À en crever, à se détruire, âmes bousillées de s’être trop données. Des amours il ne reste rien, que le dégoût de s’être fait prendre au piège des croyances, de s’dire qu’ils avaient une chance de s’aimer quand l’monde entier les retenait, se haïr de s’être gavé d’espoir, se briser l’un l’autre pour ne pas regarder l’miroir ni les souvenirs d’une adolescence abandonnée aux cénotaphes des êtres qu’ils ne sont plus. Avancée irréfragable du temps et des corps qui se séparent, grandissent et s’oublient alors que les âmes ne se pardonnent pas, préfèrent les violences, choisissent de s’étrangler dans la brutalité des sentiments éclatés comme autant de verres brisés sous des pieds nus, acrimonie glaciale sur les lippes méprisantes. De l’amour, il ne reste rien, se dit-il, de ce temps d’avant ne survit que les folies de béjaunes impatients, imprudents, panégyristes de leur propre cause. À s’aimer trop fort on s’est coupé, Mevlana, jusqu’au sang, jusqu’à l’os, de l’amour il ne reste rien, que l’amertume dans la gorge et le grondement des mots doux transformés en galimatias par la terreur du temps qui passe. De nous deux, il ne reste que les catilinaires et les effluves empyreumatiques de nos premières cigarettes, toi qui tousse et qui rit, qui crie au diable les capucinades, on s’aimera jusqu’à plus rien, on s’aimera jusqu’à plus d’force. (Tu n'avais complètement tort, après tout.)  

Elle le toise, la princesse des Balkans, elle le juge. Aucune résipiscence dans le regard de l’assassin, ton patelin qui continue de déverser son venin. Chaque mot comme une menace, il encaisse, Rosen, il se fout des paroles, elles ne sont que ça, des syllabes perdues dans l’air qu’il chasse de son tempérament farouche. Dégoût dédaigneux du dipsomane, dealeuse de débâcles dérapant dans des drames délétères. Un pas en arrière pour échapper au sursaut, il la regarde de haut, abandonnée à la déréliction qui s’associe à la vésanie furieuse. – What the fuck is wrong with you ? Moue écœurée face à la nausée, aucune pitié dans l'regard cendré. – Maybe I am just stupid enough t’ think I can still save you, somehow. Pas encore tout à fait mort, l’amour, étincelle furieuse dans l’fond du cœur voilé d’ombres barbares. Les prunelles cobalt attirées par l’ombre persistante derrière les vitres teintées. - Did you come alone ? Demande-t-il soudainement, les doigts se refermant sur la baguette. Myocarde battant la fureur. Bref ricanement alors qu’il cherche encore une raison à sa venue, qu’il en déduit la suite logique de toutes les cruautés. – Did you come to kill me ? Voix raillarde, déçue, mais pas surprise. Les yeux qui mentent, eux, qui débordent de regrets. Did you come to play with me before putting me down ? Is that warning nothing else than a mindgame ? Why else would you be here ?

Le coeur au bord des lèvres, elle revient peu à peu à elle, et les couleurs commencent à reparaître sur les joues de porcelaine. inhale. exhale. inhale. exhale. you've got this. L'orage passe. Condescendance dans le ton, une moue dégoûtée sur le visage alors qu'il esquisse un mouvement de recul. - what the fuck is wrong with you. Le regard d'acier dépourvu de la moindre trace d'humanité, de la moindre compassion, ce qu'il lui reprochait à peine un instant plus tôt. - nothing. just a bloody mistake. Venimeuse, comme le serpent qu'elle n'est pas, ou peut-être que si? Ces mots qui résonnent, écho assassin, qui lui reviennent au visage comme un boomerang. Et pourtant, l'espoir qui perce, timide, peut-être même vain, d'une rédemption, aussi improbable soit-elle. Fantasmée.
Une fraction de secondes. Un éclair qui ravive, juste le temps d'un clignement des yeux, la vieille flamme, et qui vient souffler sur les braises de ce feu essoufflé. Un soupir à la fois résigné et persifleur, parce que tout n'est qu'une cruelle illusion, sans doute. - Always the idealist/savior...some things don't change. Il n'y a, pour la première fois depuis le début de cet échange, pas d'animosité, une pause, aussi brève soit-elle, dans ce climat alourdi par les tensions, par la menace constante, la mort et la destruction qui rôdent.

