Il s’éloigne, vient récupérer sa veste et commence à parler à nouveau, bien loin du sujet sur lequel elle l’avait interrogé, il la ramène à ses démons. Les paroles sont dures, elles claquent dans la nuit fraiche, comme le vent marin sur la crique, elles atteignent Constance avec une force qui la dépasse : écho de ses maux, vérités douloureuses. Elle veut qu’il arrête, qu’il cesse d’assassiner sa peine avec ses mots un peu trop justes, avec ses paroles un peu trop vraies. Elle voudrait lui hurler qu’il ne sait pas ce qu’elle peut faire ou pas, qu’il n’a pas le droit de juger la manière dont elle s’occupe de sa fille, qu’il n’a pas le droit de parler de Thalia de la sorte, pas alors qu’elle n’était plus là pour se défendre, ou l’entendre, mais rien de tout ça ne passera la barrière de de ses lèvres pincées. Encore et encore, les mots se coincent dans la gorge serrée de la brune qui sent son regard être soudainement envahit de larmes. Elle s’étouffe, elle se sent noyée par des émotions trop violentes. « Arrête s’il te plait… Tobias je t'en prie» Finit-elle par gémir, à bout de souffle, en serrant les poings, douleur qui faisait écho à une colère sourde qu’elle tentait de réfréner, qu’elle ne pouvait retourner contre Tobias parce qu’elle savait bien qu’il n’était et n’avait jamais été son ennemi. Elle ne voulait cependant pas entendre raison. Elle savait pourtant que ce qu'il disait était censé mais elle ne parvenait pas à l’accepter.

Le silence se pose quelques instants sur la plage, quelques instants où les mots du sorcier tournent en boucle dans la tête de la Bell. Et pour les faire taire, elle commence à parler : « I want her back. » Répond-elle d’une voix rauque alors que les larmes finissent par glisser sur ses joues. Fière, elle se détourne, regard larmoyant qui se perd dans les vagues. Elle ne veut pas croiser le regard de Tobias, elle ne veut pas paraître encore plus faible qu’elle ne l’était déjà : l’orgueil de la gryffondor qui faisait des siennes. « Je veux qu’elle soit là et je veux que Katie soit en sécurité, je veux que ma famille aille bien, je veux pouvoir les protéger. » Cela sonne comme une litanie, une série de doléances qui n’étaient jamais entendues. « Et je ne peux rien faire de tout ça. » Le spectre de son impuissance se riait d’elle, farce macabre qui la tenait éveillée la nuit depuis qu’elle avait enterré sa soeur. Le cimetière qui accueillait sa dernière demeure ne cessait de revenir dans ses songes et à chaque fois, elle avait l’impression que tous ses proches y finiraient si elle n’était pas assez forte.

« Ils méritent de mourir pour ce qu’ils ont fait, pour ce qu’ils font, ce n’est pas la justice qui les punira. » Elle avait perdu l’espoir que les choses se règlent sans que le sang ne coule, en avait marre d’attendre après le gouvernement qui était corrompu jusqu’à la moelle. Mais Tobias avait raison, aurait elle le cran de faire justice elle-même ? Imposerait-elle cela à Katie ? Elle qui avait tenté au mieux de la protéger jusqu’à lors des langues de vipères qui sifflaient le mot batard à son passage. Elle était prête à enfiler l’habit de la fille de mauvaise vertu qui avait eu un enfant hors mariage, mais celui de l’assassin ? Elle ne se pardonnerait jamais d’offrir cet héritage à sa fille. « Ils sont libres alors que j’ai peur d’ouvrir les yeux, j’ai peur de les fermer… J’ai peur même de respirer parce qu’ils peuvent m’arracher un des miens, encore une fois. »

Elle avait craqué, à nouveau. Et Thalia était toujours aussi loin, et sa main toujours aussi faible lorsqu'il s’agissait de protéger les siens. Ça la rendait malade Constance, ça gangrenait son éthique, ça gangrénait tout ce en quoi elle croyait, elle peinait à conserver son équilibre car la peine rendait tout bien trop glissant. « Tu as peut-être raison. Peut-être qu’ils méritent de mourir. Peut-être qu’ils n’ont pas leur place dans ce monde. » Fronçant légèrement les sourcils, Constance se tourne légèrement pour observer Tobias, à quelques pas d’elle sur la plage. Il lui avait semblé entendre un accent différent, comme un aveux d’émotions qu’elle ne lisait pas souvent dans la voix du sorcier mais il fut si furtif qu’elle pensa s’être trompée. « Mais pas de ta main. » Elle soupire, serre les dents, mais reste silencieuse. Elle ne sait même plus si elle doit hurler ou pleurer, se battre ou abandonner. Qui ferait le sale boulot s'ils se cachaient tous derrière leur coeur ou leurs remords ?

