Une baguette. Voilà une chose étrange. Je dois dire que lorsque j'avais vu ça écris sur la liste des fournitures, j'avais immédiatement imaginé une tige rose avec une étoile au bout. Puis j'ai pensé aux baguettes de magiciens, noires aux bouts blancs, mais bizarrement avant d'arriver dans la boutique de Ollivanders, c'est un mélange des deux qui s'était imprimé dans mon esprit. Une baguette de magicien, rose, avec des étoiles dessinées dessus. Lorsque j'avais vu la boutique, le conflit des genres s'était fait dans ma tête. Quand j'y étais entré et que j'avais sentis cette odeur de bois et de poussière, il avait grandis. Et quand il m'avait présenté cette toute première baguette en bois de cerisier d'un marron soutenu et aux alvéoles sombres, je ne savais plus si j'étais soulagé ou choqué. Peut-être un peu des deux. J'en avais essayé quelques unes, six exactement, avant de tomber sur la bonne. La septième, une baguette en orme à la poignée en biseau et aux torsades agréables au regard. Quand je l'avais vu, elle m'avait semblé évidente. Et quand j'avais fais "le geste", et que les fleurs séchées s'étaient revigorées d'une vie superficielle, l'évidence était confirmée. À partir de cet instant et jusqu'à ce que l'on sorte de la boutique, toute mon attention n'était tourné que vers cet étrange bout de bois. Comment une... bête branche peut-elle contenir tant de pouvoir? Mon esprit d'enfant n'en avait cure.

Ma baguette. Un petit objet étrange auquel je m'étais vite habitué. Certains des enfants l'oubliait parfois dans les dortoirs, trop préoccupés par le petit déjeuner, ou simplement l'absence d'habitude, surtout quand on provenait comme moi d'un monde ou rien de tel n'avait de place au quotidien. Pas moi. Je la quittais rarement. Même dormir était une activité que je faisais avec la baguette entre les doigts. Elle était rapidement devenu comme une extension de moi-même, mais jusqu'à un certain point, elle n'était rien de plus qu'un bout de bois. Un jouet entre les mains d'un enfant ignorant. Jusqu'à un certain point, oui.

Si je dois me remémorer de mon souvenir le plus marquant à Poudlard, en ignorant les déboires de la dernière année, ce serait celui du cours de Sortilège, en première année.

Jeune sorcier à l'époque, j'avais hâte d'apprendre, émerveillé de peu, captivé par tout et n'importe quoi. C'est pourtant seulement en milieu de premier semestre que j'avais pris conscience de ma nouvelle réalité. Les cours théories et les mélanges de mixtures semblaient parfois trop... normaux. Les livres aux magnifiques dorures, ou même les chaudrons aux potions fumantes. Certes, toutes ces nouvelles disciplines étaient surnaturelles et intéressantes, mais cette potions aux relents de goudron? On aurait probablement pu préparer une même mixture ignoble à la maison avec un peu d'eau boueuse et de plantes empoisonnées. Même faire flotter cette large plume blanche n'avait été qu'une excitation passagère, les méninges moldus revenant vite à la rescousse d'un esprit en quête de stabilité pour suggérer que quelques câbles cachés avaient pu soulever la plume. Ou les effets atrocement discrets d'une ventilation cachée. C'est le cours sur le sortilège Lumos qui avait eu raison de mes derniers doutes.

J'aurais pu expliquer le phénomène. J'aurais pu imaginer un système mystérieux à l'intérieur de ce bout de bois. Une petite lampe. Une technologie cachée. Je crois que d'une certaine manière, mon esprit a simplement abandonné. Lumos. Le sortilège d'allumage de baguette. Une lumière douce et claire qui combat la pénombre. Il n'y avait pas la moindre obscurité durant ce cours, en pleine journée, sous un ciel grisonnant, mais la lueur qui s'était échappée du bout de  ma précieuse baguette avait éclairé bien plus que les bancs et mon bout de pupitre. Plus que mon visage blafard aux yeux écarquillés. Cette lumière a chassé les dernières ombres de perplexité, menant à une réalisation que bien d'autres n'avaient pas eu besoin d'avoir: J'étais un Sorcier. Je faisais de la magie. Ce n'était ni un mensonge, ni un rêve et encore moins une invention de mon esprit. C'était la réalité. Le monde dans lequel je vivais, et ma vie, désormais.

Je crois que c'est à cet instant que mon intérêt pour les sortilèges a pris racine. Les potions, les manuels et les runes sont bien belles et utiles, mais les sortilèges... La capacité de manifester la magie de quelques mots, parfois sans même les prononcer. La lumière d'étoiles impossibles, juste là, au bout de mes doigts. Toute la beauté d'un mystère que peu importe l'âge vieillissant, le regard de cet enfant observera toujours.