Eté qui fout l'camp. Il meurt dans l'oeuf. Jamais installé pour de bon. Foutu climat d'albion. Un pas après l'autre. Recommencer. Le poids, le fait ployer. Courber l'échine. La tourmente qui gronde. Impitoyable. Déchirant les rêves. S'imposant dans les songes. Ces mots ont tourné en boucle, farandole cruelle dans l'esprit incapable de trouver le satisfecit d'un repos dont il manque tant depuis que le hasard les a jetés dans la même arène. Disque rayé, qui rend l'âme, qui crache le même passage, inlassablement, comme une moquerie permanente, qui ne fait que lui rappeler les contours d'un passé dont il ne parvient pas à faire le deuil. Vésanie superfétatoire qui le guette, conjuguée au chaos ambiant, la veulerie de ces fous suprémacistes, mégalomanie qui lui rappelle furieusement et douloureusement les fragments d'une histoire que les siens ont inscrit dans leurs ouvrages scolaires mais qui a la tendance morbide de se répéter.

Cénotaphe d'un temps où tout était plus simple, le crépuscule qui annonce le retour du loup, la bête qui gronde en dedans. Acrimonie tue, la sueur qui perle, l'agitation s'amplifie dans les entrailles où le monstre se débat, réclamant sa libération. Il interrompt le devoir dû, recroquevillé, douleur qui déchire, victime du corps corrompu; mission écourtée, en suspend, l'échec qui le guette et le frustre, moitié d'homme, condition où il est réduit chaque mois.
Les pas l'ont guidé, au hasard de ces plaines qui s'étirent jusqu'au ciel, infinies où sa mission l'avait conduit. Ce n'est pas l'endroit habituel, mais le loup est plus virulent que d'habitude, impatient, son appétit pour le chaos encore plus aiguisé que le mois précédent, féroce, qui détruit à petit feu ce qu'il reste de conscience humaine. Allongé sur le sol, le souffle court, il n'y a plus beaucoup de temps avant d'être totalement relégué au rôle de spectateur, d'invité dans son propre corps.

Il s'éveille à nouveau, aux premières lueurs de l'aube, sans savoir où, ne reconnaissant rien, désorienté. Les souvenirs de la veille sont absents, comme si la mémoire s'était fait la malle, effacée. Il a perdu le fil de sa propre vie, et c'est une sensation à laquelle il ne s'habitue pas. A même le sol, en position foetale, nouveau né dont il n'a plus, depuis longtemps, l'innocence, il ouvre les yeux avec peine.

La lune au dessus de sa tête se moque, pleine, ronde, cristal maudit sur la vaste peinture céleste. Nuit étoilée au cœur du Black Country, entre les collines et les forêts, paysage obscur où les lumières de la modernité ne sont que de lointaines lucioles sur la ligne de l’horizon. Il court, Astor, à perdre haleine. Entre les racines et les branches, il se trouve désespérément lent alors qu’un hurlement déchire la quiétude des bois derrière lui. La vésanie de la bête en furie lancée à sa poursuite teinte ses jurons d’une violente acrimonie, il sent les doigts boisés s’accrocher à ses vêtements, égratigner sa peau comme si la forêt toute entière se rangeait aux côtés du prédateur. Il file entre les troncs, à bout de souffle, trébuchant sur les aspérités du sol. Déconcertante déréliction alors que le loup l’envoie valser à plusieurs reprises parmi les bois morts et, enfin, entre les jambes figées d’un arbre trois fois centenaires. Les contours de la sombre fourrure se dessinent en une ombre plus noire que la nuit. Astor est à la fois pris au piège et protégé entre les tubercules du chêne, il se redresse sur ses coudes, l’regard planté dans celui de l’animal.

L’instinct lui dit. Ruben. Alors peut-être qu’il se trompe, peut-être qu’il risque sa peau pour rien, mais le risque est trop grand. Si l’ancien amant est prisonnier dans la pénombre qui lui fait face, il ne peut pas le laisser retourner vers le campement, trop de vies sont en jeu, y compris la sienne. It’s you, isn’t it ? Un coup de griffes enragé au travers des barreaux de l’immense souche effleure son flanc et son visage, traçant sur l’épiderme basané les éclats de sa frustration. Le voyant refuse de voir dans cet instant la fin de la route, qu’importe ce qu’en dise les cartes. – This ain’t the way I’m going to die. Siffle-t-il entre ses dents serrées. Sort jeté à bout de main, la baguette abandonnée sur la table près de la cheminée ne lui manque pas, Astor immobilise son poursuivant, juste assez longtemps pour reprendre sa course, la vision floutée de carmin.

