Tu te sens sale. D’une saleté que rien ne peut être nettoyer. D’une saleté qui colle à la peau, comme ses ecchymoses qui habillent ta peau trop claire. T’as le souffle court alors qu’un simple drap habille ton corps nu. Tu entends Timotei qui se rhabille, sans même un regard en ta direction alors que tu n’oses pas bouger. Les portes du placard qui s’ouvrent et se referment, ses pas qui se font lourd dans le reste de la maison. T’as presque arrêter de respirer alors que tu entends la porte d’entrée se refermer et tu ne peux t’empêcher d’éclater en sanglots. Ton corps tremble, la douleur se faisant ressentir dans chaque parcelle de ton être. Tu ne sais pas tu restes là combien de temps, dans cette maison vide à laisser toute ta douleur rebondir sur les murs. Des minutes qui s’éternisent jusqu’à ce que tu n’es plus de larmes à pleurer, plus la force de laisser les sanglots te bercer dans cette danse maudite. Tu te lèves tranquillement, tes pas te guidant lentement jusqu’à la salle de bain. Tu restes plantée debout le miroir pendant quelques secondes, ton cerveau mettant un moment à assimiler l’image que la glace te renvoie. Les ecchymoses s’accumulent au niveau de tes côtes, tout comme sur tes jambes et sur tes bras. Il y a la marque de ses doigts sur ton cou et tu manques de souffle pendant quelques secondes alors que tu sens encore la lourdeur de son corps au dessus du tien, si fragile soudainement. Il y a un peu de sang qui a séché au coin droit de tes lèvres, ta bouche légèrement enflée d’une baffle qu’il prétend haut et fort que tu as mérité. Tu entres finalement dans la douche, laissant l’eau chaude apaiser ton corps endolori, effacer ne serait-ce que des parcelles de cette violence de ton quotidien. Tu essayes sans grand succès d’effacer les images de ton esprit, les images de cet homme qui prend ce qu’il désire, sans se soucier du mal qu’il fait sur son passage. Un mari. Une histoire de tout sauf d’amour. Une histoire qui fait mal. Une vie dont tu n’as jamais voulu qui est maintenant tienne. Prisonnière d’un enfer dont ton seul échappatoire est un autre homme. Un homme qui te fait du bien. Un homme pour qui ton coeur s’emballe. Un homme interdit, mais qui à lui seul te donne la force de continuer.

Idriss. Tu te concentres sur son visage alors que tu te prépares, tentant de mettre derrière les horreurs des dernières heures. Tu veux que ton focus se fasse sur ce qui est à venir. Sur les moments que tu parviens à voler auprès du jeune né-moldu qui te fait oublier chaque ecchymose, chaque coup, chaque viol. Tu t’habilles tout de long, malgré les températures clémentes pour cacher les horreurs sur ton corps. Un petit coup de baguette permet à ta bouche de désenfler, un léger foulard vient camoufler ses doigts sur ton cou alors que tu sors de cette maison trop grande, trop vide, trop laide pour rejoindre Idriss à votre endroit habituel. L’endroit n’a rien de bien particulier, ce n’est qu’un parc délaissé dans une partie de la ville ou tu sais que personne ne penserait à te chercher. Vous avez pris l’habitude de vous y retrouver depuis quelques mois déjà, tous les deux envenimer par cette envie de l’autre, ce besoin de jouer avec le feu. Tes pas t’y guident, ton regard toujours à la guette, s’assurant que personne ne te suit, personne ne te voit. Lorsque tu te rends à l’entrée du parc, tu reconnais sans aucun doute la silhouette du jeune Ainsworth assit sur un banc. Il y a un sourire qui se place automatiquement sur tes lèvres. Il a cette façon bien à lui de faire dissiper ta douleur sans avoir à faire quoique ce soit. Ton pas s’empresse et c’est sans attendre aucune réaction de sa part que tes bras viennent se rejoindre derrière le cou du sorcier, tes lèvres s’emparant des siennes. C’est plus qu’un besoin, il t’est essentiel.

