16 août 1987, manoir malfoy.

Pas de courriers. Aucune lettre adressées à son nom. Rien. Le silence qui règne dans la chambre et le manoir fait écho au silence qui écrase lourdement son cœur. Palpitant froid que rien ne saurait réveiller. A peine plus d'une semaine à se lamenter dans cette chambre. Et déjà elle ressens le terrible manque de l'autre. Etre abjecte qu'elle adore détester. Amour tordu. Elle l'attends en vain Bellatrix. Les insultes encore fraîches dans sa tête. Les mots gravés en lettres de sang sur son crâne fendu. Elle se lamente. Tantôt impatiente, l'envie de le voir, de l'entendre prononcer des excuses ridicules. Et le reste de la journée elle le maudit. Lui et son esprit trop étriqué pour comprendre. La comprendre elle. Bellatrix qu'il a juré d'aimer. Pour le meilleur et le pire. Menteur.

Elle garde ses secrets la Lestrange. Enfermée dans sa tour d'ivoire. Loin des yeux curieux, des oreilles indiscrètes. Narcissa comme seule témoin. Complice de ses travers. Au cœur de cette chambre devenu son thébaïde, elle se répète les mots. No one can know. No one can see my weaknesses. Jamais. Secrets bien gardés. La tête remplie de mensonges. Elle s'enferme Bellatrix. Et déjà les jours lui paraissent durer une éternité. Seule dans l'obscurité. Seule face à ses démons. Combien de temps avant qu'elle perde la partie ?

Le manoir s'anime et Bellatrix se redresse, à l'affût. Les sens tout à coup réveillés. Le pale espoir de voir ses grands yeux clair implorés son pardon. Pauvre folle. Ce ne sont pas ses pas lourds et imposant qui grimpent jusqu'à sa tour. Les pieds sont légers, mal assurés. Elle ne reconnaît pas non plus Narcissa. Sa curiosité piquée au vif, elle se lève, ses cheveux dressés dans une incurie sans précédent. Elle lisse sa robe sombre quand deux petits coups peu vigoureux annoncent son invité. Un bref entrez, vif et fatigué. Amer. Son visage s'apaise en découvrant la peau mat de l'intruse, son regard de gamine. « Sapho. » qu'elle souffle, comme une prière. Une bouffée d'air. Tout à coup lénifiée, Bellatrix se détend. « Quelle bonne surprise. » Elle en oublie presque ses soucis. « Comment as-tu su que j'étais ici ? » Personne ne sait. Seulement Rodolphus. Theseus. Bien sûr. Peut-être Rabastan. Elle l'espère secrètement. Ou peut-être la nouvelle s'était-elle déjà répandue. Traînée de poudre qui ferait jaser dans les soirées. On la tournerait en ridicule Bellatrix. Angoisse qui lui ronge tout à coup l'âme.

16 août 1987, manoir malfoy.

