Elle est assise là, à cette terrasse de café, et une aura régalienne s'échappe d'elle, silhouette immobile, comme gravée dans le paysage de sa capitale, Paris de son coeur, Paris qui l'a vu grandir, s'émouvoir et où elle a laissé les débris de cet amour, tombeau grandeur nature d'une idylle sans avenir aux yeux de leurs familles respectives. Un livre entre les mains, son esprit pourtant ne tient pas en place, malgré le calme apparent, la mémoire vadrouille. L'un des serveurs, apporte sur un plateau, une bouteille de vin qu'il ouvre devant elle, le carmin de ce Gevrey-Chambertin dansant dans le verre qu'il vient de lui servir. L'oeil distrait par les passants, la vie qui grouille dans le coeur du Paris magique, les enseignes colorées, qui ont repris vie après les affrontements qui ont laissé leur traces, partisans de Grindelwald contre les autres. Elle pose le livre à côté d'elle, renonçant pour l'instant.

Une brise légère, le temps encore clément de cette fin d'été, elle a de nouveau cette odeur d'insouciance, la ville des amoureux, et le coeur soupire à cette pensée. Le diamant à son annulaire, bien trop gros, bien trop lourd, symbole de l'alliance construite sur des bases purement matérielles et pragmatiques. Elle savait, depuis son plus jeune âge, Rose, que ça serait ainsi, que les chances d'un mariage dicté par le coeur étaient minces, elle s'y était résignée; et puis elle l'avait rencontré, lui.

Un pop caractéristique lui annonce l'arrivée de Druella, l'amie de toujours, celle des années folles, teintées d'une certaine innocence, des agapes dans les nuits parisiennes les plus en vue, et celles moins correctes qu'elles fréquentaient en catimini. Un sourire naît sur les lèvres de l'épouse Malfoy. - Here comes the graduate. Lance-t-elle d'un ton badin. Cette cour, la place que surplombe le théâtre plusieurs fois centenaire, il y a quelque chose de rafraîchissant et d'un peu nostalgique dans le choix de cet endroit, le point de rencontre habituel lorsqu'elles s'échappaient de l'atmosphère guindée dans leurs familles respectives, filouterie cachée, avec la complicité de Solal. - I've ordered wine already.


@Druella Black

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@rosamund malfoy
PARIS SORCIER
· SEPTEMBRE 1949

Paris natale. Paris magique. Les faubourgs sous le soleil comme un rêve d’amour. Paris sous les lumières, coups de pinceaux flamboyants, sublime audace du peintre céleste. Ça et là les détails ; l’odeur des rhododendrons, l’écoulement fainéant de la Seine, un accordéon mourant. Paris saisissante, Paris bienaimée. Paris qui porte en son sein les souvenirs de l’enfance. Paris, chez elle. Éclatée sous la fureur des combats, redressée de toute sa beauté, fière, indestructible, même attaquée par les guerres des moldus et des sorciers, écorchée sur tous les fronts, des guerres d’hommes pense-t-elle, déclenchée par l’avarice et la crainte, qui ne laisse à la prochaine génération que l’immonde d’après, les stigmates dans les bâtisses et les corps des jeunes sacrifiés. Sa Paris, blessée, mais grandiose, à jamais. Au loin la Grande Dame veille sur les badauds.

Toison d’or sauvage qui flotte dans le dos, jeunesse incandescente fusionnée à la simplicité d’un bonheur encore adolescent. Druella Rosier, à l’aube de ses vingt ans, fraichement diplômée de Poudlard, sourit à l’été moribond mais décidé à réchauffer encore un peu le cœur des Parisiens. Le sien est gonflé de sentiments, de promesses, les chaînes autour de ses poignets ne sont qu’artifices, même pas vingt ans mais la force et le vice de ceux qui ne se laisseront jamais dicter la vie. Apparition soudaine auprès du récipient des plus beaux souvenirs français, de ces délices clandestins des enfants sournois, assoiffés de péripéties. Cœurs partagés, presque élevés ensemble à deux pas des bal-musettes. Douces mémoires. Que l’enfance aurait été amère sans la fratrie Faucigny.

