Highgate Cemetary
· NORTH LONDON

Ballet des lumières dans le lointain, éclats ultimes de l’astre solaire sur la lisière du monde, elle ne gratifie pas le paysage de son attention, les prunelles masquées de verre teinté, crinière platine tirée en arrière, toujours élégante, toujours royale, même pour visiter les charognes. Druella se distingue parmi les fantômes, figure céleste qui se détache entre les arbustes tachetant les allées, jardin de pierres tombales qui s’étalent à ses pieds. Mort qui roule sur la carcasse divine, comme imperméable, matriarche de son royaume atrophié par la fierté, elle nargue les mânes qui se retournent sur son passage.

Les colonnes et les verdures s’entremêlent, mercuriales funèbres qui dévorent doucement le monde des vivants, clament ces morceaux de terre et de marbre, transforment le cimetière en une étrange nature, capturent l’espace dans un entre-deux monde mystique où ne manquent que la brume et les corbeaux. Arcanes de ténèbres où se cachent les ombres éternelles, repère de la faucheuse au long manteau de suie, coin du bagne terrestre qui ne connaît jamais le jour, rideaux de branches pleureuses qui s’écartent pour laisser passer la sorcière dans l’antre dissimulée aux mortels infâmes que la magie n’a jamais béni de sa grandeur. Nécropole cabalistique où flottent les esprits des magiciens égarés, prisonniers des limbes, hésitants maudits qui contemplent la beauté froide.

Amours décomposées qui s’allient au rituel, minutes d’éternité qui s’évaporent – another day apart, my love – les mots pensés, jamais prononcés, le deuil coincé dans la gorge, communion des âmes dans le silence. Cygnus ne posait jamais de questions, parce qu’il savait, parce que les cœurs battant à l’unisson se suffisaient pour se comprendre. Dernier soupir, au revoir du bout des doigts sur les lettres gravées. Avant le départ l’errance, qui la mène aux tombeaux des souvenirs, le sang lointain disparu quelques mois plus tôt, conventions qui la poussent à la demeure éternelle de l’infinie famille Rosier et ses branches interminables, hommage discret à l’ichor venu d’outre-manche. Le cœur marmoréen se reforme, se referme, aveugle à l’arbre généalogique parsemé de lacunes, à tous ces autres, morts trop tôt. Calme interrompu par des pas sur les herbes mouillées, talons sur l’albâtre qui l’arrache à sa fausse solitude, moue méprisante qui se transforme, se teinte de délices alors qu’elle reconnaît du coin de l’œil la silhouette familière, Minerva.