Il boue, Astor. Installé sur un cadavre d’ébène. Les coudes sur les genoux. Il attend que Ruben s’éveille. Il l’a cherché dès l’aube. Aussitôt la lune chassée. L’cœur vacille entre les émotions. Colère et soulagement. Pitié et crainte. L’amour et l’opprobre. Désolation déroutante du damné dormant. Humanité à fleur de peau. Fragile et rosée, démon sommeillant. La mâchoire crispée se défait aux premiers étirements du soleil. Si seulement il se tenait sur ses deux pieds, si seulement il était debout, Astor le cognerait. D’être venu si près des siens, menace pour les gosses mafflus jouant entre les caravanes, pour les anciens jouant de la guitare auprès du feu, danger pour lui-même, face à l’ardente magie de son peuple, le loup n’aurait pu que courber l’échine, mourir surement. Il lui lance du linge propre. – What the hell, Ruben ? Do you even realise the danger you’ve put my family in ? And yourself ? I could have killed you. Faire de cette forêt son ultime lieu de repos, transformer la canopée en cénotaphe de son esprit égaré.

Il est tombé à genoux, Ruben, parce que le loup était devenu trop féroce, trop fort, déchirant les entrailles qui le maintiennent emprisonné le reste du temps, les quelques vingt-huit ou vingt-neuf autres jours du mois. Pris au piège, pris de court, il s'est laissé tombé dans l'herbe la fraîcheur de ce manteau de nature contrastant avec la chaleur presque suffocante, apaisant timidement la sensation d'avoir la peau en feu. Les yeux injectés de sang, alors que la lune poursuivait son ascension, astre qui méprisait son sujet, vermine misérable, agrippant avec toutes les forces du désespoir le tapis vert de nature, la terre qui s'infiltre partout, sous les ongles tandis que les premiers signes de la transformation se manifestent, qui débute de plus en plus rapidement, et pour laquelle il n'est jamais tout à fait prêt. Elles ruissellent sur le visage tacheté de soleil, ces larmes d'impuissance et de frustration, le visage crispé de douleur sous les assauts de la bestialité en dedans, il ne reste plus grand chose du jeune homme insouciant et fier, plus qu'un reste lamentable d'être vivant, à moitié humain à moitié monstre, qui lutte avec acharnement contre un adversaire bien plus fort que lui.

Combien d'heures se sont écoulées, quelles sortes de monstruosité se sont jouées sous l'oeil torve de Sélène, pendant qu'elle laissait son emprise animale écorcher un peu plus l'âme, la dépeçant de son humanité, de ce qui la rendait aussi ardente qu'un soleil, brûlante comme la flamme de cette jeunesse fougueuse qu'elle semble avoir happé.

Au petit matin, frissonnant, l'humain reprend ses droits. Désorienté, il lui faut quelques instants pour retrouver ses esprits, comprendre où il se trouve malgré la mémoire en lambeaux. Les pièces du puzzle ne se raccordent qu'approximativement encore, et la voix qui s'élève, ô combien familière, n'arrange rien au flot incohérent de pensées qui le submergent. - What? what do you mean? Il se redresse et attrape sans sourciller le linge propre, qui sont bien peu de choses sans une douche qui ne serait vraiment pas du luxe, mais mieux que rien pour récupérer un semblant de dignité. Il lit l'opprobre dans le regard de l'ancien amant, l'oeil brillant de colère, et le visage écorché, zébré d'une longue griffure, et son rythme cardiaque s'affole, Ruben. Il a peur de comprendre, il ne veut pas imaginer ce qui se dessine sous ses yeux effarés, catastrophés. Les mots d'Astor sont lointains I could have killed you.. camouflés par une douleur d'un tout autre genre, qui gronde au fond du coeur et lui coupe presque le souffle. - No, YOU don't understand. I could have killed you, it's a miracle that I haven't. La situation s'éclaircit, mais elle est une chape de plomb dans les entrailles du lion. - Have I.. Il n'ose pas prononcer les mots. killed. Le prédateur a-t-il fauché des âmes innocentes? - Have I killed anyone? Est-il celui qui a balafré ce visage tant aimé? Il déglutit avec peine, le poids des questions dont il n'ose pas entendre la terrible réponse. - I suppose I did this...? La voix se brise.