– Rosamonde, elle salut l’amie d’une petite courbette moqueuse, malice dans le sourire de l’enfant déracinée, trait jamais fané, seulement dissimulé, caché au fond du cœur, serpentard jusque dans la peau. Têtes blondes oniriques dans le parterre des robes noires, Paris sorcier aux habitants décolorés, terre encore endeuillée, cicatrices encore rosées de méfiance. Elle concentre le regard sur l’épouse Malfoy et s’installe à ses côtés, ô l’audace délicate des femmes en terrasse, qui balaient les œillades de leur dédain aristocratique. Royauté maniérée, manipulée, geste de la main pour qu’on lui remplisse son verre. – Paris m’a manqué. Tu m’as manqué. Soupire-t-elle de ce français natal pourtant tacheté par l’habitude d’un léger accent britannique, langue adoptée, confortable, qui offre encore l’intimité d’une conversation dans les cafés bondés d’une foule francophone encore trop fière pour s’abaisser à apprendre les harmonies d’outre-manche. – I trust this will be good. Badinerie du bout des lèvres, verre sur le bord du nez pour en discerner les effluves de cassis et de réglisse de la Bourgogne profonde.

Dérision. Humour pince-sans-rire qui caractérise cette amitié de plusieurs années, d'aussi loin qu'elles se souviennent en réalité. Les Rosier et les Faucigny gravitent dans les même cercles, l'influence qui ne se partage qu'avec un petit nombre d'heureux élus, ceux qui se considèrent comme les uniques dépositaires légitimes d'un savoir intangible, ou plus largement d'une façon d'être et de percevoir les choses du monde. L'irrévérence typique, qui brille dans ce regard vif, un trait qui n'est présent que de façon beaucoup plus atténué chez celle qui désormais, entame un chapitre bien étrange de la vie de femme. - Rosamonde. Frisson. Petite moue dédaigneuse, ce prénom qu'elle déteste, trop habituée déjà à sa version anglicisée. - How ugly this name really sounds in French. Poor Mother had no idea... Lance-t-elle avec un piquant enrobé de miel.

Paris qui respire de nouveau, qui se relève quelque soient les épreuves. Il y a quelque chose de réellement unique, d'inimitable et de grandiose qui court dans les ruelles de cette ville aux mille visages, quelque chose qui défie le temps et la vanité humaine. Revenir ici, même pour quelques jours, est une sorte de bouffée d'air, un retour aux sources. - Tu m'as manqué aussi, Dru. La familiarité qui s'est instaurée, loin des raideurs de cette bienséance si chères à leurs mères respectives. - Félicitations pour tes Aspic au fait, j'ai entendu dire que tu avais fait des merveilles. Poudlard, les distinctions, les honneurs d'avoir obtenu ce diplôme, le précieux sésame qui couronne sept années d'enseignement. Les souvenirs du château millénaire sont encore frais, tout est encore imprimé si nettement dans la mémoire de la jeune femme rangée. - And what now? Un certain détachement dans la question, posé dans la langue d'adoption. Question dont elle connaît déjà la réponse, ou du moins, une partie de la réponse; parce que les options ne sont pas infinies pour les femmes de leur catégorie, le mariage et les enfants, honorer le sang, perpétuer la tradition.


@Druella Black

@rosamund malfoy
PARIS SORCIER
· SEPTEMBRE 1949

Folle jeunesse qui se défait du carcan d’une éducation stellaire, doucement la chaleur de cette fin d’été lui rappelle qu’elle ne prendra plus le train pour le château des Highlands, qu’elle ne posera plus les pieds sur les pavés millénaires de l’école chérie dont elle s’était faite reine au bras de son prince des nuits. Elle sourit au ciel, Druella, les traits délicats tavelés du bonheur simple d’être de retour dans les ruelles de son enfance, où elle s’est écorchée les coudes sur l’archaïsme des hommes de son temps, enfant lunaire et farouche, le regard cendré débordant de la rouerie des serpents, promesse dans l’fond de l’œil qu’un jour ils la craindront.

Rosamund, sœur d’un autre sang, à l’ichor aussi pur que le sien, le secret de son innocence joyeuse, de ces années à se croire intouchables, se savoir vouées aux caprices de leurs paternels respectifs et pourtant dans le creux du ventre le feu de celles qui ne essaient de se battre dans un monde déshumanisé, contre les chemins tracés de cette aristocratie désuète mais précieuse. Malgré tout sur le faciès à peine plus âgé se distingue déjà une certaine lassitude.  – Merci Ros, sourit-elle en sirotant le nectar du bout des lèvres délicates, – il n’était pas question de quitter Poudlard sans se distinguer.  Regard entendu à celle qui la connaît plus que tout autre. Petit rictus espiègle qui souligne tout le mordant de sa détermination, son désir de toujours se démontrer un peu plus au dessus de tous ces autres, commencement d’une ascension qu’elle veut jusqu’au sommet, qu’importe le temps que ça prendra, elle est patiente, l’ambitieuse, et devine les obstacles dans le lointain. – Maintenant ? Continue-t-elle dans la précieuse langue natale, – moquer les plans de mon père et postuler au ministère. Ils manquent cruellement de langue-de-plombs. L’attrait pour la noirceur, contraste vibrant avec la lumière qui émane de la jeune femme, la glace encore timide dans les entrailles régaliennes. Elle se redresse davantage sur sa chaise, cherchant les yeux de l’amie devenue mère la vivacité d’un éclat qui semble s’être atténuée. – Comment vas-tu, Ros ? Inquiétude sincère qui plombe la poitrine, redoutable capacité à décrypter les âmes, même les plus tenaces.

