Seppia rangea son bureau, mettant de l’ordre dans les divers éléments pour pouvoir être efficace dès son arrivée le lendemain matin. Elle aimait que tout soit impeccable, pour aller vite. Le temps pouvait sauver une vie. Dans son service, les poisons et potions rencontraient pouvait agir très vite et sauver la personne devenait une véritable course contre la montre. Elle se dépêcha de trier les dossiers du lendemain, et attrapa sa cape et sa baguette, se dirigeant vers la sortie. Elle croisa un jeu et lui rappela qu’il pouvait l’oublier pour la nuit, pas de hibou express. Elle devait passer la soirée avec sa mère, il était hors de question qu’elle se fasse déranger par le travail.

Elle rentra chez elle rapidement et se prépara soigneusement. Elle quitta sa tenue de travail pour une robe sobre mais élégante. Elle agrémenta sa tenue par quelques bijoux et s’arrêta un instant sur le fin anneau d’or qui ornait son annulaire gauche...la promesse d’un mariage. Elle avait longtemps repoussé l’échéance, d’abord en faisant les yeux doux avec son père puis après avec son frère aîné. Bien moins efficace et elle avait fini par céder, lui donnant gain de cause. Elle était désormais fiancée, promise à un homme qu’elle connaissait que de nom et rapidement de visage. Un sang pur qui la méritait probablement. Elle n’était pas fermée, elle n’y allait pas à reculons non plus. Mais elle avait peur de perdre certaines choses à quoi elle tenait. La société des sangs purs étaie parfois bien cruel envers les femmes. Et Seppia craignait cela, de tomber sur un homme qui la forcerait à pondre des enfants, qui la forcerait à arrêter sa carrière pour être une bonne mère au foyer...Elle avait peur de ça...mais se refusait à juger cet homme qu’elle ne connaissait pas trop hâtivement.

Elle finit par ressortir de chez elle pour prendre la direction d’un restaurant chic qu’elle avait réservé pour l’occasion, sorcier bien évidemment, il était hors de question de dîner chez les moldus... La jeune femme était en avance, elle donna le nom de la réservation et on la conduisit à sa table où elle attendit sa mère quelques minutes avant que le visage familier de Rosamund apparaisse. Seppia se leva aussitôt pour saluer et embrasser celle qui l’avait mise au monde. « Comment vas-tu ? » demanda-t-elle en s’asseyant.  

Seppia avait commencé à feuilleter le menu que proposait le restaurant dans lequel elle allait passer la soirée avec sa mère. Flottant dans les airs, ses yeux cristallins vagabondaient sur les lignes sans réellement s’y arrêter. Elle stoppa sa pseudo lecture à l’arriver de Rosamund. « Oh non, quelques minutes tout au plus. » la répondit-elle d’un léger sourire. La benjamine des Malfoy avait tendance à être légèrement en avance, jamais en retard, mais toujours quelques précieuses minutes d’avance afin d’assurer une ponctualité à tout épreuve. Une rigueur dû à son éducation et qui était apprécié dans son milieu professionnel.

La robe qu’avait enfilé la guérisseuse avait fait moucher auprès de la matriarche, ce qui ne fit que briller une lueur de fierté dans le regard de la jeune femme. Sa tenue d’un rose métallique était sobre mais conservait une élégance qui était digne de sa famille et du sang pur qui coulait dans ses veines. Cela la changeait des tailleurs, chemises et blouse blanche de l’hôpital. Mais est-ce que cela serait suffisant pour convaincre et satisfaire son futur époux ? Probablement si sa mère approuvait. Elle remercia sa mère pour le compliment.

Elles s’assirent à leur table et les menus revinrent flotter devant leurs yeux. Seppia se décida rapidement et l’objet vint se poser sur la table en attendant qu’un serveur ne vienne prendre leur commande. « Tu as pu mener ton enquête sur ton futur gendre ? » demanda-t-elle d’un ton qui se voulait neutre. Sans s’en rendre compte, sa main droite était venue triturer sa bague de fiançailles. Comme toute future mariée dans son monde, elle avait des questions, des craintes, des doutes. Elle n’était pas fermée à l’idée, elle avait accepté de son plein grès les fiançailles imposés par Théseus. Mais elle ne connaissait que trop peu son futur époux et cela était source d’angoisse pour la princesse des Malfoy.

Theseus en patriarche, coiffé de la couronne qu'avait laissé son père en franchissant le voile; imitation du pater familias, jouant du destin de ses cadets comme des pions qu'on déplace sur un échiquier grandeur nature. Parce que la tradition lui était favorable, société qui ne donnait aux femmes qu'un rôle secondaire, celui d'épouse et mère, règne qui ne prenait naissance que sous les voiles et les capes de la manipulation. Rire amer qui meurt dans la gorge de la matriarche, un sourire sibyllin qui étire à peine les lèvres de nacre. Les temps ont beau changer, les mentalités dans cet univers implacable mettront plus de temps encore à évoluer, à finalement reconnaître le sexe faible. Elle même a mis trop longtemps à entrer en rébellion, se dresser contre le courant qui l'avait emportée et elle qui s'était laissé faire, docile à se plier aux souhaits de ses parents. Même schéma aujourd'hui qui se répète avec Seppia.