Tu te laisses tomber dans les bras d’Idriss, ton corps soudainement trop lourd, trop douloureux. Ses bras viennent t’envelopper et pour un instant, tu te sens en sécurité. Tu essayes de mettre la violence derrière toi, te concentrer sur le moment, sur la sensation de son corps contre le tien, la chaleur de son souffle dans ton cou. Mais dès que tu sens le regard du jeune Ainsworth sur toi, tu sais que tu ne pourras pas faire comme si de rien était, que tes tentatives futiles de camoufler ses traces sur ton corps ne garderont pas Idriss dans l’ignorance. « Arrête.. » que tu protestes légèrement, sans réelle envergure alors qu’il retire le foulard autour de ton cou, laissant paraître de nombreuses ecchymoses. Tu échappes un soupir alors que son regard se noircit et tu voudrais tellement pouvoir l’épargner des détails de ton quotidien. Calmer cette rage qui grandit sans cesse en lui, lui faire oublier pour ne pas qu’il change. Pour ne pas qu’il se fasse consumer par la laideur de ta vie. Mais tu ne peux rien faire de tout ça alors que tu le laisses passer ses doigts sur ton corps qui semble si fragile. Trop fragile. Tu détournes le regard alors qu’il souffle ton prénom, tu peines à retenir ses larmes qui menacent d’inonder ton visage à tout moment. Tu te mords légèrement la lèvre alors que les menaces du jeune né-moldu semble remplir le parc. Tu aimerais le croire, même si tu sais que ce n’est pas un futur possible pour vous. En fait, tu te doutes qu’aucun futur n’est réellement possible et c’est trop dangereux ne serait-ce que de garder un soupçon d’espoir. Tes mains viennent encadrer le visage du jeune homme et tu te contentes de hocher de la tête légèrement. « Tu sais que c’est pas si simple. »

Et pourtant, tu t’accroches au jeune homme comme si ta vie en dépendait. Chaque moment de plus auprès de lui te pousse plus loin dans ce mensonge, dans cette double-vie, dans cette envie de fuir et de faire ta vie à ses côtés. Mais tu sais que cette vie, elle ne peut exister. Que de prendre ce risque venait à signer votre arrêt de mort. À tous les trois. Ta main vient se mettre instinctivement sur ton ventre et tu ne sais pas comment trouver les mots ni le courage pour admettre cette nouvelle vérité qui est plus que terrifiante. Nouvelle qui vient changer la donne, sans pour autant rentre le tout plus facile. Tu te recules légèrement et prend place sur le banc, un long soupir s’échappe de tes lèvres. « J’ai quelque chose à te dire. » que tu déglutis difficilement, peinant à regarder Idriss droit dans les yeux. Peut-être que c’est trop tôt pour le dire. Peut-être même que c’est trop fou. Tu ne sais que faire de ce fait toi-même et tu redoutes la réaction du jeune homme. Alors c’est sans regarder le jeune homme que tu laisses les mots prendre leur place entre vous. « Je suis enceinte. »

Sa main sur ta joue, tu t’y accroches. Enlace tes doigts au travers des siens alors que vous restez là pendant un moment, le silence qui s’occupe de dire tous ses mots que vous garder secret. Son incompréhension et ta peur. L’envie est la même, être ensemble et laisser derrière cette vie de misère, mais t’es incapable de t’accrocher à ce qui pourrait être, les chaînes de ton présent trop lourdes. Tu voudrais pouvoir lui dire pourtant que tu veux de cette vie et de cette liberté avec lui. Que ce désir est plus grand que ta peur de le perdre. Mais t’es incapable. Tu préfères encore le perdre et le savoir vivant que de prendre le risque de le voir tuer sous la main de ta famille. Ton père serait le premier à vouloir se débarrasser de lui, tu imagines l’indignation s’il devait apprendre. Un sang-de-bourbe, tu entends la colère et l’humiliation dans ta tête, le genre de souvenir qui ne s’oublie pas malgré le temps qui file. Alors tu manques de courage. Tu te contentes de bien peu. Tu te dis que c’est suffisant, que c’est mieux que rien. Tu t’efforces d’oublier que ça ne peut être que temporaire. Du moins, c’était ton plan jusqu’à ce que la vie t’oblige à voir plus loin que le moment présent par cette nouvelle vie qui se forme jour après jour dans le creux de ton ventre.

