles désorientée? Tu n'as mal nulle part? Il veut passer un bras autour de ses épaules secouées d'un quasi sanglot, mais une douleur cuisante à l'épaule l'en dissuade au dernier moment.

Il y a l’ambiance du chaudron baveur qui contraste un peu trop allègrement avec le champ de bataille qu’ils viennent de quitter. Comment le monde pouvait-il continuer de tourner après ce qu'il venait de se passer ? Elle voyait encore les corps, le sang, les mutilation, et l’odeur du feu ne quittait pas ses narines. Mais tout était toujours flou, il lui manquait quelque chose, elle ne savait même pas quoi et c’était le plus frustrant certainement pour la brune qui ne tarda pas à perdre totalement ses moyens face à son ancien ami. Les mots glissent entre ses lèvres sans aucun filtre, la peur s’immisce dans ses veines : qu’avait-elle raté ? Qui avait-elle laissé en arrière ? Les visages ne s’impriment qu’à peine dans sa mémoire, même ses plus proches auraient pu être confondus avec des étrangers. « Il faut qu'ils aillent bien… » Qu’elle souffle, presque plus pour elle même que pour que Ruben ne l’entende.

« C’est pas bien grave… et toi, tu n’as rien ? Tu sembles désorientée ? Tu n’as mal nulle part ? » Les questions s’enchainent et le regard de Constance s’attarde sur le visage du sorcier, incapable de trouver les mots pour répondre à tout cela. Grande inspiration elle porte une main à sa tête, essuyant quelques gouttes de sang qui coulaient sur son front avant de reprendre d'une voix rauque en désignant les lacérations qui parcouraient le corps de Ruben : « Si c’est grave il faut que te soigner… » Les mains sont tremblantes, elle souhaite récupérer sa baguette pour l’aider, le soigner certainement pas mais peut être limiter l’écoulement du carmin des plaies. Ses doigts viennent fouiller dans sa veste tâchée de boue et de ce qui lui semble même être du sang, mais serait-elle seulement capable de l’aider ? Elle avait l’esprit trop embrumé, risquait de faire plus de mal que de bien. Comprenant qu’elle n’était guère en étant d’user de magie, son mouvement s’arrête en plein vol, les yeux balaient le visage de Ruben, il ne comprenait pas le trouble qui habitait la brune, elle non plus, ne comprenait pas. « Je… » Elle ne savait même pas quoi lui répondre. Son corps ne la faisait pas souffrir si ce n’était quelques entailles sanguinolentes mais ce n’était pas ce qui l’inquiétait le plus.

Elle cherche à se souvenir, rien, toujours rien. Alors, les mots tombent, sans appel, accrochés d’un sanglot qui se bloque dans sa gorge : « Je sais pas ce qu’il s’est passé Ruben. » Cela n'avait aucun sens, elle le savait bien. Serrant les poings, agacée de sa propre incompétence elle tente de se remémorer tout ce qui pourrait l’aider à comprendre mais cela ne lui donnait qu’un peu plus le tournis et la força bien vite à se laisser glisser contre un mur de pierre humide, sol qui se dérobe sous ses pieds : choc bien plus psychologique que physique même si ses membres la font souffrir. « Je ne me souviens de rien. » Les mots tombent comme une sentence mortelle, couperet, elle comprend finalement, ses souvenirs lui manquent.

Perdus au milieu de cette normalité, des échanges chuintant derrière eux, les conversations mêlées qui ne leur accordent pas la moindre attention, ils sont là, s'offrant mutuellement l'appui dont ils ont besoin, un soutien qui ne passe ni par de grands discours, ni par des effusions. Juste la présence, la compassion silencieuse de ceux qui traversent les tempêtes. Deux scènes qui se superposent, comme deux réalités diamétralement opposées: une tranche de normalité, le quotidien qui ne s'arrête pas, un élan qui lui est vital pour que le monde ne s'effondre pas, ne finisse pas par imploser. Il en faut, de cette normalité, qui préserve la société. Pour quoi se battraient-ils sinon? Pourtant, il y a un contraste un peu déroutant, presque obscène, avec ce qu'ils ont encore dans le fond des yeux, Constance et lui. L'odeur âcre de la mort leur emplit encore les narines, et ils sont clairement les erreurs dans ce décor plutôt paisible.

