L’ambiance dans la cuisine, même une fois la porte refermée, ne s’était pas chargée de cette tension qui régnait bien souvent entre les deux époux dès qu’ils se trouvaient seuls. Les occasions se faisaient de plus en plus rares de discuter de façon civile, et Mara avait depuis longtemps pris l’habitude d’attaquer la première quand Rabastan gardait le silence un instant de trop. Mais la gaieté de leurs enfants était encore si présente dans son cœur qu’elle n’avait aucune envie de lui chercher querelle. Il avait trouvé un merveilleux cadeau pour leur aînée, elle le reconnaissait aisément. Quand il se conduisait comme un bon père – ce qui ne se produisait pas si rarement que ça, quand il daignait être présent – elle pouvait oublier un peu ses rancœurs et son amertume. Leur mariage avait beau être un gouffre de frustrations et de désillusions, les moments passés avec leurs enfants étaient des instants où elle se surprenait à apprécier encore la présence de son mari. Elle aimait la façon dont il se comportait avec eux – et c’était une consolation qu’elle avait su apprécier au fil du temps.

« Avec les gènes des Rosier et des Lestrange, elle ne peut que s'imposer sur le terrain. » Elle hocha la tête avec un sourire entendu, comme s’il énonçait la plus simple des évidences, pourtant cette espèce de compliment lui avait remué quelque peu l’estomac. Et elle s’empressa d’ignorer cette drôle de sensation pour se focaliser sur la grande question. Comment avait-il fait pour obtenir ce balai ? « Oh, tout de suite les accusations... » Nouveau sourire en coin, narquois. Il n’allait tout de même pas lui faire croire que l’idée ne l’avait pas effleuré un instant ? « Comme si tu n’en étais pas capable. » Fit-elle à mi-voix. Ce n’était pas un reproche, pas cette fois. Elle était parfaitement consciente de ce que son mari était capable de faire, mais tant que ses activités annexes ne franchissaient pas le pas de leur porte, elle ne s’en souciait guère. Il n’était pas Mangemort dans cette maison, pas quand les enfants étaient présents avec eux. « Il se peut qu'un employé de la boutique, ait gagné son salaire mensuel en ... cinq minutes..? Ou peut-être dix... » Mara prit le dernier plat sur la table tandis qu’il révélait avoir soudoyé l’employé, et elle hocha la tête. Le prix valait absolument la peine, pour la joie d’Eija. « Tant mieux pour lui. » Elle poussa la porte et retourna dans le salon, Rabastan derrière elle. Eija était en train d’essayer de faire monter Aga et Ragnar en même temps sur son balai, et Mara poussa un cri moitié effaré, moitié amusé.

Les plats furent posés sur la table, et sûrement ignorés pendant encore de longs moments tandis que Mara essayait de convaincre les petits de ne pas essayer le balai, et que de nouveaux cris et rires s’élevaient dans le salon. Rien qu’un moment en famille, anodin, parfait. Sans colère, sans hostilité, sans affrontement. Juste le bonheur d’être tous les cinq, petit bonheur fragile qui ne manquerait pas d’exploser à la moindre anicroche. Mais Mara allait en profiter de tout son cœur, tant qu’elle le pourrait.