Avec le temps va, tout s’en va… des conneries, des illusions, des mensonges qu’on se raconte en espérant qu’on finira par les croire. Astor sait, il a tenté, pendant si longtemps, si fort, avec une telle détermination, il s’est conté tant d’histoires, tant de raisons, il y a presque cru, pour un temps, avant que la réalité ne revienne, violente, insatiable, toujours avare de se faire douloureuse. Astor a essayé, tous les jours depuis dix ans, de ne pas penser à Ruben, de se défaire de la mémoire d’un amour qu’il pensait capable de tout affronter. Il n’avait pas tort, au fond, ce putain d’amour, il a bravé l’épreuve du temps, il le dévore encore, pis, il le consume rien qu’à la vision de l’ancien amant, il le veut, encore et toujours, tellement, malgré les années, malgré la malédiction, malgré ses fiançailles. Il le veut, à jamais, aussi longtemps que possible. Il l’aime, même là, même misérable après la nuit, même à deux doigts de l’frapper, même sur le point de le maudire, un peu plus qu’il en l’est déjà.

What do you mean ? – What do I mean ? Réponse fulgurante, colère lancinante sous le couvert de son calme vipérin, le ton est tranchant, ravageur, les poings se serrent alors qu’il fait quelques pas en sa direction, retenant la furie, sauvant de ce qu’il reste de sa raison après une nuit de cauchemars. – You turned trees away from my bloody camp ! Hurle-t-il finalement, rage et désordre dégringolant le long de ses émotions, incapable de se contenir, relâchant des éclats qui brisent les branches et font trembler la terre autour d’eux, toute sa magie vibrante, vivante, la connection de son peuple à la nature comme conduit pour exprimer sa frustration et son courroux. – What the fuck were you thinking ? You may hate me for what I did but it’s no reason to put my family in danger ! Il voit bien l’incompréhension sur l’visage de son soleil, il comprend bien qu’il ne sait pas, il entend la voix qui se brise et la crainte qui teinte ses prunelles. I could have killed you. – Oh Ruben, a werewolf ain’t gonna be the end of me. Cryptique, un rire noir dans la gorge, il ne le lâche pas du regard, ne voyant plus le loup, juste l’homme et sa détresse, son Ruben, qui ne mérite pas ça, qui ne mérite rien de tout ça.

Il dit ça, Astor, mais il ne sait pas, la griffure qui lui barre le visage n’est peut-être qu’un avant goût de sa propre mort. Seul, terrifié, scarifié et dévoré par son seul amour. Foutue tragédie, putain de destinée. – Have I killed anyone ? Ruben, son Ruben, si terriblement humain, qui s’inquiète des horreurs avant son propre bien, qui se demande, qui ne pourrait pas supporter d’avoir ôté une vie. Le serpent retrouve son calme, apaisé par la lumière, tremblant de fureur mais capable de garder en lui les ondes destructrices qui se nourrissent de sa rogne. – You haven’t. Lâche-t-il. – I made sure you didn’t.

La fissure dans la voix lui fend l’cœur. - I suppose I did this...? Il acquiesce, le moindre mouvement tordant ses lippes de douleur. La balafre soudain le brûle, presque coupable de la peine infligée, pas sur la peau mais les yeux du lion. Il ne voit qu’ça, Astor, le mal que ça lui fait, de l’avoir blessé et l’espace d’un instant il cherche dans le regard de Ruben, il plonge dans le grand bleu, à la recherche de l’espoir, de ces riens qui forment des tout, de cette promesse prononcée à voix basse, entre l’enfance et l’infinie, là où l’on croit encore aux conclusions heureuses, aux histoires qui finissent bien.

You still care, don’t you ?

