Here's to the mess we make.

D'abord réticente, Mayra avait finalement accepté l'invitation de son amie, laissant de côté ses craintes. Ayleen méritait sa présence. Et la jeune femme lui avait assuré qu'il ne serait pas présent. Cette simple promesse avait suffit. Même si sa sœur continuait de lui rapprocher ses liens avec les Farrell, trouver cette relation presque malsaine. Trop douce Mayra, trop attachée à son passé, à ces personnalités qui avaient marqué sa vie. Elle ne pouvait tout simplement pas se défaire de ses liens aussi facilement. Pas même alors que trois longues années s'étaient écoulées. Elle continuait, inlassablement, à se perdre dans les méandres de ce passé alambiqué. « Tu ne guérira jamais. » Nyarai finissait par soupirer et abandonner. Combat perdu d'avance. Et au fond, Mayra ne voulait pas franchement se battre, préférant se laisser glisser. Elle avait depuis longtemps déposer les armes.

Le long trajet en bus lui laissait trop de temps pour réfléchir, angoisser. Dans un geste machinal, elle lisse pour la centième fois les plis de sa robe jaune moutarde, évitant soigneusement de croiser les regards réprobateurs des hommes et des femmes blanc alentour. Elle le connaît par cœur le chemin qui mène jusqu'à la maison de Battersea. L'estomac noué, le cœur serré en pensant qu'elle aurait emprunté cette route tous les jours. Dans une autre vie. Le petit paquet serré contre son cœur, elle reste figée sur place, les yeux rivés sur la devanture, les fenêtres éclairées par la lumière du soleil. Anamnèse violente de moments volés qu'elle ne vivra plus jamais. Et elle sait que cette soirée sera faite de souvenirs douloureux qui viendront la submerger par vagues successives. Elle sait déjà qu'elle n'en sortira pas indemne. Peu importe les sourires qu'elle offrira, les compliments. Cette maison aurait dû être la leur.

Expirant longuement, Mayra fini par gravir les quelques marches qui la séparent de la porte et frappe sans y penser, consciente que si elle ne poursuit pas dans le même mouvement, elle fera demi tour. Attente interminable qui prend fin avec le visage rayonnant d'Ayleen qui ne perd pas une minute pour la serrer dans ses bras, l'inviter à entrer. « Happy birthday Ayleen ! » Son paquet passe dans les mains de la jeune femme qui assure qu'elle n'a besoin de rien, que ce n'était pas nécessaire. Elle sait Ayleen. Elle sait combien la vie est difficile. Elle sait qu'il en coûte à Mayra d'offrir ce maigre présent. Mais jamais Mayra n'aurait pensé à venir les mains vides.

Here's to the mess we make.

Il courait, se faufilant entre les passants malgré sa taille imposante, un paquet sous le bras. Quelques bousculades, des excuses lancées à l’échappée et le bruit de ses pas sur les pavés mêlé aux vociférations des piétons mécontents. C’était comme slalomer entre ses adversaires au quidditch. Légèrement essouflé après sa course folle, Aiden se laissa ralentir pour respirer un peu. La soirée ne faisait que commencer et le soleil s’attardait encore au-dessus des Londoniens, un vent étrangement chaud balayant le visage du sorcier. Doux aperçu de l’été à venir. Le panneau de la pharmacie au coin de la rue afficha la date du jour. Douze juin. Aiden serra plus fort le colis contre lui, sentant la boîte dissimulée sous le papier. Malgré l’emballage, il sentait presque l’odeur du thé japonais généreusement apporté par l’un client régulier de l’animalerie. Réflexion de plusieurs mois pour trouver le cadeau d'anniversaire idéal, une surprise qu'il espérait capable de calmer le coeur de sa soeur pendant au moins quelques heures et qu’il avait bien failli ne pas pouvoir lui offrir aujourd’hui. La réunion de l’Ordre s’était terminée plus tôt que prévu et pourtant les nouvelles n’étaient pas réjouissantes. Toujours aucunes traces de Dumbledore tandis que sorciers et moldus se remettaient difficilement de l’attaque du festival. Les victimes, nombreuses dans les deux camps, s’entassaient sur l’autel de cette guerre ne faisant que commencer.

