« sauvagerie grandissante qui bondit, crocs luisants et acérés, et le sang s'égoutte, la plaie béante, le coeur dévoré car la bête a faim, toujours, des âmes des égarés. »
Edgar noua sa cravate d'un geste lent et travaillé, sous le regard d'Elliot. « Cesse donc de me regarder ainsi. Il en est pour le mieux, je te dis. » Le garde du corps fit une grimace à son hôte et détourna le visage, camouflant mal l'espèce de colère sous-jacente qui vibrait en lui depuis qu'Edgar lui avait ordonné de prendre sa soirée, exprimant qu'il avait des choses à faire. « Comment puis-je vous protéger si je ne vous suis pas partout ? » s'enquit-il avant d'ajouter un Monsieur plus forcé que naturel, ce qui fit sourire le directeur. Hélas, s'il avait engagé l'homme pour lui servir de gardien, ce soir était l'exception - il avait maintes choses à faire et la curiosité de son garde du corps était la dernière chose qu'il désirait, suivie de peu par l'agaçante manie d'Elliot de jouer des mécaniques pour impressionner de potentiels ennemis. Edgar jeta un coup d'oeil satisfait à son costume - l'élégance même, comme à son habitude. Il respirait le rafinnement et ce luxe qui n'était pas ostentatoire, de ce luxe à la fois simple et recherché dans la qualité d'un objet plutôt que par son aspect voyant. « Tu as ta soirée. Profite de ton temps libre comme il te plaira, mais je ne veux pas te voir avant demain matin. »
La soirée se révélait délicieuse, et Edgar décida de faire fonctionner ses jambes pour rejoindre le bar qu'il avait pour objectif. Tandis que se mouvait son corps, le visage caché par un chapeau tout aussi élégant, ses pensées s'entrechoquèrent. S'il avait à faire, ce ne serait peut-être pas une partie de plaisir. Malgré lui, ses doigts effleurèrent la hanche droite, sous le tissu léger et confortable. La morsure était un souvenir vivace, désagréable. Cette réminéscences le hantait, la nuit, volait son sommeil et ses heures les plus tranquilles. Edgar secoua la tête, alluma une cigarette dont il savoura l'arôme puissant. Ses petites enquêtes - merci à Merlin de l'avoir posté comme directeur de la justice magique ! - lui avaient permis de faire ressortir un nom, et il avait été surpris de n'y avoir pensé avant ; Greyback, ou les molosses lunaires du Lord Noir. De ces féroces bêtes que les Mangemorts craignaient et rabaissaient tout à la fois, semi-humain pour beaucoup, moins que rien, et dont il partageait à présent la nature dualitaire. Et par la force des choses, Edgar avait apprit que très souvent, Fenrir Greyback mordait pour mordre ou pour transformer, afin de raffermir les rangs de Voldemort. Néanmoins, Edgar était persuadé que sa vie sauve n'avait été dûe qu'à ses réflexes rapides. Elliot avait également aidé - il n'avait pas posé de questions sur la blessure, et Edgar n'avait trouvé utile de s'expliquer à aucun moment : il payait les capacités comme le silence de son garde du corps.
Le bar était quelconque, mais d'un standing un peu plus élevé que ceux habituels fréquentés par les mortels. La musique n'était pas forte, les discussions se fondaient en un fond sonore agréable. Edgar obseva les boiseries, les fauteuils près d'une cheminée, les tables et les chaises confortables. Echo Greyback viendrait bientôt honorer cet endroit de sa présence, et elle était la cible d'Edgar. Soeur de Fenrir, elle serait son passe sur les infomations qu'il convoitait avec avidité. Installé dans un des fauteuils, jambes croisées, journal sur les cuisses et un verre à l'alcool indécemment coûteux, il observa enfin de ses prunelles pâles l'arrivée de la jeune femme. Il avait apprit quelques petites choses sur elle, mais il avait rapidement été plus intéressé par Fenrir - sans doute aucun était-il celui qui avait laissé sa marque dans sa chair. Loin de se précipiter, Edgar la jaugea du regard puis retourna à sa lecture. Apparemment, elle venait souvent ici quand elle devait joindre des personnes - informateurs pour le Lord Noir, peut-être, ou quelque chose d'illégal sans doute, Edgar n'en avait cure. Ce qui lui importait était de jauger sa façon d'être, sa façon d'agir, et de l'aborder une fois son rendez-vous fini ; il avait jugé qu'elle serait moins nerveuse ensuite, et qu'il serait moins dangereux ainsi, car il ne craindrait pas d'être interrompu.
Edgar but une gorgée, appréciant la saveur boisée, musquée de l'alcool ; une idée saugrenue lui passa en tête : imaginait-il ce côté un peu loup qu'il prêtait à la jeune femme, ou arrivait-il à discerner chez elle cette félinité dans les mouvements ? Il se souvint avec force de Rémus, et chassa le souvenir d'une grimace discrète. Il ne souhaitait pas se souvenir du charisme du jeune homme, car cela remuait le loup endormi en lui. Il préféra, toujours discrètement, attendre le bon moment ; il avait tout son temps, et la demoiselle Greyback était une curiosité à observer, attisant son intérêt et son attention. L'homme arriva, mais ne resta guère de temps face à la louve ; quelques dizaines de minutes tout au plus, et il la laissa seule, apparemment pensive. Edgar jugea inutile de s'attarder sur ce qu'elle avait pu faire là - ce n'était pas là sa mission. Toute la flamme de l'injustice qu'il avait subi semblait attiser sa colère ; il approcha cependant à pas mesuré, dans un total contrôle de lui-même et de ce qu'il montrait à autrui : une face vive, intelligence, un air charmeur et élégant, un être calme aux manières rafinées. Il avait déposé le journal dans le fauteuil, et verre à la main, il s'immobilisa près d'Echo Greyback. « Puis-je ? » demanda t-il, le timbre poli, doux, caressant, en montrant d'un index tendu la chaise à présent vide. Edgar pencha la tête de côté, sourire aux lèvres. Il n'était pas spécialement dans un état de séduction, mais peut-être était-il préférable que les autres - et Echo, peut-être - le pensent ?
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