Il a encore la tête comme une citrouille; l'esprit embrumé, qui peine à se rappeler de ce qui s'est passé la veille. Il se souvient de la silhouette de Rosen, l'équilibre précaire après avoir passé, peut-être, quelques heures de trop au Black snake. La lumière perce à travers les rideaux en lin, et il grimace, lâchant un juron en se frottant les yeux. Il entend de nouveau leurs rires, sans doute une bêtise lancée par l'un ou l'autre, ou peut-être pour rien du tout, juste une hilarité revenue des tréfonds de deux caboches trop pleines, remplies de souvenirs macabres. Ils avaient eu besoin de cette échappée, ces quelques moments d'évasion, une coupure salvatrice dans un présent beaucoup trop sombre et trop lourd pour leurs épaules de gamins. Ils n'en sont plus vraiment, mais pourtant, il y a toujours cette sensation d'avoir manqué quelque chose, que tout s'est passé beaucoup trop vite et qu'ils ont grandi trop brusquement. Projetés violemment dans un monde qui sombre, qui se trouve au bord du précipice. Un pas, un rien, suffirait à les plonger dans le chaos, la destruction la plus complète. Alors ils ont fui, juste pour une poignée d'heures. Ils se sont comportés comme des enfants, les adolescents qu'ils ne sont plus.

Les sourcils froncés, il tente de déchiffrer l'heure à sa montre. Il est sûrement beaucoup trop tard pour se réveiller, Merlin sait que cette journée aurait pu être occupée de façon bien plus utile, mais l'idée est bien vite chassée. En tâtonnant, il cherche la baguette qu'il a l'habitude de laisser sur sa table de nuit; elle n'y est pas. - fuck. lance-t-il en se hissant hors des couvertures pour se préparer un café largement mérité. Geste machinal: mettre de l'eau à chauffer dans la bouilloire chauffe -- il est encore un peu confus, l'enfant des highlands, le regard dans le vague, et c'est un hibou venant donner des coup de bec à la fenêtre qui le tire de sa torpeur. Le volatile, une fois entré, lui mordille le doigt, contrarié visiblement d'avoir attendu. Mettant finalement la main sur sa baguette magique, il fait éviter quelques graines près de l'animal qui les picore sans faire le difficile tandis qu'il détache la missive de sa patte.  

Erosion de l'âme au gré des tourments. Manifestation moldue imprimée à même la rétine. Les cris de la plèbe retentissent en son crâne. Symphonie de désespoir qui lui arrache un soupir. Isolé à Merlin's Castle, le lion fait les cent pas dans son appartement. L’indignation des sans magie est contagieuse. Ils ont raison, songe Percy. Eux qui vivent dans l’ignorance, la menace qui les accable est bien réelle. Violence injustifiée. Vies innocentes balayées par les bois. Il partage leur peine mais ne peut se morfondre. Il y a assez à faire pour toute une vie. Une organisation entière à démanteler et renverser. La paix de deux mondes à restaurer. Il se souvient des mots d’Albus au sujet de la peur. De l’importance d’agir pour ledit plus grand bien sans se laisser aveugler par ses sentiments… Le véritable courage étant celui qu’on réunit pour agir consciencieusement, envers et contre tout. Pensif, il pose un index sur ses babines. Des failles. Où sont les failles des mangemorts ? Les connexions se font et, lentement, de possibles infiltrations lui viennent à l'esprit. Les dextres égarés dans sa chevelure cuivrée, un nom se dérobe à lui. Zabini. Manipulation ou coup de génie, l'échine tressaille nerveusement. Il pense à une vieille amie et les traits de Dumbledore s’éclairent avec malice. Réaction juvénile qu’il retient dès lors qu’il agrippe le manche de sa baguette. Le poignet s’agite et disparaît dans un tourbillon. Transplanage précipité jusqu’à la demeure de celui qu’il considère comme son propre sang. Ruben.

Transports magiques dépréciés du chercheur, il se remet doucement de son périple à travers l’espace. Les babines s’étirent en apercevant le lycanthrope près d’une fenêtre. “Qui peut bien t’écrire, doc ?” plaisante le rouquin en approchant de son ami. Il l’admire silencieusement puis grimace brièvement. “La nuit a été longue.” remarque-t-il face à son teint blafard. “J'espère que je ne dérange pas.” Insinuation en demi-teinte. Etait-il avec lui ? Il le constate l'air amusé. Presque détaché, car l'amour n'est pas son fort. Caressant à son tour l’oiseau, il prend place sur un fauteuil comme il l’a fait des centaines de fois auparavant. La connivence suinte de chacun de ses gestes. "Tu as dû lire les nouvelles. Le monde moldu est sans dessus dessous.” Les iris bleutés plongent dans son regard. Espoir et mélancolie s'y lisent à parts égales.

Le bruit qui agresse, plus marqué qu'à l'ordinaire. Il grimace. Pourtant, si c'était à faire, il le referait sans hésiter -- évasion tellement bénéfique, salvatrice. Sentir le poids du quotidien s'envoler de ses épaules, l'espace de quelques heures. Redevenir l'adolescent insouciant n'a pas de prix; du moins, pas un prix qui se refuse d'autant qu'une potion anti-gueule de bois, arrangerait les choses en un rien de temps. Rassasié, le volatile reprend son envol sans demander son reste, sans un regard pour le destinataire négligent. Presque au même moment, c'est la silhouette de Percival qui se matérialise; le frère d'une autre mère. Il jette un oeil aux parchemins enroulés laissés sur la table. - oh, ça.. lance-t-il en riant. - simplement lla gazette du jour et le chicaneur. désolé, rien de croustillant.. Badineries bon enfant, comme du temps révolu de leur innocence, déchiquetée par les évènements de plus en plus tragiques dont était témoins le monde magique.

la nuit a été longue.. il esquisse un sourire amusé. - Pas pour les raisons que tu crois. dément-il avant de se lancer dans un bref résumé de la soirée trop arrosée de la veille. - d'ailleurs, il faudra qu'on sorte un de ces jours, comme au bon vieux temps.. mais je doute que ça soit ce qui t'amène. Il écoute les paroles du rouquin avec attention, le regardant s'installer lestement, avec cette grâce aérienne qui le caractérise. - Oui, effectivement...trop de mensonges, c'était inévitable. trop d'hypocrisie aussi. qu'il se retient d'ajouter. L'espoir et une pointe de mélancolie dans les iris azur -- la malice qu'il avait l'habitude d'y voir, temporairement envolée. - est-ce que tout va bien ? le marteau-piqueur dans la caboche semble s'être un peu calmé. Il verse de l'eau dans deux tasses, diluant distraitement le café soluble.