Elle avait passé quelques jours à hésiter, ne souhaitant pas imposer sa présence. Elle avait pour autant fini par se faire à l’idée qu’elle ne pouvait pas laisser ses inquiétudes sans réponse. Quittant Londres elle avait fait le chemin en silence, perdue dans ses pensées, Anar n’était pas là lorsqu’elle a quitté le manoir, un mensonge de moins à raconter et pourtant son coeur se brise un peu plus. Pétrichor qui arrive jusqu’à ses narines, pour autant ça fait bien longtemps qu’il a pas plu. Peut être le jardin de la demeure qui ne souffrait d’aucune incurie avait été arrosé il y a peu. Alors qu’elle s’avance, y’a le manoir qui impose son ombre presque angoissante au dessus d’elle, la Selwyn arrange le bas de sa robe, serrée sur ses mollets marqués par une traque récente comme le reste de sa peau, traces du combats cachées qui lui demandent un effort supplémentaire alors elle les couvre de tissu malgré l’été et la chaleur étouffante qui se pose sur l’Angleterre. Elle sait pour autant que face à celle qu’elle vient voir, elle aura pas à se cacher. Y’a l’esprit de la jeune femme bonace, rien qui trémule sous son visage calme : elle a apprit à faire taire les inquiétudes, elle reste calme face à tout ce qui pourrait la briser, émerillon bien dressé. Elle entre, elle sait où est-ce qu'elle doit aller, elle n'hésite pas un instant, frappe quelques coups à la porte. Ses traits se font fluxueux, se rendant compte qu’elle est seule dans la pièce elle laisse tomber le masque. La Bullstrode disparait, les boucles brunes entourent son visage métisse et les quelques hématome sont visibles malgré le soin qu’elle a pris à les cacher. Et face à elle, Bellatrix semble aussi soulagée. « Sapho. » Voussure de ses lèvres qui s’étend, sourire qui l’anime elle fait un pas vers son amie, veillant à ne pas envahir son espace vital pour autant, prudente. « Quelle bonne surprise. » Elle semble soudain plus détendue, ce n’est que l’espace d’un instant pour autant avant que les angoisses ne la reprennent. « Comment as-tu su que j’étais ici. » Épaules qui se soulèvent légèrement :  « J’ai mes sources. » Consciente que ces paroles ne sauraient lénifier les peurs de la femme, elle ajoute sans se parer d’arguments oiseux pour autant : « Ne t’inquiète pas, j’ai été discrète, personne ne sait que je suis ici, ni la raison de ma présence. » Sac déposé dans un coin elle se déleste de son veston long, soupirant d’aise, chaleur qui avait rubéfié ses joues fardées. « Je suis venue voir comment tu allais Bellatrix. » Tête légèrement penchée sur le côté, regard qui scrute les traits de la Lestrange : « Et t’offrir un peu de compagnie si tu le souhaites. » Elle veut pas s'imposer, mais elle ne peut que s'imaginer la solitude qui peut poser sur les épaules fatiguées de la Lestrange.

16 août 1987, manoir malfoy.

Bas les masques. Sapho respire enfin. Et Bellatrix sourit d'admirer le vrai visage de la gamine. Celle qu'elle façonnerait presque à son image. Celle qu'elle pourrait aimer comme on aime une fille. Si seulement elle savait quelque chose de l'amour Bellatrix. Personne ne lui a jamais appris. Personne pour lui dire ce qui est bien, ce qui est mal. Elle s'est forgée seule. Opinions mal placées. Les standards pas si standard que ça. Outsider. Elle prend quelques secondes pour embrasser du regard cette Sapho qui ose. Enfin elle-même. Quand Bellatrix n'est qu'une ombre. Son masque aussi est tombé. Sa puissance finalement balayée. Sa vulnérabilité mise au grand jour. Elle a trouvé refuge ici, auprès de la seule qui peut se targuer de la connaître. Narcissa. Ultime rempart.

Elle est fière Bellatrix. L'œil qui brille, la trahie. Soulagée de savoir que personne ne sait. Mais la vérité dans la bouche de Sapho est toute relative et Bellatrix ne saurait y croire. Paranoïaque notoire. Certaine que les vautours attendent. Ils sont prêts à fondre sur leur proie. Mais elle n'est pas si faible Bellatrix. Pas encore à terre. Il reviendra. Il suppliera. Et elle le reprendra. Ils seront à nouveau deux. Couple majestueux que rien n'arrête. Duo mortel. « Je n'en n'attends pas moins de toi ma chère. » Sapho sait à quoi s'en tenir. Etre la meilleure en toutes circonstances. Ne pas leur donner satisfaction. Elle doit encore apprendre la gamine.

Un sourcil arqué, elle pourrait presque rire. Mais la situation n'a rien de drôle. Elle est agacée la Lestrange. Meurtrie. Poignardée dans son orgueil. « Je vais bien. » Tranchante. Implacable. Tout pour ne pas être faible. Tout pour ne pas offrir ce plaisir à ses détracteurs. Ennemis silencieux. Combien sont-elles à attendre sa chute ? Toutes ces femmes qui ne seront jamais à sa hauteur. A peine des princesses. Jamais des reines. « Merci Sapho. » Murmure qui lui en coûte, lui arrache une grimace. « Puisque tu es là... whisky ? » qu'elle propose en désignant la petite table aménagée. Un ajout récent. Pour elle. Narcissa avait vite compris. Et elle s'était encore plus rapidement exécutée. Elle est tout à coup beaucoup plus enjouée Bellatrix. Comme si la douleur n'existait plus. Comme si elle n'avait jamais rien vécue. Egale à elle-même. « Ca va te délier la langue. » Elle n'attends pas de réponses et s'empresse de donner un verre rempli à sa petite protégée. « Alors dis moi, comme s'est passé l'après attaque ? Que va faire le Seigneur des Ténèbres ? » La réalité qui frappe à nouveau. Elle a du mal à respirer. Quelques secondes qui lui font tourner la tête. Elle se perd à nouveau Bellatrix.