Le choc. La nouvelle qui plane au dessus de vos têtes, tu étudies les traits de ton amant maudit. Tu trembles tellement tu es nerveuse de sa réaction qui met du temps à se faire savoir. Tu lèves les yeux et pour une rare fois, tu es incapable de savoir à quoi il pense. Tu sembles enfin pouvoir reprendre ton souffle lorsque sa voix s’élève finalement entre vous. La question est légitime, bien que douloureuse à entendre. Tu hoches doucement la tête. Timotei avait été absent en grande partie dans les deux derniers mois, son travail l’ayant emmené à voyager partout en Europe. Deux mois de sérénité. Deux mois ou les bleus ne s’étaient pas accumulés sur ton épiderme. Mais deux mois aussi ou les rencontres avec Idriss s’étaient faites plus nombreuses. Deux mois ou l’imprudence a pris le dessus, inconscients des conséquences pourtant bien réelles de vos actions. « Tim vient tout juste de revenir de son dernier voyage. Il n’y a eu que toi. » Et pendant un instant, tu n’arrives pas à savoir si c’est pour le mieux. Malgré le désir fort de ta famille de voir un héritier naître de ton affiliation avec le bulgare, jamais tu n’aurais voulu qu’un enfant soit forcé de grandir dans cette maison ou la violence règne. Que faire maintenant que l’enfant n’était plus qu’une hypothèse? Partir ou rester? Tu semblais être perdante dans tous les scénarios. « Je suis tellement désolée. » que tu parviens à dire alors que tes yeux s’emplissent de larmes que tu ne peux retenir plus longuement. Dans une autre vie, ça aurait pu être une si bonne nouvelle. Dans celle-là, ça semble être simplement le début de la fin.

Les mots manquent, autant pour toi que pour lui. La nouvelle qui prend désormais toute la place entre vous deux, mais surtout autour de vous. Comme une réalité qui est difficile a accepté, a avalé. Après tout, votre histoire n’était pas censée se dérouler ainsi. Étiez-vous même censés en avoir une, une histoire? Probablement pas. Tu n’avais pas d’affaire à avoir le jeune né-moldu dans ta vie, et pourtant, tu peinais maintenant à imaginer ta vie sans lui. Que serais-tu si tu n’avais pas ces quelques moments volés auprès du jeune Ainsworth auxquels t’accrocher? Que resterait-il de toi, de la vraie toi, enfouie sous des années de préjugés projetés par des parents aux idéaux arrêtés? Probablement plus rien, tu en es presque certaine. Peut-être aurais-tu déjà succomber sous les coups de ton bourreau, si ce n’était pas d’Idriss. Mais il y a un prix à payer maintenant, pour tout ça. Alors que la vie était venue se loger dans le creux de ton ventre, tu redoutais que le prix ne soit trop cher payer. Comment étais-tu censée prétendre? Comment étais-tu censée continuer auprès de Tim sachant très bien que l’enfant n’était pas de lui? Les larmes qui coulent sur tes joues alors que ses bras t’enlacent, te retiennent. Tu t’effondres, mais il te rattrape Idriss, comme il sait si bien le faire. Il te dit que tu n’as rien fait de mal, mais tu ne peux t’empêcher de te demander pourquoi la vie semble s’acharner autant sur toi, sur vous, si ton karma n’est pas mauvais. Peut-être paies-tu le prix de tes vies antérieures, tu ne pourrais l’expliquer.

Vous restez là, à vous rattraper mutuellement, à attendre la fin d’une tempête qui n’a pourtant pas de fin. Dans ses bras, les rafales ne semblent pas si intenses, les coups moins douloureux. Tu lèves la tête vers lui lentement alors que sa voix s’élève à nouveau et ça te tord le coeur d’entendre ses mots sortir de sa bouche. Tu attends un héritier. Mais pas vraiment, n’est-ce pas? Ce n’est qu’un mensonge de plus, qui s’ajoute à une liste déjà bien trop longue. « Je ne sais pas si je peux… prétendre. » C’est que ça devient bien trop lourd, avec les semaines et les mois qui passent. Ta réalité et cette vie que tu désires à des années lumières l’une de l’autre et tu ne sais plus comment te perdre entre les deux maintenant que ce n’est plus seulement toi. « On devrait partir. Disparaître et ne jamais revenir. Tous les trois. » Tu fabules, mais peut-être était-ce la seule solution, la seule porte de sortie possible? Toi qui dit sans cesse que ce n’est pas possible, que ce n’est pas si simple, que tu es prisonnière de cette vie… Peut-être es-tu effrayée de ce que la vie auprès d’Idriss pourrait t’emmener. Vous seriez sans doute sur vos gardes, à l’idée de vous faire prendre par ta famille, mais vous seriez ensemble. Would it be worth it? « Je ne veux que toi... » que tu ajoutes, ton regard planté dans le sien, alors que tes lèvres viennent se joindre aux siennes par besoin, par désespoir. Un baiser dans lequel tu te perds pour te couper d’une réalité qui est bien trop laide.