La maison apparu plus loin, vision familière d’un foyer perdu puis retrouvé. Malgré les années, Aiden avait un pincement au cœur chaque fois qu’il posait les yeux sur la façade blanche. Elle lui avait tout de suite plu avec ses hautes fenêtres noires et son petit jardin à l’avant. Un regard et son futur avec Mayra avait soudain semblé appartenir à cette maison, vision tangible d’une vie à deux, au début du moins. Il y avait cru, si vite, si intensément. Mais elle avait baissé les bras et il avait laissé la maison à Ayleen. Et il n'arrivait même pas à lui en vouloir.

Aiden poussa le portillon en fer puis monta les quelques marches vers la porte d’entrée. Un soupire, une main dans les cheveux pour remettre en place les quelques mèches noires dérangées par le vent et il frappa à la porte. Déjà un sourire aux lèvres, se délectant par avance du visage surpris d’Ayleen. Impatient, il fait tourner le cadeau entre ses doigts le temps que la porte s’ouvre. Un jet de lumière l'éclaire depuis l'intérieur. « Surprise ! »

Here's to the mess we make.

Son cœur s'arrête momentanément de battre. Elle ne sait plus comment respirer Mayra. Définitivement pas prête à l'entendre. Encore moins à le voir. Ses entrailles s'entortillent les unes aux autres et le flot de ses pensées est brutalement interrompu. Elle n'est plus capable de rien. Comme pétrifiée. C'est à peine si elle distingue les mots que prononcent Ayleen. A peine si elle voit les enfants se précipiter dans l'entrée. Et elle n'est pas capable d'arrêter la chute du verre qu'elle tenait dans ses mains une seconde plus tôt. Le verre explose sur le sol et le vin se déverse sur le plancher, éclaboussant les pieds de la jeune femme. Décharge électrique. « Shit ! » qu'elle s'exclame, confuse. La réalité la frappe de plein fouet alors qu'à côté la porte se referme. Elle les entends maintenant distinctement. Les enfants fous de joie à l'idée de passer cette soirée en compagnie de leur oncle. La voix basse d'Ayleen qui tente de se faire entendre au-dessus de tout ce brouhaha. Ayleen qui doit essayer de le prévenir sa présence à elle. Visiteuse impromptue. Elle éponge maladroitement le vin à l'aide d'une serviette en papier, ramasse le plus gros des morceaux de verre. Vite. Trop vite. Elle laisse échapper une exclamation de douleur alors qu'un petit morceau lui pique le doigt. Une goutte de sang s'en échappe presque immédiatement et elle se maudit pour sa maladresse. Et voilà que déjà la petite famille rejoins le salon...

Elle se redresse en soupirant, certaine de croiser son regard. Rien ne l'avait préparé à ça. Pas ce soir. Et à nouveau son cœur s'arrête de battre alors que les yeux sombre d'Aiden rencontrent les siens. Abysses dans lesquels elle est prête à se perdre. Pendant un instant le monde s'arrête. Elle entends encore Ayleen s'excuser. Elle l'entends lancer des banalités. Et tout à coup ses mains sont dans celles de son amie. Elle redescend sur terre Mayra. « Oh I'm fine, it's nothing really. I'm just silly. » Ses joues s'enflamment et Mayra détourne le regard. Elle aimerait tant ne plus rien ressentir. Elle aimerait être vide de tous sentiments. Etre capable de le regarder. Elle essaie s'y fort d'oublier. Elle fait tout ce qu'il faut pour le chasser. Mais Aiden est là. Toujours. Il envahit ses pensées nuit et jour. Peu importe qu'elle s'efforce de sortir avec d'autres hommes. Peu importe qu'elle tente de s'éloigner de son monde. Rien n'y fait.

Elle offre un sourire timide à Ayleen visiblement aussi mal à l'aise par la situation qu'elle. Mais Mayra a depuis longtemps appris à jouer la comédie. Elle salue vaguement Aiden d'un mot, incapable de plus. Pas certaine de tenir encore sur ses jambes. Pas sûre de survivre à une soirée entière en sa compagnie. Il s'approche et elle n'a pas la force de reculer Mayra. Comme hypnotisée. Perdue. Tiraillée entre l'envie de fuir et celle de rester. Toujours.