the past holds us here (gideon)

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the past holds us here.

Just a box of bones Lowered and marked with a stone, In the north at the mountains feet, In the north to find some peace. --- @gideon starrick

Temps morne, gris. Désolant, vraiment, que de devoir mettre en terre le frère de sa mère alors que la météo semble se disloquer. Costume noir de rigueur, cravate nouée autour du cou, Russell tend l'index et tire sur le sol de la chemise, plus vraiment habitué aux démonstrations d'élégance. A l'impression d'étouffer, au milieu des pleurs, des sanglots. Propre cœur qui se serre dans la poitrine, à pas savoir quoi dire, ou quoi faire – première mort qui vient ébranler son petit monde. Force est de constater qu'il voudrait mêler ses pleurs aux autres, mais qu'il n'y parvient guère. Visage de marbre, alors que le corps est fébrile et qu'il se sent en communion avec les autres âmes sans savoir pour autant l'exprimer correctement. Beaucoup trop de choses à dire, pas suffisamment de temps.

Incapable pourtant de verser une seule putain de larme, ne serait-ce que pour montrer l'affection qu'il entretenait à l'égard de Jerry. Pas une, pas la moindre. Ca l'agace, autant que ça le crispe. Mains maintenant enfoncées dans les poches, à écouter les dires de ecclésiastique de l'Église anglicane, prêtre qui clame mille et une choses à propos de son oncle ; sans savoir si la moitié est vraie. Peut-être qu'il s'en fiche aussi, et il n'y aurait pas de mal à ça. Silencieux, respectueux, Russell ferme les yeux, alors que la pluie cesse de s'abattre. Les parapluies se rabattent en choeur, et s'affaissent.

Moment de recueillement, alors que Russell se présente devant le cercueil. Y pose sa main, épouse le bois sous la paume, paupières qui se joignent à nouveau. Et tout redevient comme avant, alors que ses cils battent et qu'une éclaircie perce les nuages gris. Il se détourne du cercueil d'un même pas, mains qui retrouvent les poches salvatrices tant adorées, stabilité saine qu'il se donne – l'air de rien. Il suffoque pourtant, se sent mis à mal par son état grandissant de perdition. Sa fébrilité. Doigts tremblants qui s'accrochent au tissu intérieur, bouche qui devient sèche et envie instable de s'en fumer une – alors, c'est ce qu'il fait, à dépasser parents et famille, à les saluer d'un geste distrait, à préférer se mettre à l'écart afin de réfléchir. Marche quelques instants et rejoint sans y songer un garçon, dans la vingtaine, et se poste à ses côtés, peut-être à un mètre d'écart. Pense qu'il vient certainement de pénétrer sa bulle privée – oh well.

Glisse l'embout de la cigarette entre ses lèvres pincées. Coup d’œil interrogatif au plus jeune, tandis qu'il lui tend le paquet après une seconde d'hésitation. « Vous en voulez une ? » Le toise de bas en haut – curiosité qui se veut professionnelle, mais qui ne parvient qu'à être insolente sur son fasciés marqué par la fatigue. « Vous connaissiez bien Jerry ? » Russell demande alors, sûr et certain de s'en foutre, au final – parce qu'il n'y a bien que sa peine, à lui, qui compte le plus. Mais le faire parler, entendre une voix étrangère, ça ne peut qu'apaiser ses maux qui, doucement, grossissent et bombardent la cage thoracique. « C'était un sacré bonhomme. » Sa gorge se serre de nouveau, émotions qui l'étranglent, alors qu'il laisse échapper des volutes de fumée pour se donner la contenance qu'il a l'impression d'avoir perdu.

(c) sweet poison