Les lèvres bougent, mais c'est comme si aucun son n'en sortait, un souffle, il n'a pas pu percevoir les mots, mais elle semble en proie à une sorte de débat intérieur, il n'a pas vraiment cherché à savoir ce qu'elle murmurait. Constance. La vie est étrange, eux qui gravitaient dans les mêmes sphères, et soudain, échoués sur des rives différentes, perdus de vue et de nouveau mis en présence, pions sur cet échiquier nauséabond. - si c'est grave, il faut te soigner.. Tentative fébrile, un peu vacillante de recourir à une magie régénératrice, rapidement avortée, les mains tremblantes. - Shh.. ça va aller.. Ses mains dans les siennes, pour l'apaiser.

Un aveu qui la terrifie, les sanglots dans la voix, une détresse qui fait mal au coeur. L'incompréhension peinte sur les traits, sourcils froncés; ça ne peut être qu'une chose, si le corps n'a pas souffert, alors l'esprit a été attaqué, la mémoire. - Tu assistais à un festival de musique.. c'était dans la plaine, près d'Oxford..Il se mord la lèvre, remettant par la même occasion de l'ordre dans ses pensées. - Il y avait des moldus et des sorciers, l'ambiance était légère et bon enfant...et puis les mangemorts ont attaqué et semé le chaos. La rage qui lui remonte au nez, ressentiment venimeux qui court dans ses veines, les mâchoires se serrent instinctivement, et ses yeux lancent des éclairs. bande de lâches il fulmine intérieurement. - tu as dû prendre un 'oubliettes' constat impuissant qui ne fait qu'accentuer la colère sourde qui gronde déjà dans les entrailles.

Spoiler:

Elle a du mal à retrouver ses esprits Constance, peine à réaliser où ils se trouvent maintenant autant qu’elle peine à se rappeler des minutes passées. Les deux lieux lui semblent terriblement impromptus, elle devrait être auprès de sa soeur, ou de sa vie : par Merlin, elle ne se souvenaient pas d’où se trouvaient ses trésors. Quelques bribes de souvenirs, la musique qui résonnait dans ses oreilles, les rires et cris de joie des festivaliers et une explosion qui vrille ses tympans encore douloureux. Et puis le vide et enfin le visage de Ruben, yeux écarquillés par la douleur et haletant d’un combat oublié.

Le tableau est dépeint par Ruben avec toute la rage qu’il ressent, et elle,  en ressent une similaire au fond de ses tripes. Elle se souvient de la colère à défaut des raisons. Elle se souvient de la tension à défaut des ennemis, elle sait beaucoup malgré les vides. Il lui explique, patiemment, tente de remplir les blancs et finalement, le couperet tombe, vient mettre fin aux doutes, vient lui arracher les derniers espoirs. Oubliettes. Le mot ne fait même pas sens. Elle tentait de faire un lien, elle tentait de trouver une raison mais elle n’y parvenait même pas, malgré la vérité implacable, trop de questions restaient en suspens. Ils étaient venus pour tuer, alors pourquoi ? Pourquoi se contenter de lui arracher ses souvenirs ? Qu’avait-elle vu qui pourrait justifier cela ?

« Je crois que je vais vomir. » Qu’elle souffle en tâtonnant pour récupérer une chaise abimée qui trainait là, jambes qui la portent à peine elle appuie son visage dans ses mains pour faire taire le vertige, pour faire taire la douleur lancinante à l’arrière de sa tête. « Je me souviens que j’étais là… » Elle baisse un peu le ton, il n’était pas bon hurler son allégeance par les temps qui courent « En mission. » Car ils avaient eu l’information, car ils étaient là pour protéger les gens, elle ne savait même pas s’ils avaient réussi, elle ne savait même pas s’ils avaient sauvé des gens, elle ne savait pas s’ils avaient perdu des leurs, l’impuissance la rendait malade. « Ils se sont attaqués à des moldus sans défenses… » La réalisation qui ne fait qu’accentuer le mal, la colère aveugle qui la ronge : comment avaient-ils pu oser ? « Bande de lâches. » Grogne-t’elle en passant une main sur son visage sale, tentant de faire disparaitre d’un geste les larmes et le sang, la douleur et la saleté

Spoiler:

Le goût de la défaite venait petit à petit se déverser dans le palais de Constance. Au fur et à mesure qu’elle comprenait ce qu’il s’était passé, au fur et à mesure qu’elle faisait le lien avec les horreurs qu’elles avaient vues avant d’être extraite loin du champ de bataille : ils avaient perdu ce jour-là et le constat était amer. Les mots de Ruben se veulent calmes, il lui explique en détail ce qu’elle a perdu, ce qui lui a été arraché. Et si son esprit était trop embrumé pour se rendre encore compte de tout ce que ça impliquait, elle sentait bien que cette attaque marquerait le début d’une nouvelle étape, un pas de plus dans l’horreur.

