Albus Dumbledore est mort.
Il n’arrive pas à s’en remettre. N’arrive pas à l’accepter. Il ne peut pas, ne veut pas. Cela fait pourtant des jours, des semaines peut-être, que l’annonce est tombée – il a un peu perdue la notion du temps depuis. Un espoir qui s’évanouit. Un monde qui s’écroule. Et le cœur de Driss qui s’essouffle.
Le médicomage l’a autorisé à reprendre le travail. Suite à ses mésaventures dans les bouches de métro, un poumon perforé et un bras cassé, le verdict est tombé ; il ne retrouvera jamais sa condition physique. Son souffle, son endurance. L’organe respiratoire réduit d’une partie, les efforts sportifs s’annoncent désormais comme une utopie. Dans son éternel optimisme, le combattant en lui s’estime cependant heureux d’être en vie, chanceux de pouvoir encore se présenter aux côtés de Marlene, de Ruben, d’Agatha, de sa mère et de tous ces proches.
En vie. Mais à quel prix ?
La journée se termine. Retrouver ses dragons lui donne un peu de baume au cœur. Pourtant de nature très sociable, il lui semble que depuis la terrible disparition de leur leader, seule la compagnie des dragons l’apaise, l’éloigne des tourments et de la réalité qu’il n’arrive plus à regarder. Eteint, désarmé, il lui semble pour la première fois de sa vie que la tâche est trop dure, que le combat est insurmontable, que les épreuves sont trop nombreuses. Pour la première fois de sa vie, il pense, un peu, à abandonner. A capituler. A reconnaître que l’union ne fait pas la force, que le mal peut l’emporter, dans toute sa fatalité. Colère évanouie, la lassitude l’a envahi. Et c’est seulement lorsqu’il retrouve Marlene qu’il esquisse l’ombre d’un sourire, la voyant cuisiner. Il ne lui a jamais demandé de cuisiner pour lui. En réalité, il se sent un peu mal à l’aise avec les convenances de couple marié ; comme si elle lui devait quelque chose, alors qu’il lui soulèverait des montagnes pour simplement voir ses yeux briller.
Et il les voit briller. De cette lueur fanée, de cette tristesse renflouée, de cette amertume étouffée.
Elle lui cache quelque chose et il n’aime pas ça. Mais dans toute sa bienveillance, il se dit qu’elle a certainement une bonne raison. Qu’après tout, ils ne sont pas
vraiment mariés. Même si parfois, il lui semble que derrière cette mascarade, des fossés les séparent, il ne peut s’empêcher de se raccrocher à ce petit anneau autour de son annulaire ; qu’importe ce qu’on en dise ou ce qu’on en pense, qu’importe que ce soit vrai ou faux, inventé ou illusoire, à la fin, elle reste son
épouse. Et il a juré de la protéger, jusqu’à ce que la mort les sépare. Jurer de l’aimer, bien que ce ne soit certainement pas de la même manière qu’on l’entende. Et s’il y a bien quelque chose qui ne l’a pas quitté, c’est son indéniable volonté de tenir cette promesse, à tout jamais.
«
Merci, tu n’étais pas obligée. » Qu’il souffle gentiment en s’affalant dans le canapé. L’ambiance est étrange. Comme un certain malaise qui s’installe. «
La reprise, rien de passionnant. Zeldrys était affamé aujourd’hui, je soupçonne mon remplaçant d’être tombé dans le jeu de Shonda. Elle peut se montrer très charmeuse lorsqu’il s’agit de viande. Ou menaçante. » Dans un silence, ses pensées se perdent vers ses dragons, et ça lui arrache un léger éclat de rire. Quelles drôles de bêtes. Sorti de son évasion, il penche la tête et sans s’en rendre compte, retrouve cette mine abattue. «
Et toi, ça a été ? Tu as l’air fatiguée. » Constat qui ne lui échappe pas. Marlene n’a plus de secret pour lui. Du moins, en apparence, et cela aussi, ça ne lui échappe pas.
Albus Dumbledore est mort. Et Driss n’a aucune idée de ce qui va se passer à présent.
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