16 août 1987, manoir malfoy.

Incursion dans le refuge, thébaïde de la sorcière, de gré ou de force, de cette faiblesse qu’elle se refuse à montrer au monde, de ce masque immarcescible de grandeur qu’elle porte continuellement. Sapho ne peut prétendre que le geste la dépasse. Elle sait que rien n’est solide dans ce monde, et l’assuétude au contrôle était certainement un trait qu’elles partageaient. Pour autant elle laisse tomber le masque physique à peine entrée dans la pièce, c’est la Kama qui ressort, les traits de naissance sous le regard compréhensif de la Lestrange qui après quelques remontrances somme toutes logiques et des remerciements pour le moins plus surprenants, finit par lui proposer un verre. « Bien volontiers. » Un léger sourire qui s’étire sur les lèvres de la sorcière, malgré l’apparente décontraction, y’a toujours la Bullstrode qui tente de se faire passer pour ce qu’elle n’est pas. Y’a pas de faux semblants avec Bellatrix, du moins pas officiellement, mais si elle se laissait aller à ses réelles pulsions, y’aurait rien d’autre qu’un chaos, le sang et la douleur de trop ressentir, elle préférait tout enfermer, tout étouffer. « Les faire payer, bien sûr. » Sauf quand il s’agissait de la guerre, là, y’a déjà la cruauté qui pulse, bien loin des manières enseignées par une duègne au manoir de ses parents, elle n’est plus la calme et discrète héritière, c’est la guerrière en soif de vengeance, en soif de sang. « Ces rats pensent encore pouvoir s’attaquer impunément à nous ? » Y’a un rire mauvais qui s’échappe des lèvres maquillées de la Selwyn, ce dédain pour ces gens qui dépasse même l’entendement, cette haine qui grandit jour après jour, Mais, au bout de quelques instants, sortant de ses pensées mortifères, elle se retourne vers la maitresse des lieux et se cogne au mur de ses maux : « Bellatrix ? » Elle remarque aisément le trouble de sa mentor, pour autant elle ne s’approche pas plus, n’entame aucun contact bien consciente que cela ne ferait qu’empirer les choses. A la place elle cherche à accrocher les pupilles écarquillées de la sorcière, ses propres iris brulants d’une détermination sans faille : « Ils vont payer. » Elle ne se fend pas d’éristique soignée, elle est plus animale que réellement douce mondaine lorsqu’elle s’adresse à son ainée. Le souffle est court. Le regard acéré. Elle a les poings serrées. La haine qui pulse. La certitude de mériter plus. La certitude de mériter mieux. Tous. Autant qu’ils étaient. Les rois et reines. Ce monde sans aucun sens. Les cartes rabattues, règles ignorées. Pourtant, elle savait. Savait quel camp serait victorieux. Savait quel sang coulerait finalement. Pas le sien. Pas celui de Bellatrix. Ceux de ces rats. Grouillants dans les égouts. Ceux qu’ils égorgeront. Ceux qu’ils asserviront. « Et tu les feras payer pour sûr. » Elle tente d’offrir le contrôle, le ton est sûr, les mots sont durs. Elle ne se fend guère de tendresse, c’est seulement les cris de guerre, les blessures qui se font cigüe, pulsent sous l’épiderme, les veines empoisonnées. Leur monde en cendres, le feu qui détruit tout et, sous le souffle des obus, une victoire méritée, une victoire qui leur revient de droit, qui leur revient de nom.

16 août 1987, manoir malfoy.