Les ombres qui dansent dans le fond des yeux, silhouettes graciles d'un passé qui semblent bien plus lointain qu'il ne l'est; elles se confondent l'espace d'un court moment, à celles qui fondent sur eux au dehors, qui se rapprochent dangereusement. - did you come alone? Elle pivote sur elle-même, la poupée des balkans, alertée par le regard insistant qu'il jette sur les fenêtres teintées du bar, sur le qui-vive. Suspicion dans les prunelles, les nerfs à vif, le coeur qui trébuche, n'arrive plus à suivre entre les espoirs incongrus et la réalité tranchante. - Did you come to kill me? Elle lève les yeux au ciel, la remarque serait presque risible si le contexte ne lui donnait pas un tant soit peu de légitimité. Hypothèse foulée aux pieds, chassée d'un revers de main. - If that was the case, you'd be dead by now. Les bruits dehors, grinçants, des voix qu'on distingue à peine, camouflées, en sourdine, trop lointaines ou trop faibles encore pour être reconnaissables. Elle tend l'oreille, au cas où, sait-on jamais, certaines lui seraient familières. Au cas où, peut-être, ses doutes se verraient confirmés et que les sbires d'Igor l'aient suivie. L'oeil qui se pose sur l'âtre, la cheminée qui semble ne pas avoir été utilisée depuis bien longtemps. - Is this connected to the floo network? Apparition? La voix s'est faite plus feutrée. Please tell me you weren't that stupidly careless...

Bref instant de répit dans la tempête, les âmes qui se câlinent une seconde, le temps d’un souffle, de quelques mots murmurés sur le bord des lèvres éreintées par le venin et la rancœur. Entre eux les années qui se confondent et les sentiments gangrénés par les différences et la rage furieuse qui les unis encore. Il l’aime encore, il l’aimera toujours, la poitrine déchirée, l’cœur sur la table de leurs affronts, sanglant mais aimant, battant au rythme d’une histoire maudite. L’amour qui n’connaît ni la raison ni l’entêtement des crânes qui ne cherchent qu’à se haïr, parce que c’est tellement plus simple de se faire mal, dans leur réalité, que d’essayer de sauver ce qu’il reste de leurs myocardes piétinés. – Always the idealist/savior... some things don't change. Verve calmée dans l’enclave éphémère de leurs déraisons mêlées. – Some of us have to be. Aucune colère, juste l’infâme constat des camps qui s’opposent, de leurs destins qui, se dit-il, s’éloignent à chaque pas, liés sans qu’il ne le sache, le gosse des Midlands, jusqu’à la fin, sangs mêlés d’une nuit d’adieu, promesse grandissante dans le fond du ventre. L’amertume l’étrangle, what have we become ?

