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no one will win this time (oreste) | | |
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| Sujet: Re: no one will win this time (oreste) Mar 8 Sep - 15:20 | |
| Battre à la loyale, qu’il dit – et Erzsi songe un instant à tout ce qu’il lui avait volé. Sûrement qu’il l’avait mérité, le talent courant dans son sang comme s’il était né pour ça, mais il y avait quelque chose d’amer à voir Oreste rafler toutes les victoires, à se voir nommé capitaine alors qu’Erzsi en avait fait son ambition de plomb. Ç’aurait presque été un détail si Oreste n’avait pas reproduit son palmarès à la lettre près, capitaine des Puddlemere quand Erzsi ne désirait que cet honneur. Mais tant pis, qu’elle se dit, au moins elle n’avait pas à faire directement face à ses échecs, les voir impacter chaque autre joueur comme une peste impossible à guérir ou arrêter. Elle était batteuse, simplement batteuse, écoutait les ordres et les stratégies, n’avait pas plus de rôle dans les défaites que ses coéquipiers. On aurait pu dire que c’était la faute d’Oreste, mais peu importe les moqueries qu’elle lui crachait, elle refusait de le croire, persuadée que ce qui se niche dans sa poitrine est du talent pur, celui-là même qu’on ne voit qu’une fois dans sa vie. Pourtant, sans savoir pourquoi, il avait anéanti l’estime qu’elle avait pour elle-même, la gosse persuadée qu’elle ne mériterait jamais rien de plus que le poste de suiveuse obéissante. Elle aurait voulu pouvoir prouver à ses parents qu’elle en était capable.
« Tu dis ça comme si ça aurait été facile. Tu crois vraiment que je suis si stupide ? Que tu es... si charmant que ça ? » Oh oui. Oh oui qu’elle l’est, le regard brillant quand c’est Oreste qui la regarde, parce que lorsqu’il est là elle se sent plus vivante qu’avant. On en deviendrait accro, à cette sensation inexplicable, et sans doute qu’elle l’est au fond – ça fait bien vingt ans qu’elle se coltine ces coups dans le cœur, ces battements frénétiques quand elle prononce le nom d’Oreste. C’est presque un miracle qu’elle ait tenu aussi longtemps, qu’elle n’ait jamais cherché à bousiller ce qu’ils avaient pour s’assurer d’être tranquille. Combien de fois elle n’avait eu que lui à la bouche alors que quelqu’un d’autre l’embrassait ? Et elle, fourmillant de rage chaque fois qu’une fille s’accrochait au bras satisfait d’Oreste. Elle aurait voulu qu’il reste seul toute sa vie, pour pouvoir l’admirer sans avoir à bouillir de colère, sans avoir à craindre pour la minuscule place qu’elle tient dans sa vie de gagnant. Qu’est-ce qu’elle peut bien avoir comme importance, vu de loin ? « Non, tu peux toujours rêver. » Et elle dit comme ça si elle y croyait, pauvre petite.
Et il se penche. Attrape son attention sans le moindre mal, la captive sans avoir à faire le moindre effort. Elle l’écoute sans bouger, la musique presque tue tant ses mots sont précieux, pourvu qu’ils soient doux. « Si », qu’elle lâche sans réaliser. Elle est comme hypnotisée tant elle ne voit que lui, les pensées brouillon, incapable de se souvenir de ce qu’elle aurait voulu faire s’il ne lui avait pas soufflé l’idée en premier. « Oui, faisons ça », qu’elle répète en jetant un coup d’œil à la banquette sur laquelle traîne encore sa veste. Un instant elle hésite, refuse de s’éloigner de lui avant qu’il ne le fasse, mais sa poitrine brûle d’un feu aussi satisfait que flatté – qu’il s’en aille avec elle plutôt qu’une autre, plutôt que seul. Il aurait bien pu l’abandonner en disant que c’en était assez, qu’il avait assez bu, assez dansé, que maintenant tout ce qu’il désirait était la chaleur sereine de son chez lui. Mais non, il l’invitait presque à poursuivre cette soirée surréaliste, et si la brutalité du lendemain l’inquiétait, elle n’allait pas dire non. Demain, qu’en seraient-ils ? La regarderait-il toujours comme il semble presque le faire là, dans la pénombre rassurante du pub ? Où vaquerait-il à ses occupations, entraînement des plus sérieux, sans un coup d’œil pour Erzsi alors qu’elle n’attend que ça ?
Elle se détache parce qu’elle a peur de ne jamais le faire, et que l’urgence qui traînerait presque dans la voix d’Oreste lui intime qu’elle n’aura qu’une chance dans le suivre. Alors elle attrape sa veste, hésite une seconde, puis attrape son verre, en vide le contenu, et après un coup d’œil nerveux dans la direction d’Oreste qui se prépare à partir, descend le deuxième dans un souffle satisfait. Au moins elle n’aura pas payé pour rien – et au moins elle flottera presque, loin de toute réalité, l’alcool pompé dans ses veines comme de l’adrénaline liquide. La pinte d’Oreste est encore à moitié pleine, mais peu importe – et elle se rue vers le bar pour payer avant qu’il ne soit trop tard.