Il y a une sorte de magie dans l'air, et d'une sorte qui n'a rien à voir avec celle qui court dans les veines vermeil; non, cette magie là, elle est propre à la ville de l'enfance, avec ses ruelles pavées, ses bâtiments harmonieux dans leur majesté, et ces terrasses qui ne désemplissent pas. La vie bouillonne dans le coeur de cette ville au charme inégalé, ode à la noblesse, à une sorte de filouterie inimitable  et elle s'en repait. C'était un bol d'air bien nécessaire, une pause tendre dans le quotidien calculé et millimétré de sa relative nouvelle vie d'épouse. La présence de Theseus est un ensoleillement, mais qui demande aussi un soin et une vigilance de tous les instants, même si Nanny West veille au grain. C'est sa présence et sa dévotion au petit prince de la maison qui lui permet de prendre, de temps en temps, un peu de temps pour elle. S'échapper du carcan des obligations sociales où, elle ne se leurre pas, elle n'a qu'un rôle décoratif.
Retourner voir ses parents. Elle avait invoqué cette raison pour ce court passage parisien, leur présenter leur petit-fils. Ça n'avait rien eu d'étonnant, mais Abraxas avait tout de même haussé un sourcil perplexe avant, finalement, d'acquiescer du bout des lèvres en se replongeant dans sa lecture de la Gazette.

Se distinguer. Un pilier de l'éducation, stricte s'il en était, viser toujours plus haut, même dans les choses les plus anodines, briller, être dans le haut du classement. Pression constante sur les épaules de la progéniture à travers les générations. Elan de nostalgie pour ces années malgré tout emplies de cette insouciance propre à la jeunesse. Elle n'oublie pas, Ros, ces deux années passées entre les mûrs millénaires, ce vent de liberté, ressenti aussi lors des années à Beauxbâtons. - moquer les plans de mon père et postuler au ministère. Remarque teintée de cette insolence, la rage dans un gant de velours, celle de marquer son temps, défier les dictats qui entourent la femme, braver tous les codes qui font de leur sexe, le sexe faible. - Je te reconnais bien là. Tu n'as jamais été dans la demi-mesure.. Eclat de rire, cristallin mais malgré tout teinté d'une sorte de nostalgie; celle de n'avoir pas persisté, pas nourri cette rébellion, de s'être laissé dicter sa vie. - Oh, je ne peux pas vraiment me plaindre, en soi. Abraxas essaie vraiment d'être un bon mari, mais je ne sais pas.. il manque le plus important. L'amour démontré de façon maladroite et parfois trop conquérante, mais la bonne volonté est réelle. - Et puis son obsession du contrôle m'inquiète. Il n'y a pas de faux-semblants, le voile pudique n'a pas lieu d'être entre les deux femmes, l'amitié qui a pris racine depuis le berceau quasiment.


@Druella Black

@rosamund malfoy
PARIS SORCIER
· SEPTEMBRE 1949

Tu n'as jamais été dans la demi-mesure… Jamais. Elle sourit, heureuse de retrouver dans le ton de l’amie de toujours le ton du soutien et du satisfecit. Druella se refuse à ne faire les choses qu’à moitié, elle a la rébellion chevillée au corps et une détermination farouche que rien, pas même son paternel, ne pourra enrayer, pas même le frère miroir de l’ancien qui regarde ses écarts adolescents avec du jugement dans le regard. Maintenant majeure, même dans ce monde qui se refuse à lui laisser tout son libre-arbitre, elle ne veut pas se laisser limiter par les décisions de ses ascendants, qu’elles soient personnelles ou professionnelles. – Il n’est pas question que mon père régisse mon existence, il a assez de mes sœurs pour faire ça. Elles se plient à toutes ses demandes. La déception perce dans sa voix, elle ne se cache pas du mépris qu’elle ressent envers ses cadettes qu'elle trouve trop dociles. Elle, elle fera ce qu’elle désire, qu’importe les batailles et les dragons, la force de sa jeunesse est une arme qu’elle tient sous le bras, prête à la brandir, résolument décidée à ne pas connaître le sort de toutes ces femmes qu’on emprisonne pour la convenance et la déraison. Comme Rosamund, qui porte déjà sur les épaules le poids d’un mariage dont elle ne voulait pas, et ça lui fend le cœur, à la plus jeune, de ne pouvoir rien faire que d’être là.