« Regarde ce qui s'est passé avec Dumbledore. Il l'a tué. Et qu'a fait l'Ordre? Ils n'ont rien trouvé de mieux qu'attaquer. Foncer tête baissée, par colère et tristesse. Pas par justice. » Constance se fend d’une nouvelle moue. « Qu'est-ce que ça a apporté de bon? À qui que ce soit? » Un soupir, la vérité est douloureuse à entendre. « Ils ont peur, ils essayent de gagner du terrain sur cette guerre qu’on est entrain de perdre… » Souffle-t’elle d’une voix étrangement calme étant donné l’état de crise dans lequel elle se trouvait quelques instants auparavant. Si elle n’avait pas participé à l’attaque du manoir des Lestrange, bien trop secouée par le drame qu’elle venait de vivre, bien trop inquiète de laisser Katie ne serait-ce que quelques instants hors de sa surveillance Constance avait pour autant durant de brèves secondes compris le geste de ses compagnons d’arme autant qu’elle l’avait condamné par la suite comprenant les conséquences néfastes que cela pourraient avoir pour leur cause et leur organisation.

Ce soir-là, perdue dans sa quête de vengeance, noyée dans sa colère, elle les comprenait à nouveau mais elle savait bien que ce n’était pas la solution.  « Il faut combattre, oui. Il ne faut pas laisser ces monstres gagner et asseoir leur haine sur le monde, mais pas au détriment du véritable objectif. » Elle croise quelques instants son regard alors qu’il se trouve maintenant face à elle. « Pas au détriment de ça. » Les paroles de Tobias étaient sensées, bien plus que tout son discours haché par les pleurs et la colère et comme à chaque fois elle finissait par entendre raison. Elle était soudain fatiguée, fatiguée de se battre, fatiguée d’être soit disant forte, fatiguée même de pleurer cette soeur qui ne reviendra pas. « Tu as raison… Comme toujours.  » Quelle souffle en baissant les yeux vers le doigt du sorcier pointé contre son coeur, honteuse. « Je me sens tellement impuissante it's driving me crazy. » Souffle-t’elle en nouveau, passant une main sur son visage comme pour en faire disparaitre les larmes et la tristesse. « Sorry about that, about all this. » Ajoute-t’elle à nouveau, regard toujours perdu dans l’observation du sable à leurs pieds. Désolée pour la blessure, désolée pour la crise, désolée de le forcer à se placer en rempart contre ses instincts un peu trop violents, encore une fois. Désolée aussi d’avoir oublié qu’il ressentait aussi les maux de cette guerre, il y en avait trop pour qu’elle puisse les citer, tous ces point sur lesquels elle pêchait.