Il n'aurait jamais pensé en arriver là, scénario tant redouté qui hantait ses cauchemars et le ramenaient invariablement à cette nuit tragique où tout avait basculé. Ça devait finir par arriver, malgré toutes les précautions, malgré toutes les mesures qu'il avait pu prendre pour mettre le plus de distance possible entre lui et toute forme de civilisation lors de ces maudites nuits de pleine lune. Il savait, qu'un jour, la situation allait finir par lui échapper, qu'il ne pourrait pas tout contrôler. - you turned trees away from my bloody camp. La colère dans la voix du soldat de bronze, la rage qui éclate, qui pulse dans les veines, presque visible, palpable, et tellement justifiée, il n'a aucune échappatoire, aucune circonstance atténuante. La magie vibre avec les éléments, fureur qui peine à être contenue et qui se manifeste par tous les biais qui s'offrent à elle. - I'm sorry. more than i can say... Le coeur qui se contracte si vivement, douloureusement à la pensée terrible d'avoir causé la désolation et la mort dans son sillage, malédiction absolue, le montre qui prend le pas sur l'humain.

D'abord, pris dans le tourbillon de sa culpabilité, compagne qui l'étouffe et pèse sur ses épaules comme il ne l'aurait jamais cru possible, il n'entend pas les paroles rédemptrices, celles qui apaisent, le baume sur les maux d'une âme déjà morcelée plus que de raison, bien trop abîmée pour le peu d'années qu'il affiche au compteur. - Wait, you think this was retribution...? Il rit jaune, et la colère se mêle à l'amertume, aux regrets qui s'amoncellent au fond, dans les tréfonds de l'être et enchaînent le coeur. - For real? Do you not know me at all? Low blow... se dit-il, mais au fond, peut-il vraiment en vouloir à Astor, à sa colère qui le fait divaguer, la peur, l'angoisse qui se sont succédées durant ces longues heures infernales. Les épaules voutées, il semble avoir pris dix ans de plus, comme si chaque année qui passe comptait double. Et puis le soulagement, partiel, d'apprendre que personne n'est mort par sa faute. Il respire déjà mieux, Ruben. - I made sure you didn't. Il ignore comment, la mémoire défaille, aux abonnées absents à chaque réveil, mais peu lui importe au fond, tant que le pire a pu être évité. - Good. il a la bouche sèche, le corps en feu, peinant encore à accuser le coup de la transformation. Son regard d'azur, voilé de mélancolie et de douleur, constatant l'oeuvre maudite du loup, sur les traits de son Adonis, la balafre qui lui rappellera à jamais sa monstruosité. - Let me fix this at least... Suggère-t-il dans un souffle, incapable de se détacher de l'horreur, s'accablant de voir encore et encore, ce qu'il a fait, la destruction qui lui colle à la peau.

Ressentiments retentissants sous les ombres du petit matin, ça boue d’une colère qui n’a plus de nom, ça se défend contre les griffes du destin, ça s’oublie aussi, entre les rancoeurs dégueulasses et les souvenirs d’ailleurs, d’avant, quand ils se retrouvaient dans d’autres bois, dans les bras ouverts d’une jeunesse émerveillée de se découvrir autant capable d’aimer, de se réconforter. Ça explose tout autour d’eux, le gâchis et l’abandon, toutes ces années perdues pour rien, ça l’bouffe, Astor, et sa rage est mal placée, elle ne lui appartient pas, elle n’est pas contre Ruben non plus, elle est envers les cartes et ce don qui l’aveugle plus qu’il ne lui offre l’avenir. Maudit jusqu’à la moelle, dévoré par sa propre connerie, par les fantômes de ses propres regrets. L’alliance à son doigt comme une corde autour de son cou, exsangue de s’être enchaîné à une vie qui ne lui va pas, avec les belles excuses de la loyauté et le devoir envers les siens. Faussement égoïste, Astor, dans son costume d’assurance, il sait bien qu’il s’est dressé de tous ces faux prétextes pour éviter la faucheuse, sauf qu’elle est patiente, qu’elle l’attend, et qu’elle s’est alliée au sort pour que son chemin recroise celui de Ruben.

Il s’en fout de la balafre qui lui fend la face. Ce n’est pas cher payé, dans le jardin des coeurs brisés. Il le mérite bien, après tout, après tous ses mensonges, toutes ses esquives. - For real, do you not know me at all ? Il ricane, doux face à l’amertume de l’aimé. - I know you, Ruben. Murmure-t-il, it’s the beast inside of you I don’t trust. Parce qu’il sait, comme le monstre en dedans égratigne l’humanité, comme l’instinct primaire cherche à se repaître de sang, comme il fait du bien de se complaire dans l’horreur quand le reste fait mal. C’est dans ces recoins qu’il se réfugie, Astor, qu’il goûte à l’infâme nature du genre humain, qu’il enferme les injustices de son adolescence, c’est là qu’il cache les fissures d’une histoire jamais vaincue par la détresse et la fureur du temps qui passe. C’est comme ça qu’il survit, l’enfant des routes, qu’il embrasse la violence et l’épouvante. La gorge se serre. - I gave it a whole lot of good reasons to hate me.