Le tournis la prend, jambes fauchées par un choc à retardement, par des évènements vécus par souvenirs interposés, elle cherche son chemin jusqu’à une chaise, visage ravagé arraché aux regardes des autres tandis qu’elle tente de reprendre son souffle. « Merci Ruben » Qu’elle souffle, bouche pâteuse, en prenant le verre ainsi façonné dans ses mains encore tremblantes pour le porter à ses lèvres, eau fraiche qui a défaut de tout arranger, faisait au moins passer la nausée qui l’avait prise. Se redressant légèrement elle jette un oeil autour d’eux : tous vaquaient à leurs occupations, où étaient-ils ceux qui ne cessaient de s’attarder sur les affaires des autres ? Où étaient-ils ceux qui pourraient leur offrir du soutien ? La nature humaine la débectait soudainement. Ils ne pouvaient s’en remettre qu’à eux mêmes, soutiens maladroits, encore choqués par les évènements, les mots peinaient à sortir, peinaient à panser les plaies sanguinolentes de leur chair et de leur âme.

Les pupilles se perdent le sang qui souillent le t-shirt de Ruben, elle ne se rendait qu’à peine compte de la violence de certains des affrontements qu’elle venait de vivre. Si elle se trouvait diminuée, plus mentalement que physiquement, elle se rendait compte que Ruben, de son côté avait subit de vilaines blessures. « Come here, have a seat, tu as besoin de repos. » Qu’elle souffle au jeune homme, attirant une autre chaise vers eux d’un geste approximatif de baguette, mouvement un peu trop sec qui manque de faire tomber celle sur laquelle elle se trouve elle range son arme dans la poche intérieur de sa veste, prudente. Et elle ne sait pas quoi dire d’autre. Son esprit tente d’intégrer ce qui leur est arrivé : « C’est vraiment la guerre. » Qu’elle finit par souffler après quelques instants de silence, tournant un peu la tête vers cet ami qu’elle retrouvait dans des circonstances bien sombres.

[@ruben anstruther ]

Les instincts de Constance prennent malgré tout le dessus, ce besoin de prendre soin des autres, esprit maternel sur développé depuis la naissance de sa fille et qui rejaillissait sur toutes les personnes qu’elle tenait en affection ou en estime. Cette fois, c’est Ruben qui en fait les frais, à défaut de pouvoir le soigner, elle tentait de lui offrir un instant de repos. Instant qui ne dura pas cependant, le sorcier restait sur le qui-vive. « Moi aussi. » Ajoute-t’elle avec un petit rire en évitant son reflet dans une fenêtre du pub. Elle faisait mine de se laisser osciller vers un air joyeux, ne serait-ce que quelques instants, mais il sonnait un peu faux, encore sonnée malgré elle, esprit manipulé par la magie qui l’empêchait d’être totalement en phase avec ce qu’elle ressentait, voire même de le comprendre. Elle oscillait entre panique, colère et tristesse, les émotions se bousculaient et elle peinait à tenir debout, sa tête tournait même alors qu’elle était encore assise sur le tabouret bancal. « Tu as raison. » Murmure-t’elle en jetant un coup d’oeil autour d’elle. Elle frissonne doucement à l’évocations des partisans du mage noir, s’ils s’en étaient pris à un festival moldu, qu’est-ce qui les empêcheraient de faire irruption dans le pub et de tous les tuer sans aucun remord ? L’horreur de la situation la prend aux tripes lui laissant à nouveau un gout amer au fond de la gorge. « Il faut que je trouve Thalia, et Niven… Prévenir mes parents pour… » Elle a un hoquet presque paniqué en s’imaginant sa fille au milieu de la foule avant de se rappeler que la petite était loin, bien en sécurité. « Katie… » Elle secoue la tête, passant une main sur son visage, émotions bien trop violentes qui la faisaient souffrir. « Je devrais pouvoir m’en sortir » Elle se redresse, ferme un instant les yeux le temps de retrouver son équilibre avant de se tourner à nouveau vers Ruben : « Allons-y. » Et comme ils avaient atterrit dans le chaudron baveur, ils le quittèrent, dans un craquement sonore, chacun partant en quête de leurs êtres aimés, tentant d’oublier, ou de se souvenir de ce qu’ils avaient vu et vécu ce jour-là et qui pour sûr n’était que le début d’une guerre bien plus ouverte, bien plus violente que ce qu'ils avaient vécu jusqu’à présent.