D’un claquement de doigts elle commande quelques grignotages et demande à ce qu’on remplisse leurs verres déjà bien entamés. Arrogance d’une monarchie magique brillant dans les gestes et la voix. Elle reporte son attention l’éternelle.  – Oh, je ne peux pas vraiment me plaindre, en soi. Abraxas essaie vraiment d'être un bon mari, mais je ne sais pas.. il manque le plus important. L’amour. Cette sensation d’exister en dehors de soi, de ne plus s’appartenir totalement, de se confondre avec l’autre, s’aimer à en s’en faire mal pour mieux se rafistoler, se pardonner. L’amour qui pour elle ne répond plus qu’au nom de Cygnus. Sa révolution. Sa folie. L’aimer et l’épouser, lui et pas un autre, qu’ils s’amusent à tenter de la convaincre autrement, elle accueillera leurs exigences d’un non splendide et tonitruant. – Et puis son obsession du contrôle m'inquiète. – Un autre petit prince de la sorcellerie… soupire-t-elle, taisant la fin de sa pensée, son féminisme ardent lui brûle la langue mais elle réalise que ce n’est surement pas ce dont son amie a le plus besoin en cet instant. – You’re not in any danger, are you ? demande-t-elle discrètement, la langue d'adoption comme refuge, consciente de la violence qui peut accompagner la soif de contrôle. – Are you and Theseus really okay ?

Deux faces d'une même pièce, si semblables et pourtant si différentes; les deux femmes ont tant en commun, et pourtant, demeurent parfois à un monde d'écart. L'une qui a au fond du coeur cette rage, l'envie furieuse de marque son temps, d'être quelqu'un et non pas juste l'épouse, la génitrice. De l'autre, celle qui se plie aux convenances, par devoir, parce que c'était la seule issue possible pour éviter la ruine, la déchéance. Il y a d'un côté le feu, et de l'autre, l'eau, paisible, du moins en apparence. L'une qui dévore tout sur son passage, l'autre qui coule, semble se laisser retenir, sans être tout à fait captive. Elle se moque un peu de cette fougue, de cette véhémence qui règne sur les intentions et les paroles, mais au fond, parfois, elle aimerait être d'avantage comme la jeune Rosier. Un sourire amusé naît sur ses lèvres. La déception dans le ton de l'amie de toujours, la plus fidèle alliée, à l'évocation des soeurs au caractère moins affirmé la renvoie, un peu, à ses propres choix; ceux qui ont été faits pour elle. - Tout le monde n'a pas ta force de caractère ni ton audace, Dru. Tout le monde n'a pas non plus une fortune réduite à peau de chagrin par les mauvais placements de quelques hommes trop orgueilleux et pédants. Elle se console dans l'idée que si les choses avaient été autrement, si la fortune familiale avait été intacte, sa marge de manoeuvre aurait été plus ample.

Dans un empressement presque craintif, on leur apporte de quoi se restaurer un peu, et les verres sont de nouveaux remplis. Le soleil parisien les régale encore un peu de ses rayons, donnant à la ville des reflets éclatants, qui enveloppe les confidences d'une sorte de bienveillance. - Un autre petit prince de la sorcellerie. commentaire laconique, inachevé, presque retenu, qui fait pétiller dans le regard de l'aînée, un peu de curiosité et lui vole un rire cristallin. - Pas de ça avec moi mademoiselle Rosier. va donc au bout de ta pensée. Lui somme-t-elle avec malice. Pourtant, la gravité du sujet abordé ensuite coupe court à l'humeur badine, et l'inquiétude remplace la véhémence dans le regard de cette soeur d'un autre sang. - No. He's got his heir, all is well. But you know, everything is always gold and glitter in the beginning. And I can never tell when anger will get the better of him. Elle voudrait bien, au fond, donner à Abraxas la tendresse et l'affection maritale qu'il n'a jamais encore réclamée, mais le coeur n'y est pas. - How about you? All I hear is the name of a certain mister Black...?



@Druella Black