Installées à cette table, celle qui est généralement celles de la famille lorsqu'ils décident de faire une apparition. Dans une alcôve, à l'abris des oreilles indiscrètes et des regards indiscrets, elle avait été le cadre privilégié pour Abraxas et ses déjeuners d'affaire, idéal pour se montrer sans être vu, parader et garder l'ascendant dans les bras de fer politiques. Elle consulte le menu, mais avant toute chose, commande une bouteille de Champagne en guise d'entrée en matière. - Tu as pu mener ton enquête sur ton futur gendre? Interrogation à demi-voix, tandis que le geste trahit un zeste de nervosité. - Il n'y a pas grand chose à signaler.. déclare la matriarche d'un ton posé, finalisant en même temps son choix, laissant le menu atterrir délicatement sur la table. - Ce qui est réellement déterminant, c'est toi. Paroles un tantinet cryptiques. Elle pose son regard sur sa benjamine, Rosamund. Silence marqué, qui se veut annonciateur d'autre chose, confidence entre femmes, secret de l'aînée forte de ce qu'elle a vu au fil des années. - Si tu t'y prends correctement, tu feras de lui ce que tu voudras. Les hommes sont des créatures assez peu complexes, malgré leur acharnement à montrer le contraire.

Sa mère n’avait rien noter sur son fiancé. Une légère déception piqua son cœur, elle devrait apprendre à le connaître malgré son absence totale d’envie. Faire un effort et voir ce que ça allait lui couter pour sa vie future. Mais la remarque de sa mère fit relever ses yeux bleus sur elle. Le regard de Seppia était interrogateur. Elle était d’accord sur le fait qu’il était peu complexe, déchiffrer ses frères étaient un jeu d’enfant. Pourtant, elle avait dû plier et se soumettre aux volontés de Theseus. « Peu complexe je te l’accorde. Mais nous devons nous soumettre à leur volonté égoïste. L’art de notre manipulation à ses limites, je pourrais gagner du temps tout au plus. Mais à part un respect mutuel je ne vois pas vraiment ce qui pourrait me permettre de m’épanouir et de continuer à faire ce que je désire sans entrave. Et le respect homme – femme dans notre société... » Seppia marqua une légère pause, cherchant le mot le plus juste. « C’est une vague mascarade remplie d’illusion. » Trop rare était les femmes pouvant contrôler totalement leur vie. Oh si elle désirait, Seppia pourrait se débarrasser de cette future épine dans le pied facilement, elle avait connaissance pour réduire un homme en légume avec un simple breuvage. Mais c’était une voie bien trop dangereuse que la justice remontrait bien trop facilement.

Le serveur vint prendre les commandes des deux Malfoy interrompant momentément leur conversation qui n’était guère pour ses oreilles de fouineurs. Il repartit rapidement, leur permettant de reprendre leur conversation. « Quel serez les limites de l’acceptable, ma marge de manœuvre si je puis dire ? » Devait-elle pondre un enfant dans l’année ? Tuant par la même occasion ses ambitions de carrière pour avoir un bambin qu’elle ne saurait aimé à sa juste valeur à cause de cela ? Si c’était cela, l’avenir n’était guère joyeux et elle espérait clairement avoir de la chance et pouvoir s’entendre comme larron en foire avec cet homme qui serait sien.

Le calme en toute circonstance, olympien. c'est vulgaire de s'énerver, ou de montrer au monde entier l'agitation intérieure à laquelle on est en proie. Elle a été forgée ainsi, Rosamund, le marbre dans tout ce qu'il a de plus noble, comme une prédestination à embrasser albion, patrie d'adoption. Un sourire qui étire les lèvres de la matriarche, parce que l'expérience a laissé quelques leçons derrière elle, et la conversation, d'une certaine façon, lui rappelle une qu'elle avait eue avec sa propre mère, bien des années auparavant. - la soumission, ma chère fille, les rapports de forces en général, sont beaucoup moins évidents qu'ils ne le paraissent... Elle s'interrompt, l'élan coupé par l'arrivée du serveur pour prendre leur commande, en trempant délicatement les lèvres dans le champagne, l'air toujours impeccablement digne, composé, et presque badin; laissant imaginer une situation beaucoup moins sérieuse qu'elle ne l'était.

De nouveau assurée de n'être pas à portée d'oreilles baladeuses, un sourire parfaitement composé et serein aux lèvres, elle reporte son attention sur sa benjamine, et se laisse aller quelques instants à une rêverie mélancolique; pendant quelques secondes, elle revoit les années d'insouciance, l'enfance bénie des dieux, durant laquelle la plus jeune forgeait lentement mais sûrement son tempérament. - Tu n'es plus une enfant, Seppia...et tu es intelligente. Tu sauras, j'en suis sûre, faire en sorte que ton mari respecte tes opinions... Car la position de la femme, elle avait eu le temps de s'en rendre compte durant les longues années de sa propre expérience, captivité dont les barreaux avaient pris la forme des mains de l'époux, n'est précaire que si elle se laisse piéger par le jeu de dupe des apparences. - Le pouvoir, c'est avant tout l'apparence... surtout, ne l'oublie jamais.

Jetant un regard circulaire au reste de la salle, elle repère une vieille connaissance, à qui elle offre un courtois signe de tête avant de reporter son attention sur la conversation en cours. - Bien sûr, tu ne pourras pas te soustraire de certaines obligations, mais je peux t'assurer qu'elles sont moins pénible qu'il y parait. Perpétuer une lignée, un nom, elle est bien consciente du peu d'attrait que ça peut avoir, sur le papier, et pourtant, après avoir écouté docilement sa propre mère lui ressasser les devoirs incombant à une bonne épouse, elle avait été la première surprise des agréments de certains aspects de la vie matrimoniale.