« On doit partir, maintenant », qu’elle intime quand le barman se penche au-dessus du comptoir pour mieux l’entendre. De la poche arrière de son jean elle sort un peu d’argent moldu, puis le glisse jusqu’à lui en espérant qu’Oreste n’en voie pas une miette. « Est-ce que tu peux nous donner une bouteille ? C’est compris dans le prix » qu’elle lui prierait presque en faisant la moue, parce qu’elle n’a pas envie de faire la tournée des bars, et qu’elle est encore trop sobre à son goût, surtout si elle veut oublier à quel point il était naturel, et rassurant, et bon de le sentir tout contre elle au milieu de la piste de danse. Non, il faut qu’elle oublie, que demain soit un autre jour car elle sait qu’Oreste en fera de même. Qu’il en a peut-être même déjà fait.
Le barman compte son argent à l’abri des regards, fait les calculs qui lui sont sans effort ; et juge ce qu’elle mérite par ce qui est en trop. Et lorsqu’il sort une bouteille de vin elle sent bien qu’il a été plus généreux qu’il n’aurait dû, qu’elle ne le mérite. Elle tend le bras pour l’attraper, le bouchon déjà remplacé par quelque chose de facilement amovible, bouteille encore pleine et intacte pour leur bon plaisir. Ses joues se couvrent d’une couleur entre la gêne et l’agréable, puis elle se hisse de ses deux mains sur le comptoir pour se donner un dernier élan de hauteur et planter ses lèvres sur la joue du vieillard, un merci comme elle lui en fait souvent, et qu’il mérite amplement. « Je te revaudrai ça », qu’elle promet avant d’attraper la bouteille et de s’en aller, cherchant Oreste parmi les corps inconnus.
Sans trop comprendre pourquoi, ses sourcils se froncent et elle sent que quelque chose ne va pas. Oreste n’est plus là, et elle se demande dans un souffle de panique s’il ne l’a pas simplement plantée là, toute seule, sans dire au revoir. Et ce serait bien typique d’eux, de faire ça, mais ce soir, ce soir-là, alors qu’ils semblaient braver tous les interdits posés entre eux deux, elle se serait attendue à ce qu’il se montre différent, à ce que les règles habituelles ne s’appliquent pas, tant que le soleil dormirait. Ses épaules se lâchent dans une déception qu’elle contient à peine, et elle fait son chemin jusqu’à l’entrée pour quitter le pub, bien décidée à rentrer chez elle et vider cette bouteille.
Et pourtant, il est là. Dehors, juste dehors, comme s’il l’avait attendue là en comptant les secondes, comme s’il avait refusé de mettre fin à cette aventure interdite dont ils repoussent sans cesse les limites. Son sourire lui étire les lèvres, parce que c’est comme si elle le voyait pour la première fois, Erzsi détestant à quel point le trouver la rassure. Elle aurait survécu sans mal de se voir abandonner sans préavis, mais se voir prouver qu’elle a tort, elle n’aurait pas cru dire ça : il n’y avait rien de mieux.
Elle s’approche de lui, un peu trop proche pour tout l’espace qu’ils ont maintenant, mais égoïstement elle refuse de retourner à cette distanciation froide et injuste qu’ils s’imposent de peur de se faire tenter. Trop proche pour ce qu’elle est, une ennemie, une compagne de beuverie d’un soir ; mais peu importe. Elle lui offre la bouteille et profite de sa main libre pour enfiler sa veste, et remarque à peine quand la porte claque une fois de plus, l’inconnu s’approchant d’eux d’une manière qui lui déplaît. Tout ce qu’elle veut, c’est qu’Oreste l’amène quelque part, quelque part où ils seraient tous les deux, où leurs cœurs auraient le loisir de battre sans avoir peur des regards qui jugeraient leur faiblesse. Quelque part où elle pourrait faire semblant que, le temps d’une nuit, tout ça est vrai.
Mais le type s’approche et il est tout sauf sobre, et sans même réfléchir elle lui bloque la route devant Oreste, bouclier inutile mais déterminé, ses sourcils froncés parce qu’elle sait qu’elle ne va pas aimer cette rencontre. Des hommes ivres elle en a trop vus, ceux qui errent seuls sont les pires – alors elle attrape la main d’Oreste sans se douter des conséquences, parce que marcher ne suffirait pas, parce que ces hommes-là sont les plus tenaces. « Viens avec moi. » Elle l’attire sur le côté du bar, à l’ombre des regards, et le temps que l’inconnu les rejoigne en titubant, son verre tenu loin devant lui comme s’il essayait de les rattraper, eux deux ont disparu.