Elle perd complètement pied Bellatrix. La réalité qui ressemble trop à un cauchemar. Parce que personne ne peut la faire tomber. Elle toute puissante. Elle qui marche au-dessus des impies. Le menton levée avec fierté à chaque fois qu’elle apparaît aux côtés du Seigneur des Ténèbres. Certaine qu’un jour ils domineront le monde magique, écraserons les moldus. Ces belles certitudes qui lui échappent. Ses mains tremblantes, ses doigts glissants qui laissent s’échapper leur victoire. Elle a perdu de vue ses objectifs. Comme perdue sans sa moitié. Cet autre elle. Ce il qu’elle ne peut oublier. Equation tendue. “Bien sûr.” qu’elle répond doucement. Le regard perdu, l’esprit ailleurs. Une évidence qui n’a pas l’air d’en avoir une. Elle perd de sa superbe Bellatrix. Ni reine, ni guerrière. Simplement humaine. Tristement banale.

La tête se relève et un pâle sourire apparaît pour rassurer la mine de sa jeune amie. Le regard qui fait écho au sien. Des yeux flamboyant de détermination. Elle a tout pour réussir Sapho. Qu’elle soit Kama, Bullstrode ou Selwyn. Le nom ne fait pas la femme. Elle a ce désir de vengeance au fond du cœur, un sang chaud qui coule dans ses veines. Et l’envie de réussir, d’être quelqu’un. Tout ce que Bellatrix sait apprécier. Tout ce qu’elle peut entretenir, couver avec passion. Pour peur la gamine surpasserait presque le maître. Fierté teintée par la jalousie et ce besoin irrépressible de toujours être la meilleure. Seule au sommet.

“Leur tour viendra.” Pas de doute. Seule certitude qui lui reste. Elle sortira de son trou pour les abattre un à un. The snake always bites back. Sa morsure sera terrible. Et inattendue. Elle ne leur laissera pas le temps de répliquer. Pas cette fois. Elle avale son verre sans cérémonie. Sans même apprécier le goût du whisky. Tout pour endormir sa peine, remplir le vide au fond de son corps. “Je vais bien Sapho, cesse donc de me regarder avec ces yeux là.” La colère qui l’emporte sur les bons sentiments. Fatiguée qu’on s’inquiète de son état. Dégoûtée par la pitié qui transpire de ses proches venus lui rendre visite. A nouveau, le liquide ambré coule au fond de son verre. Prête à se noyer au fond de la bouteille.

16 août 1987, manoir malfoy.

Face à la colère de Bellatrix, c’est la gamine qui hausse un sourcil, pas décontenancée pour autant, calme habituel en étendard. « C’est évident, ça se voit d’ailleurs. » Raille-t’elle avec une certaine arrogance la reine Lestrange. Si cette dernière allait si bien, elle n’était pas obligée de se perdre en courbettes n’est-ce pas. « Pour quelqu’un qui va bien, tu as une mine affreuse je me devais de le dire. » Ajoute-t’elle en prenant quelques gorgées de sa boisson, le whisky qui vient bruler sa trachée dans une douleur presque agréable, l’habitude de se perdre dans l’ambre pour oublier l’absence, elle sait ce que ça implique lorsque les verres sont bus sans même y prêter attention, lorsque le liquide traverse l’oesophage sans s’appesantir. Bellatrix veut tout faire taire et elle se refuse de la laisser s’enfermer dans un tel manège. Nourrir la haine du serpent, elle craignait pas les morsures Sapho, bien trop habituée, plongée dans le venin dès sa tendre enfance, rien que le poison, partout, infiltré jusqu’aux confins de ses pores, épiderme imperméable. « Je ne suis pas là pour portraire la chute de feu la Reine Bellatrix, je suis venue t’offrir un peu de compagnie, si tu le refuses je peux très bien m’en aller. »
J’ai pas pitié de toi
Bat toi Bellatrix
Prouves moi que j’ai pas tord de te placer toujours son trône
Hurlent les iris incendiaires accrochés au visage de la sorcière. Elle oscille entre le respect qu’elle lui porte et lui a toujours porté et cette nécessité d’agir comme elle voudrait qu’on le fasse. Pas de bon sentiments milieux, pas de pitié mal placée, Bellatrix souhaitait qu’on la traite également, après tout, elle même aurait souhaité la même chose. « Te souler changera rien, j’espère que t’en es consciente. » Pas le reproche, juste les faits, juste les souvenirs flous de ses propres nuits solitaires à se perdre au fond d’une bouteille vidée trop vite pour oublier qu’Anar viendrait pas la rejoindre au lit, une nouvelle fois. « Sers m’en aussi s’il te plait, que tu sois pas la seule à être enivrée au moins. » Qu’elle ajoute en tendant son propre verre vide, les excès qui se retrouvaient, s’éloignaient jamais vraiment. « J’ai fait une descente chez les moldus il y a quelques nuits, histoire de leur faire peur. » Histoire de les faire souffrir autant qu'elle souffre surtout, mais ça elle n'a pas besoin de le dire. La haine au bout des doigts après un verre de trop, l’absence de l’époux qui se perd entre les cuisses d’une impure et l’alliance à son doigt qui devient meurtrière, mobile du crime. « T’aurais vu leur tête. » Elle laisse échapper un petit rire, cruauté qu’elle cherchait pas à enfermer en la présence de la Lestrange. Parce qu’elle savait ce qui grondait en dessous, parce que cette faiblesse elle la lui cachait pas.