- If that was the case, you'd be dead by now. Rire jaune entre les dents serrées, les billes qui roulent vers le plafond, et la bataille qui reprend de plus belle. – I’ve always known you fond of games. Lance-t-il, les nerfs égratignés par l’ironie et les cruelles déductions qui se forment dans l’fond de sa caboche. - Isn’t that what Karkaroffs do ? None of you would have the mercy to end me quickly. Il ne s’embarrasse plus d’illusions, il se doute du sort que serait le sien si Igor savait qu’un né-moldu a osé ternir la pureté de l’ichor bulgare, s’il savait comme il s’est délecté de la peau et des lèvres, enlevant à la princesse de l’est l’innocence qui aurait dû être celle de son défunt mari. Bois tenu entre ses doigts crispés, il se dirige discrètement vers la fenêtre, tente d’apercevoir les importuns. – Those are your brother’s henchmen. Gueules cassées des Balkans, gardes du corps miséreux du roi maudit, l’accent qui frappe contre la vitre. – Is this connected to the floo network? Apparition? Il ne répond que d’un soupir, le regard porté sur l’extérieur. Baguette dirigée vers la serrure, il susurre un sort pour la fermer à double tour, en silence. Le sang qui bat dans les tempes, torrent d’adrénaline qui tape, écho aux cris et à la terreur de ce satané festival. Il se retourne, indiquant d’un vague geste de la main le néant dans l’embrasure d’une porte. – There’s a good ol’ muggle exit at the back. Once outside, you can disapparate. Distance maintenue entre les deux silhouettes essoufflées. Les phalanges blanchies sous l’impétuosité de ses émotions, Rosen ne regarde pas l’ombre d’autrefois, pourtant la chaleur de sa gorge chatouille les doigts violents. – If you’re saying the truth, leave, now. Take ‘em with you. Impassible, manteau d’indifférence dont il se vêtit vivement, pour mieux survivre à son instinct qui le trahit et au bafouement de ses idéaux. Some of us have to be saviors. – Mevlana. L’interpelle-t-il une dernière fois. – Don’t ever come back.

C'est presque étrange, de constater ces quelques instants, sans violence, sans hargne, juste un échange désabusé de deux marionnettes dont les fils se sont emmêlés. La course désordonnée des coeurs qui ne savent plus, galimatias au delà des mots, réduisant l'un et l'autre à une sorte de vésanie dont ils ne peuvent se dépêtrer. L'acrimonie s'est apaisée, l'espace de quelques secondes, elle qui pourtant domine les échange, par vagues, spasmes, convulsions, les seuls vestiges de cet amour dont la puissance n'a pas son égal mais qui, comme le raz-de-marée, détruit tout sur son passage. Déréliction, bilan cruel de quelques moments volés, l'innocence qui s'est asséchée, agonie du coeur. some of us have to be. Un voile dans le fond des yeux, un sursaut fugace de celle qu'elle avait été, dans le creux des nuits partagées. Celle qui voulait croire au ciel, à quelque chose d'inconnu dans les murs froids de la demeure familiale, qu'on avait toujours éradiqué comme une mauvaise herbe, considéré comme une faiblesse, un boulet attaché à la cheville. - none of you would have the mercy to end me quickly. complainte cruelle, condamnant ce coeur calciné, colère chuchotée, capilotade criante cependant, crachée. oh but I would don't you know? - I suppose that's true. Somehow.

Le temps n'est plus au débat, ni aux justifications. Les ombres se dessinent, avec une précision dangereuse. Elles sont quasiment là, sur le pas de cette porte. Ces silhouettes porteuses de mort, les pires éléments de ce monde, les cerbères recrutés parmi la fange de la société bulgare, loyauté à la mort, vouée à celui qui désormais contrôle la dynastie et tisse sa toile sur le sol britannique. - Locking that door won't do anything if they decide to barge in. Sort murmuré, à peine plus haut que le soupir intercepté. L'instinct guerrier se réveille, il y a cette lueur de détermination dans le regard cendré. - Leave now, them 'em with you. Once outside you can disapparate. Acquiescement silencieux pour ne pas donner l'alerte sur l'étrange complicité, duplicité, ironiquement, pour sauver les maigres chances de survie. Baguette fermement en main, un sort qui donne l'illusion de l'explosion, pour maquiller la situation, tour de passe-passe sommaire mais qui devrait suffire à éloigner les charognes, brutes pas vraiment choisies pour leur finesse et leur sens de l'analyse. Le miel de son prénom sur les lèvres de l'ancien amant, que suit le venin amer de ce dernier échange. don't ever come back.

Elle quitte les lieux sans se retourner, et lance dans la langue natale avec cette froideur toute calculée - Great timing as ever. Caustique.  - There's nothing left standing in there. Let's go. Pop. Transplanage le coeur sur le point d'exploser.