Les temps sont particulièrement difficiles. C'est une sombre époque. A proprement et figurativement parler. Nous sommes en pleine tempête. Le vent pousse des hurlements. Les murs menacent de s'effondrer. Chaque instant pourrait être fatal. Tout est sans dessus dessous. Ça me brise le cœur. J'ai conscience que ma vanité ressort alors que j'observe notre manoir en déréliction, qui n'est plus que la cénotaphe d'un passé révolu. J'aurais bien dit un passé 'heureux', mais je dois faire preuve de résipiscence: je ne suis pas certaine d'avoir été assez présente pour mes filles pour leur assurer un bonheur irréfragable. Pourtant je les aime comme jamais. Et ne toujours pas avoir trouvé Myrcella me tue à petit feu. « Maman ! Papa ! » j'entend soudain. Surprise, je me retourne un peu trop vite et je trébuche sur des restes de bibelots devenus débris sous le vent destructeur. Je me retiens de tomber, doigts serrés sur le buffet. Puis un bibelot de plus semble vouloir rejoindre ses compagnons sur le sol. Il glisse, rebondit sur mon front, puis se brise sur mes souliers. Je sens déjà le sens couler, j'ai du me couper. Pourquoi faut-il toujours que je me coupe au front ? A croire que j'ai pris un abonnement. « Par Merlin, Maman, que t'est-il arrivé... » s'exclame Myrcella en faisant irruption dans la pièce. Je n'ai pas le temps de répondre qu'elle me lance un sortilège de guérison. Je sens la plaie se refermer sur mon crâne. « As-tu mal autre part ? » s'exclame t-elle alors, ce qui ne fait que planter un grand sourire sur mon visage. Je déplore la perte d'un vase byzantin kaki inestimable, un héritage de famille venant de Wallonie, nonobstant ça ne m'émeut pas car il n'y a rien de mieux que d'être réunie avec ma fille. « Oh ma chérie, si tu savais à quel point je suis contente de te voir ! » je m'écrie, m'empressant de la prendre dans mes bras avant de planter un baiser sur son front. « Tu n'as pas à t'inquiéter pour moi, j'en ai vu d'autres ! Tout va bien. » je réponds alors, plus heureuse que jamais. « Je t'ai cherché partout ! Où étais-tu ? Est-ce que tu va bien ? » je m'empresse alors de lui demander. Heureusement, les coups successifs que je me suis pris à la tête ne me font pas délivrer des galimatias, je suis encore cohérente et claire. Mais si tout ça ne s'arrête pas très vite, je sens que la vésanie va s'emparer de moi et je ne répondrais plus de rien. « Suis-moi chérie, on va aller dans la cave ce sera moins dangereux. Ah je savais que j'aurais du lancer un sort de colle perpétuelle pour tous ces meubles, mais ton père a toujours refusé... Descendons. Tipsy doit déjà y être. » je m'exclame alors qu'un énième meuble s'écrase au sol sous les secousses intempestives du vent. On sera plus au calme pour discuter, on risquera moins nos vies, et puis Tipsy sera certainement ravie de nous préparer du thé malgré la tempête, c'est une elfe de maison mafflue particulièrement fidèle, et même les arômes empyreumatiques inondant la maison ne sauraient la faire renoncer.

