Patience. Rodolphus en a fait montre. Toute une soirée assis là, dans le coin d'un bar pouilleux du fin fond de l'Écosse. Tapi dans l'ombre de son recoin, il n'avait pas lâché sa cible des yeux, sinon pour avaler rapidement une bouchée de son frugal repas et quelques lampées d'un whisky pour le moins surprenant, vu ses a priori sur l'endroit. Celle qui l'accompagne, probablement membre de l'Ordre du Phénix, ferait les frais de sa connexion avec l'ancien mangemort. Une pensée saugrenue dans l'esprit de Rodolphus. Soit on est mangemort, soit on ne l'est pas. Fidèle ou mort. Il n'existe pas d'autre alternative. Elphias Brewter le comprendrait bien assez tôt.

Prudence. Rodolphus en use en toute circonstance. Ou presque. En l'occurrence, il ne se précipite pas derrière le couple du soir lorsqu'ils quittent le pub. Il les laisse atteindre la porte avant d'attraper sa canne et de se mettre sur ses jambes. Une distance minime mais qui lui assure une relative sécurité. Il les sait sur leurs gardes, aussi n'est-il pas surpris lorsqu'ils s'arrêtent une fois qu'il met lui aussi le nez dehors. La sotte cherche à protéger le traître, pensant peut-être que sa condition refroidirait Rodolphus. C'est mal le connaître. Nul besoin, très chère. Lui sait qui je suis. répond-t-il en désignant Brewter de la pointe de sa canne.

Un rictus s'étale sur son visage, dévoilant la blancheur de ses dents dans la nuit sombre des Highlands. Calme, froid. Stoïque. D'un geste vif, il ramène sa canne à lui, en retire l'extrémité pour dévoiler sa baguette. Faire preuve de pitié n'est pas dans ses habitudes. Puisqu'elle désire s'interposer et se battre, Rodolphus se fera un plaisir non dissimulé d'exaucer son souhait. Il campe ses pieds bien au sol, fier duelliste qu'il est, dégoulinant d'orgueil. D'un geste de sa baguette, il lui intime de s'écarter. Dernière chance ma belle. dit-il d'une voix douce mais ferme. Il sait qu'il ne la laissera pas partir, mais cela lui simplifierait la tâche, et entretient l'illusion de la clémence.

La jeune femme est têtue. Naïve. Rodolphus la laisse face à l'inconnu, ne lui offre que la vision de sa parfaite dentition blanche, qui tranche avec la nuit qui les entoure. Brewter le connaît, c'est bien suffisant. Et elle, elle ne tardera pas à le savoir à son tour, à ses dépends. Rodolphus peut déjà percevoir la crainte, la peur même, chez le traître. Et il éclate d'un rire fort et sincère après que la femme lui ait proposé de s'en aller. Brewter, lui, s'est comme figé derrière sa protectrice. Il sait que rien ne fera partir le mangemort. Plus maintenant. Si seulement c'était aussi simple ma chère. Mais vous savez que ça ne l'est pas. Et notre ami ici présent sait aussi quel sort l'attend. Rodolphus reporte son regard froid et acéré sur l'homme. Aaah Elphias. Elphias, Elphias, Elphias... On ne trahit pas le Lord. dit-il, hochant la tête de gauche à droite, comme s'il réprimandait un enfant.

D'un geste vif, il balance sa baguette en avant. Un claquement retentit, un éclair rouge illumine la nuit. Stupefix. Derrière l'inconnue, Brewter s'écroule au sol. Rodolphus ne l'a pas tué, pas encore. Il compte bien s'amuser un peu avant de mettre un terme à cette petite distraction. Rodolphus Lestrange, pour vous servir. s'incline-t-il légèrement devant la jeune femme, comme s'il venait de la débarrasser d'un nuisible. Ce qui, en l'occurrence, est peu ou prou ce qu'il pense malgré tout. C'est vous et moi à présent ma chère. Je vous fais une contre-offre : laissez-moi Brewter, partez, et aucun mal ne vous sera fait. Son visage se ferme, impassible. Rodolphus ne veut trahir aucune émotion, rien qui ne la laissera penser qu'il ment. Car si Brewter n'est qu'un traître indésirable, qui sait ce que le Lord pourrait faire d'une de ses protectrices ?

La stupide gamine fait front, refuse l'offre. Encore. Rodolphus est consterné par sa bêtise, quand bien même il ne l'aurait pas laissée partir. Mais sa vie pour celle de Brewter ? Il n'en vaut pas la peine. Les informations qu'il détient ne sont que d'une utilité toute relative pour l'Ordre du Phénix. Il n'empêche qu'il doit mourir. Pour l'exemple. Rodolphus sourit une nouvelle fois à cette perspective. C'est presque s'il ressent déjà le goût du sang sur son palais. Il sourit aussi aux paroles de la jeune femme. Alors vous savez que vous n'avez pas la moindre chance. Simple constat. Les aléas d'un duel en rendent toujours l'issue incertaine, quoi qu'on en dise. C'est pourquoi Rodolphus ne frappe que lorsqu'il est sûr de son fait. Comme ce soir. Mais ces fameuses rumeurs se font bien plus élogieuses à son sujet, fruit d'une propagande dont il ne se plaint d'ailleurs pas.

Rodolphus reste là, droit, calme. Immobile. Sûr de son fait. Il décèle au fond du regard de son ennemie cette petite étincelle, cette lueur fugace qui précède l'assaut. Un flash rouge éclaire les environs, le jet jaillit de la baguette, fonce vers lui. D'un large mouvement, Rodolphus dévie l'attaque, l'envoie se perdre dans l'obscurité des cieux étoilés. Protego. Il réplique, balance son bras. L'éclair accompagne le tonnerre. Sort puissant, volontairement facile à esquiver. Rodolphus s'amuse avec sa proie. Il y prend plaisir car il sait qu'il peut se le permettre. Simple démonstration, subtil aperçu de sa force. En touchant terre, son jet explose avec fracas. Théâtralité réjouissante. Quelquefois, Rodolphus comprend mieux ce que ressent Bellatrix en de telles situations. Cependant, il compte bien mettre rapidement un terme à cette mascarade. D'autres tâches autrement plus importantes que Brewter l'attendent encore.