Tout tourne autour de toi, tu te sens légèrement faible alors que ton corps se fatigue sous les coups des différentes émotions qui te tombent dessus. Il y a des nausées aussi, qui te rappelle constamment de ce petit être qui grandit jour après jour au fond de toi. Un petit être dont tu ne connais l’existence que depuis quelques jours, mais auquel tu accordes une grande majorité de tes pensées. C’est que tu n’avais jamais imaginé ce scénario. Tu n’avais jamais imaginé tomber enceinte de lui. Lui, qui était pourtant tellement plus qu’un simple amant. Plus qu’une simple histoire pour contre balancer la froideur de ton mariage. Plus qu’une histoire de sexe pour passer le temps, pour te sentir bien. Tu étais tombée amoureuse de l’interdit. Amoureuse du lion qui n’avait pas froid aux yeux. Et si tu avais appris à le lire aisément ton lion, tu avais du mal à saisir ce qui se passait dans sa tête en ce moment. L’expression sur son visage n’en était pas une familière et tu aurais tant aimé pouvoir lire dans ses pensées, ne serait-ce que pour être certaine de savoir ou il se situe face à cette nouvelle. Cet enfant, autant tien que sien. Imprévu de plus dans une histoire qui ne se compose que de surprises. Une Rosier avec un fils de moldus. C’est que ta famille a déjà tué pour moins que ça. Et pourtant, tu continues de prendre le risque, et de risquer la vie d’Idriss par le fait même. Jour après jour, semaine après semaine, mois après mois. T’as toujours été terriblement égoïste, Eleonora. Mais il est plus qu’un caprice, Idriss. Il est l’amour que tu croyais ne jamais mérité. Un futur auquel tu n’as pas le droit de t’accrocher, mais qui te retient quand même.

Tu m’as déjà tout entier. Ton corps en entier qui frisonne alors que les mots résonnent encore et encore dans ton esprit. Tu te perds dans le baiser, oubliant le reste. Il n’y a que lui, votre bébé, et la mince possibilité d’une vie plus douce, plus belle. Loin de la haine, loin de la guerre, loin de ce qui est supposément bien et de ce qui est supposément mal. Plus de sang-pur ou de né-moldu. Qu’une famille de sorciers qui s’aiment, malgré tout. « Je ne sais pas si je peux te laisser faire... » que tu murmures à contre-coeur alors qu’il t’avoue être à te dédier sa vie. Ce n’est pas que tu ne veux pas, au contraire. Malgré tes objections, tu es éternellement tentée par l’offre répétée du jeune homme de disparaître pour être ensemble. Mais tu crains pour sa vie, bien plus que tu ne crains pour la tienne. Ne voit-il pas que tu veux seulement le protéger des misères que tu pourrais lui causer, s’il s’obstine à rester trop près de toi? Mais cette voix qui te urge sans cesse de le repousser, elle perd en volume. Elle perd en importance alors que tu te laisses bercer par l’image d’une vie près de lui, sans secret. « Ou irions-nous? » que tu demandes finalement, te reculant légèrement pour pouvoir bien voir le visage du jeune homme devant toi. Il y a un sourire qui vient se placer sur tes lèvres. Le sourire de l’espoir. Le sourire du bonheur, le vrai, celui qu’on ressent dans tout son être sans le moindre doute. « Je ne sais pas comment on va faire, mais faisons-le. Partons ensemble, n'importe ou. J'veux plus de cette vie. » Tes yeux brillent alors qu’un léger rire quitte la barrière de tes lèvres. Tu y crois si fort, en ce moment, alors que le monde semble s’ouvrir sous tes yeux. Si seulement tu savais l’Enfer qui vous attend, trop près.