16 août 1987, manoir malfoy.

Elle souffre en silence Bellatrix. Comme on le lui a toujours appris. Ses blessures invisibles. Son âme mutilée, le cœur déchiré depuis bien longtemps. Morte de l'intérieur. Brisée depuis l'enfance. On ne lui a pas laissé le choix. Elle n'a pas eu la chance d'être candide, innocente. A peine le temps de rêver. Ses espoirs qui se fracassent contre les murs. Ceux qu'elle aime qui disparaissent. Un, deux trois... Jusqu'à ce qu'il ne reste plus personne. Arsen, Andromeda, Sirius. Ceux qui importaient. Ils lui ont volé un bout d'âme, poignardé le cœur. Ceux là qui aujourd'hui l'accuse, la pointe du doigt. Ceux qui cherchent à la détrôner. Elle se tient au bord du gouffre. Pas encore décidée sur la bonne façon de tomber. En avant ? En arrière ? Mourir ou vivre ? Elle glisse Bellatrix. La folie comme seule compagne. Amante infidèle qui lui impose mille tourments. Les souvenirs qui tournent en boucle dans sa tête. Les bons et les mauvais. Cette miriade d'instants perdus.

Et au milieu Sapho. La Selwyn serpentine, lui arrache un sourire. Sapho qui n'a pas sa langue dans sa poche. Rend coup sur coup. Sapho qui apprends de la meilleure. Un jour la surpassera peut-être. Sapho en phase de devenir dangereuse. Ennemie en devenir. Alliée pour ce jour. Amie fidèle. Les remerciements meurs au fond de sa gorge. Les mots qu'elle refuse d'exprimer à voix haute. Elle coule un regard dans sa direction, un bref signe de tête qui dit tout. Tous ces mercis ridicules. Toute cette sympathie et son soulagement de ne pas être seule. « Je ne pouvais rêver meilleure compagnie pour aujourd'hui. » Qui d'autre viendra parader ? Qui pour défiler sous ses yeux et la regarder en face ? Qui pour l'affronter ? Elle les attends tous. Vautours en quête de chair fraîche. Amis de longues dates sincèrement inquiets. Qu'importe.

Elle sert volontiers une nouvelle tournée, bien décidée à finir cette bouteille. Et pourquoi pas en entamer une autre ? Qui pour l'arrêter ? Elle lève à nouveau son verre, terriblement triste et malicieuse. Mélange dérangeant. « Non, mais ça soulagera un peu ma peine. » Tout pour oublier. Effacer son nom de ses lèvres. Flouter ses traits qui se superpose sans arrêt sous ses rétines. Elle sait que Sapho souffre du même mal, ou presque. Elle sait combien oublier est nécessaire, vital même. Prétendre pour quelques instants que tout va bien. Faire vivre l'illusion d'une vie parfaite. Et tant pis si la descente vers la réalité fait mal. Tant pis si elles doivent se briser les ailes.

« Ca aussi ça ne changera rien Sapho. » Pique brûlante. Elle n'en rit pas moins Bellatrix. Leurs deux situations tournées au ridicule. « Mais j'imagine combien ça a dû être grisant et amusant. Leurs têtes... C'est toujours ce que je préfère. » Les voir se décomposer. Des larmes sur les joues, les lèvres tremblantes, les yeux révulsés. Des plaisirs simples.