Le calme est finalement revenu à Londres. Une normalité qui a quelque chose d'étrange. Elle y croit à moitié Mayra. Toujours convaincue que les événements météorologiques des dernières semaines n'avaient rien de naturels. Quoiqu'on en dise. Au fond, elle connaît la vérité. Mais se l'avouer serait trop difficile. Alors elle acquiesce en silence, change de sujet. Tout pour ne pas y penser. Elle porte pourtant toujours une attelle à la jambe, supposée soulager sa cheville pour encore quelques jours. Souvenir amer d'une chute douloureuse. Elle n'a pourtant p as eu le luxe de se reposer. Besoin pressant d'argent. Besoin de retrouver un semblant de normalité aussi. Elle a les oreilles qui traînent Mayra, toujours à l'affût d'un mot. D'un nom, aussi. Et elle reste sans nouvelles de ses amis proches.  Angoisse constante qui pèse sur sa poitrine, l'empêche parfois de respirer. Leurs deux mondes se heurtant en permanence. Elle sait qu'elle n'a aucun droit Mayra, ne pourra jamais formuler la moindre requête. Elle n'en a pas le droit. Se souvenir est le seul cadeau qu'on lui a fait. Cadeau parfois empoisonné. Mais cadeau qu'elle a voulu. Pas question qu'on le lui reprenne.

Allongée dans son lit, son fidèle Seigneur des Anneaux entre les mains, Mayra rêve. Elle profite de cette calme soirée. Moment rare. Pas de réunion de famille, pas de dîner improvisé. Rien qu'elle et son thé fumant, ses rêves de gamine. D'aucun diront qu'à trente trois ans elle devrait sortir, enfiler une jolie robe et rencontrer des gens. Des hommes surtout. Elle ne devrait pas être seule Mayra. C'est immoral. Illogique. Qu'importe. Ça ne l'intéresse pas. Le cœur encore brûlant, la blessure encore sanguinolente. Pas prête à appartenir à quiconque. Sauf lui. C'est elle qui s'est maudite. Elle la seule fautive. Alors peut-être qu'elle se punie en restant au fond de son lit, en refusant les prétendants que sa famille lui offre sur un plateau d'argent. Seul moyen qu'elle a trouvé pour se protéger.

Elle se croit à l'abri Mayra. Certaine que personne ne viendra l'importuner ce soir. Erreur. Des coups sonores résonnent à sa porte et Mayra, sourcils froncés, laisse échapper un soupir. Elle abandonne son livre pour aller ouvrir, se fichant bien de sa tenue. A peine ses yeux reconnaissent-ils la tête blonde qui se tient de l'autre côté de la porte, que déjà son sourire s'élargit. Elle laisse entrer son amie qui ne lui laisse pas le temps de répondre. Surprise, Mayra ne peut empêcher son corps de réagir. Sa jambe la lance sous le coup de la pression exercée. Elle n'a le temps de rien Mayra, Darcy s'emportant déjà. Elle ne peut que refermer la porte afin de garder secrète leur conversation. « Tout va bien. » Demi mensonge. Et de toute évidence, son amie n'est pas dupe. Elle roule des yeux en l'invitant à la suivre jusque dans son petit salon. « Ce n'est rien je t'assure. Je me suis simplement foulée la cheville lors de la tempête. » Un accident ridicule. « Darcy, je vais bien, regarde ? » Elle tourne sur elle-même dans un pas de danse ridicule. Simplement pour rassurer son amie. Détendre l'atmosphère. Mais de toute évidence Darcy n'est pas entièrement satisfaite. Et ça suffit à angoisser Mayra. Sourcils froncés, elle arrête de gesticuler et observe son amie. « Tout va bien chez toi ? » Là-bas. Dans l'autre monde.