Quels temps compliqués que nous vivons, décidément ! Rien ne va. D'abord les affrontements entre l'ordre et les mangemorts, puis le ministère qui tente vainement de faire bonne figure, puis les moldus qui ont des doutes et commencent à paniquer, et quand on parvient enfin à restaurer un semblant de fragile équilibre, c'est la météo qui s'y met. Sauf que cette météo n'a absolument rien de naturel. Comment cela se pourrait-il ? Comment cela pourrait-il être naturel ? Le grand smog de Londres dans les années 50, ne l'était pas. J'étais jeune mais je m'en souviens bien. Le gouvernement sorcier a réussi à convaincre les moldus qu'il ne s'agissait là que d'un problème lié au manque de vent et à la prolifération des usines et des voitures et donc de la pollution stagnante. Mais la vérité est toute autre, ce smog avait été déployé par magie pour dissimuler les centaines de sorciers qui s'étaient envolés sur des balais, les rapatriements de dragons, et beaucoup d'autres évènements trop compliqués à expliquer rationnellement à des moldus. Aujourd'hui, je doute que le cas présent soit si différent. Abritées dans la cave, Myrcella envoie Tipsy nous faire du thé. De mon côté je me contente de m'installer, lasse, autour de la table qui trône au milieu de la pièce lugubre sans fenêtres. Je regrette alors de ne pas avoir mieux aménagé les locaux. Il aurait été préférable d'avoir un coin cosy où passer les prochaines heures plutôt que dans cet endroit fade et froid. Certes, je pourrais arranger un peu les lieux d'un coup de baguette, mais à quoi bon? Tout sera détruit sous peu. Je soupire, pensant à la tâche colossale qui m'attend: quand la tempête aura cessé il faudra encore que je remette tout en ordre. « Que se passe-t-il dans les rues ? Je suis venue ici dès que l'électricité a sauté. Je ne comprends pas : une banale tempête peut-elle réellement se déchainer comme ça ? » me demande finalement Myrcella. Je hausse les épaules avant de me mettre à lui raconter l'histoire du Smog de Londres. « Le smog de Londres n'était qu'un écran de fumée destiné à occulter des activités magiques aux yeux des moldus en faisant passer cela pour un caprice écologique et météorologique. » Je m'arrête pour reprendre ma respiration avant de poursuivre. « Mais ce n'était que ça: un écran de fumée, un voile noir lancé sur la ville. Sur une seule ville d'ailleurs, pas le pays entier. Alors je t'avoue que je ne sais trop quoi penser. Bien entendu la cause ne peut être naturelle. De là à savoir quel camp l'a lancé et quels avantage ils en ont tiré... je n'en ai pas la moindre idée... » je marmonne, pensive. Ce qui est certain c'est que toute cette histoire est de très mauvaise augure. Et ça ressemble plus à une bavure qu'à un sortilège réussi. Ce ne peut tout de même pas être l'effet escompté quand même ! « As-tu des nouvelles de Caitriona et de papa ? » me demande finalement Myrcella. Myrcella a toujours été la plus attentionnée, la plus douce, la plus aimante de la famille, s'inquiétant de tout et de tout le monde. Chose qui m'a toujours étonnée étant donné que le Choixpeau l'avait placée chez les Serpentard. Myrcella était une jeune femme surprenante. « Ta soeur semble résolue à poursuivre son propre chemin. J'ai bien essayé de... renouer le contact mais... tu n'ignores pas que nos relations sont toujours... complexes. » Je m'arrête dans ma phrase alors que Tipsy ramène un plateau de scones. Je la remercie vaguement d'un mouvement de tête avant de lui intimer de nous laisser d'un mouvement de la main. Je suis agacée et mon agacement se ressent sur la pauvre elfe de maison qui n'a pourtant rien demandé à personne. « Quant à ton père qui sait où il est allé fourrer son nez ! Il s'est peut-être trouvé quelques amis dans les ténèbres avec qui passer la tempête... » Je ne dis rien de plus. Je ne veux pas entrer dans les débats concernant Isildur, surtout pas avec ma fille. Mon époux semble décidé à rejoindre le camp des mangemorts, ou du moins le faire croire, tout en restant dans la neutralité, bon sang il va finir par se faire tuer... Et nous avec. Mais c'est un problème pour un autre temps. « Et toi alors ? Tu n'as pas répondu à ma question. Où étais-tu ? Je t'ai cherchée chez les Black mais tu n'y étais pas. J'espère que tu fais attention Myrcella. Il est déjà assez dangereux que tu sois affiliée aux Black, il ne faudrait pas que tu sois assimilée à... trop d'autres familles, disons. Les gens pourraient se faire des idées. » précisément le but de mon cher époux.... précisément la raison pour laquelle je suis contre tout ce cirque. Je veux simplement m'assurer que tout le monde aille bien. « Oh, j'y pense, as-tu eu des nouvelles de ta soeur toi ? » je demandai finalement, consciente que mes filles gardaient de bonnes relations. Du moins meilleures que la relation que Caitriona et moi avions.