Les hurlements de rage font écho au cœur du manoir autrefois bien silencieux. Les murs tremblent. La colère règne ici bas. Bellatrix dans toute sa splendeur. Le calme olympien n’est plus. La fureur semble demeurer. Une frénésie dévastatrice. La quiétude lui manque. Elle n’existe plus. Envolée la demeure froide, endormie. Bruissements et déflagrations persistent désormais. Rien n’est plus comme avant. Rien ne sera comme avant. Existences brisées, entremêlées. Destin morne des femmes Black. Narcissa pose un regard bienveillant sur son fils, interloqué par les cris, priant ce dernier de bien vouloir regagner sa chambre, unique lieu où l’accalmie demeure encore possible pour Draco. Un père en prison. Une tante aux accès de violence incontrôlables. Il n’est guère bien lottis. Elle se veut être son rempart, elle ne peut cependant le protéger du monde entier, elle en a bel et bien conscience. Elle ne peut tout contrôler. Un soupir s’extirpe de ses lèvres face à cette indésirable fatalité. Il lui faut cependant essayer, tenir bon.

Même dans la colère, les sœurs Black se révèlent diamétralement opposées. Tandis que Narcissa se veut emmurée au sein d’une rage sourde et froide, Bellatrix se doit d’exploser, emportant tout sur son sillage, telle une tornade dévastatrice. Elle hésite un instant à pénétrer au sein de la chambre d’amis, celle destinée à Bella. Elle est éreintée, fatiguée de son propre quotidien, de ses propres difficultés. L'assuétude ne la gagne guère depuis l'emprisonnement de Lucius. Mais, pas une seconde s’imagine-t-elle ignorer le désarroi de son aînée, peu importe ses maux, les siens, elle les enfuira profondément. Parfois, elle a le sentiment que ses problèmes ne comptent pas vraiment. Peut-être est-elle seule finalement, à moins qu’elle ne se mette elle-même en retrait. Vérité ultime. Elle  souhaite ne rien devoir à personne. L’exposition, l’étalage, de sentiments est une faiblesse, du moins à ses yeux.

La pagaille règne en maître. Narcissa manque d’oxygène face au désastre. La pièce n’est plus que cendres ou presque tandis que la voix de Bellatrix s’élève, le timbre bercé par la rancœur et la douleur. « Bella. » Elle ne comprend pas, le manque d’information lui fait défaut. Elle ne peut que constater le désarroi de son aînée. La scène lui meurtrit le myocarde. « Qu’est-ce qui est terminé ? » La question oiseuse déforme les traits de son interlocutrice. L’évidence frappe ainsi la benjamine des Black. « Rodolphus. » La réponse à cette expansion de rage se révèle être un prénom, une personne. Elle n’ose imaginer le pire, ne préfère guère. Elle déteste les théories. Doucement, elle s’approche, pas un geste brusque, comme si elle tentait de ne guère éveiller la colère d’un animal farouche, elle attrape la main de Bellatrix, la pressant entre ses deux paumes. Geste doux, dans l'espoir de lénifier quelconque colère. « Qu’a-t-il fait ? » Le mot trahison s’immisce au sein de son esprit. Elle en est persuadée, c’est de cela qu’il s’agit. Le cœur de la sorcière a été irrémédiablement touché, blessé.

La douleur semble s’est emparée de l’enceinte du manoir Malfoy, lieu de mauvais augure, de malchance, à moins que ce ne soient elles, les sœurs Black, qui s’avèrent maudites et damnées. Les deux options se tiennent, aussi désastreuses l’une que l’autre. On dirait presque que plus rien ne leur sourit, la roue tourne, c’est incontestable. Elle aimerait pouvoir claquer des doigts, Narcissa, tout effacer, recommencer une nouvelle fois, un nouveau départ. Malheureusement, le passé demeure intact, figé dans la pierre. Il n’y a plus qu’à s’en accommoder, ni plus ni moins. Comme si c’était évident, d’une simplicité enfantine. C’est bien tout le contraire. Narcissa ne s’acclimate guère à son nouveau quotidien, ni à la déveine qui frappe sa famille, et encore moins aux cris de fureur et de rancune de Bellatrix, ces derniers résonnant au cœur du manoir, aussi sinistres que bouleversants.  

L'impensable semble ici rimer avec la trahison. Narcissa ne peut qu’en tirer ses propres conclusions. Elle ne connaît que trop bien cet état de fait, ce dérapage. C’est ainsi qu’elle nomme l’acte de trahison, un moyen comme un autre de minimiser ses propres regrets. Les mains se séparent, l’étreinte est brisée. Bellatrix ne recherche aucun réconfort, surtout venant de sa part. Elle marche sur des œufs, les mots restent coincés au creux de sa gorge. Que dire exactement ? Tout ce qui peut bien lui traverser l’esprit lui apparaît soudainement tellement hypocrite et inapproprié. Et, en même temps, il n’y a aucune comparaison à faire entre ces deux trahisons. Jusqu’à présent, son aînée l’a toujours soutenue, comme si son faux-pas n’était rien, désormais il n’en est plus rien. Soudainement, se révèle-t-elle tout aussi coupable que Rodolphus aux yeux de Bella. Sur quel pied souhaite-t-elle danser finalement ? Rien n’est plus flou.

Narcissa s’éloigne à son tour, prenant appui contre le mur opposé à sa sœur. Le silence règne en maître, les lèvres de la sorcière blonde demeurent closes, tandis que l’autre marmonne, la colère inondant son âme. Elle se révèle assaillie d’amertume, elle ne peut que penser à Lucius à cet instant précis, la culpabilité s'immisçant au fond de son être, bien qu’elle avoue ne pas totalement regretter ce rapprochement interdit avec Theseus. Sentiments contradictoires. « Qu’a-t-il dit ? » Une question à la fois simple et terrible. Peu importe les paroles de Rodolphus, l’impardonnable semble avoir été franchi aux yeux de Bellatrix, le mal est fait, Narcissa en a bel et bien conscience. Pas de retour en arrière, il n’y a plus que la déception, la rancœur et l’affliction.