Le regard baissé, elle tente d’éviter une confrontation directe qui la met mal à l’aise : mal à l’aise car elle a l’impression de tout faire à l’envers, de retomber dans des travers qui reviennent encore et encore lorsqu’elle est aveuglée par ses émotions. Trop souvent pour ainsi dire. Et elle culpabilise, fierté de la lionne qui la poussait habituellement à se montrer forte en toute circonstance, qui allait jusqu'à l’arrogance pour faire taire les mauvaises langues. Mais Tobias redressa doucement son visage, et c’est son regard planté dans le sien qu’il reprit la parole : « Stop being sorry when you have nothing to apologize for. » La voix était douce mais Constance se surprend tout de même à vouloir répliquer. Silencieuse cependant, elle écoute la suite, faisant taire les tremblements de ses mains en les serrant dans les poches de son sweat. « Being sorry doesn’t help you, nor me, and certainly not Katie. » Elle avait l’impression que rien n’aidait, que tout la menait encore à un échec, pourtant, elle n’avait jamais été du genre pessimiste, jusqu’à présent. « I don’t understand how you cannot see. » Une lueur de surprise glisse dans les yeux noisette de la sorcière, voir quoi ? « You are a mother, raising a child during those insufferable times. You keep working. You keep helping. You keep learning, despite my really bad teaching skills. » Elle secoua légèrement la tête. «  And most of all, whatever happens, whatever tragedy threatens your world, you still care » Plus de douleur qu'autre chose au final. « You are way stronger than you think you are. You need to see that. » Une nouvelle moue sur le visage de la brune, un désacord silencieux, il avait été toujours meilleur pouur parler qu'elle cependant. « You need to start owning your strenghts. Stop being sorry. That's what you have to do. » Malgré le sourire qui s’était glissé sur les lèvres du sorcier, sourire rassurant, apaisant, la sorcière sentait toujours les vestiges des sanglots coincés dans sa gorge. « I’m just trying to survive, nothing more, just like everyone does. » Qu’elle répond doucement, haussant les épaules, lasse de courir après un instant de paix supplémentaire. Pas qu’elle n’entendait pas ce qu’il disait mais elle L’engagement dans l’Ordre s’était imposé à elle bien tardivement, elle avait joué d’égoïsme, c’était concentrée sur Katie avant tout, avait travaillé d’arrache pieds pour offrir à sa fille un équilibre qui aujourd’hui était encore précaire. Ce n’était que lorsqu’elle a réussi à sortir la tête de l’eau, à construire le foyer de sa fille qu’elle avait ouvert les yeux sur les véritables desseins du conflit dans lequel elle vivait déjà depuis des années. « When I was pregnant with Katie and the father left, my mother told me that even if it hurts like hell, I had to count to ten. And if I could handle this for ten second, then I’ll just have to count again. Ten second at a time. » Cela avait fonctionné pendant les périodes les plus difficiles où la solitude rongeait le moral de la future, puis jeune mère, et petit à petit, elle avait arrêté de compter. Jusqu’à mai dernier et le festival, là où tout avait recommencé à se compliquer pour elle. « I count, again and again, but even ten seconds are too much now. » Elle rit d'un rire sans joie avant de reprendre « There isn’t any strength here : it’s just a survival game. » Et le sourire qui se glisse sur les lèvres de la Bell est un peu triste même si elle serre doucement l’avant bras de Tobias avec sa main, reconnaissante : « But thanks, still, making me feel kinda better to hear this. »

« Survival take strength. You’re doing it again. » Léger soupir qui se glisse entre les lèvres de la sorcière, elle ne parvient à voir ce qu’il décèle avec tant de clarté, peut-être ne veut-elle seulement pas le voir cependant, emmitouflée dans son marasme et son deuil, avec l’envie pressante de s’y laisser couler. Elle ne croyait pas à cette force qu’il lui vantait, pas après les échecs qui l’avaient amenés là où elle en était aujourd’hui. Elle était bien loin de l’image qu’elle s’était imaginée d’elle dix ans plus tôt et si elle ne regrettait pas le choix qu’elle avait fait pour Katie, elle avait subit les conséquences plus qu’autre chose. Un léger sursaut lorsqu’il vient l’entourer de ses bras et finalement elle pose la tête contre lui, « Imagine when you’ll manage to feel it. » Elle en était bien loin, il semblait pourtant plein d’espoir et de certitude Tobias. « So much better. » Et le contact est rassurant, termine d’apaiser les tremblements qui secouaient les membres de la sorcières, les démons restent tapis dans l’ombre, mais ils s’éloignent petit à petit, la laissant respirer un peu mieux. « I know you'll get there. Across that moment and beyond. » Un léger sourire contrit se glisse sur les lèvres de la Bell, malgré la mâchoire un peu serrée et les relents de la tempête qui restaient à la lisière de son coeur, elle se sentait un peu apaisée, plus stable du moins, prête à faire semblant. Quelques secondes de silence, elle compte silencieusement jusqu’à dix, le coeur douloureux qui « Maybe I will. » Souffle-t’elle en doucement en haussant légèrement les épaules, toujours blottie contre Tobias. Calquant le rythme de sa respiration sur celle du sorcier elle ferme les yeux quelques instants « I guess we just need to keep hoping. » Même si tout semblait noir et que pour le moment, rien ne semblait annoncer des jours meilleurs, elle voulait y croire, pour Katie. « Thank you » Ajoute-t’elle dans un murmure qui aurait pu se perdre dans le roulis des vagues s’ils n’avaient pas étés aussi proches l’un de l’autre.