Il le laisse s’approcher, contenant le réflexe qui lui tend tous les muscles, cette petite voix qui lui hurle de s’en aller, sans se retourner, filer dans ce qu'il reste de la nuit comme il a filé dans leurs vies, dix ans plus tôt. - Let me fix this at least… La magie délicate enveloppe ses traits défigurés par la bête, la blessure jusqu’alors engourdie se réveille ça et là, lui arrache une grimace de douleur, il étouffe un juron sur le bord de ses lèvres. - Sure you’re doing that right ? Healing magic shouldn’t hurt like that. Et pendant une seconde, il a de nouveau seize ans et l’acrimonie se tâche de la chamailleries de leur adolescence, elle se fond sous la masse des mémoires heureuses, des instants volés. Les terreurs nocturnes sont balayées par les opales bercées de douceur, la chaleur de son soleil à portée de bras. Il se redresse, le bohémien, et ses doigts sur posent sur la joue de son autre. - I missed you.

Il lui en a voulu, il s'est accroché à cette rancoeur, au ressentiment, parce que c'était plus facile, d'être en colère, de blâmer. Il s'est accroché à l'idée de le haïr, le détester pour avoir détruit ce petit monde qu'ils s'étaient construits, ces rêves qui ne pourraient jamais devenir réalité. Et pourtant, il n'y arrivait jamais. Il n'arrivait pas à le détester complètement. Astor. Dont le prénom avait encore un goût de trop peu sur ses lèvres, toujours un peu là, sur le bout de la langue, impossible à effacer. Astor, dont les traits hantaient toujours ses pensées, ses songes, logé dans le coeur, comme une balle qui détruit mais qui cause encore plus de dégâts si on la retire. Astor. En face de lui à présent, si près, et à la fois si loin. Astor qui a mêlé son destin à une autre, et lui qui s'apprête à faire de même, parce que le monde ne prévoit rien pour les histoires comme la leur. Il n'y a pas d'issue possible. - It's the beast inside of you I don't trust. Lui non plus, il n'a aucune confiance dans cette monstruosité au fond des entrailles, qui déchire l'humain, toute conscience envolée, dépecée sous les griffes d'acier. - fair enough.

Les muscles qui se tendent, il a senti, comme un vestige de ce vieux réflexe de fuir d'abord. Pourtant, il est toujours là, dans la brume du petit matin, décor de nature, qui accueille une fois de plus, les retrouvailles dictées par un destin moqueur. - I gave it a whole lot of good reasons to hate me. Il laisse un ricanement échapper. - yeah, you did pretty well... confirme-t-il, sans reprendre l'allusion à la bête. but i can never hate you... Il voudrait dire ces mots à voix haute, mais ils restent coincés dans sa gorge. Concentré sur le sort, dont il murmure la formule, comme un aveu d'amour éternel. Il apprend encore, les traits, changés sans avoir complètement perdu les contours d'autrefois. Plus de gravité dans le regard qui se veut plus rieur, plus mutin. Avoir encore un peu seize ans, juste l'espace de quelques moments volés. - sure you doing that right? Healing magic shouldn't hurt like that... Il l'a déjà éprouvé, ce sort, il pourrait le lancer les yeux fermés, mais la moquerie prend le pas sur le sérieux. - Well, i guess you'l find out soon enough. Scars are sexy anyway so quit complaining.

Se laisser aller à l'apesanteur, juste un peu, oublier toute la noirceur de cette réalité qui les écrase, qui broie toute possibilité d'être eux, de s'aimer sans se cacher. Il saisit cette opportunité à deux mains, qui sait si elle se présentera encore, alors pour une fois, il n'y a plus de doutes, plus de questions ni de présages, plus de monstre et plus de lâcheté. - oh my love... Sa baguette abaissée, le regard plongé dans les opales de son prince des grands chemins, il capture les lèvres, avec cette ferveur urgente, brûlante et désespérée, mêlée de ce relent d'anxiété adolescente. I miss you all the time