Le transplanage est immédiat, et lorsqu’elle rouvre les yeux ils sont ailleurs. A peine ouverts qu’elle les referme à nouveau, un rire nerveux secouant sa poitrine. Qu’est-ce qu’elle est stupide. Et qu’est-ce qu’il va l’emmerder, avec ça, ne la laissera jamais oublier que c’est là qu’elle l’a emmené alors que le reste du monde était à eux. De tous les endroits possibles, il fallait qu’elle atterrisse là.
Dans l’urgence elle ne s’était pas concentrée, pas assez, et par réflexe elle était apparue dans l’ombre de la ruelle, celle juste à côté de son appartement. Là, un étage au-dessus, se trouvait son chez elle, celui-là même qu’Oreste n’avait pas vu une seule fois. Elle pouvait encore prétendre qu’il n’y avait rien à voir ici, mais quelque chose se tourne dans son estomac, dangereux dilemme qui la laisse silencieuse, maintenant que le whiskey la prend si fort qu’elle peine à réfléchir. Sans doute que finir ces verres avant de partir n’était pas très sage, mais déjà elle explose de rire, tirée toujours un peu plus vers cette ivresse joyeuse et insouciante qui la rend immature et irréfléchie, tout beaucoup plus simple quand le monde est dénué de contours, de logique, de ‘mais’. Tant pis. Tant pis. Soudain elle réalise qu’elle tient encore sa main, volée sans permission pour mieux l’attirer dans la pénombre, pour mieux déguerpir comme des voleurs. Ses doigts quittent les siens et elle cherche une parade, comme pour convaincre Oreste que ça n’est pas réellement arrivé.
Elle s’écrase contre le mur derrière elle, croise les bras sur sa poitrine comme pour lui dire : voilà, c’est là que tu réalises que je n’en vaux pas la peine. Là que tu peux dire non, là que tu rentres chez toi, parce que tu ne joues pas si bien la comédie – une réalité inversée pour Erzsi, persuadée qu’il ne fait ça que pour s’amuser. Si elle savait – si elle savait. « Et ben, voilà. C’est chez moi. » Ses lèvres s’étirent à nouveau, parce qu’elle se déteste d’avoir inconsciemment amené Oreste là où il ne fallait pas. Elle attend les moqueries d’ici, se prépare psychologiquement, le rire si facile depuis qu’elle flotte d’ivresse qu’au fond peu lui importe. |
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| Sujet: Re: no one will win this time (oreste) Mar 8 Sep - 16:04 | |
| no one will win this time I'm having a panic attack you inconsiderate ass. ◊ ◊ ◊ Tout s’enchaine. Cheminement d’actions et de péripéties qui donnent l’impression de se passer dans le désordre ; et pourtant l’horloge du monde tourne encore dans le bon sens. Les aiguilles esquissent leurs tics et leurs tacs, mais ce sont les tambours du danger qui cognent plus fort. Il a la tête qui tourne, la tête qui est lourde - il s’est échappé. Il n’a pas vraiment réfléchi, a laissé l’instinct de survie parler, aussitôt qu’il a vu la silhouette longiligne du moldu un peu trop s’approcher. Il n’a pas eu le temps de dire à Erzsi qu’il allait l’attendre dehors - il l’a juste fait. Il a espéré se réfugier en s’éloignant de la foule, en retrouvant l’air londonien, si humide en ce milieu de nuit. Les étoiles se cachent derrière les voiles de pollution qui se mêlent aux nuages gris ; il va peut-être pleuvoir. Comme il pleut souvent, ici, de toute façon. Il aurait bien besoin d’une averse, d’une tempête, pour s’accorder à la tornade qui remue tout dans son ventre. Il fixe le sol, tandis qu’il patiente. Sa jambe s’agite avec une drôle de nervosité alors qu’il commence à craindre de voir l’inconnu le rejoindre ici ; lorsque la porte s’ouvre, il ose sursauter. Mais c’est elle. Et c’est elle qui le sauve ensuite, quand ce qu’il espérait ne pas voir se produire a manqué de lui arriver - elle a lu le danger, elle aussi. Pour d’autres raisons, certainement, mais elle se fait chevaleresque lorsqu’elle le tire plus loin.
Il soupire de soulagement. Mais il ne sait pas si c’est parce qu’il est hors de portée de la rupture de son secret, ou parce qu’elle glisse ses doigts entre les siens. Ils basculent d’une réalité à l’immatérialité le temps d’un voyage. Désorienté, et l’effet de l’alcool jouant de sa capacité à d’habitude bien supporter les tourbillons du transplanage, il se drape d’une grimace, signe d’une légère sensation de malaise. C’est pour ça qu’il ne comprend pas pourquoi elle rit, d’abord - il n’a pas pris le temps de regarder où ils ont atterri. Il n’a même pas songé à rouvrir correctement les yeux. Il le fait quand il se rend compte qu’ils se tenaient encore la main. Il s’en aperçoit, parce que l’absence de contact est soudain. Comme s' il lui avait suffi de simplement quelques secondes pour s’habituer à sa chaleur, à la caresse de sa peau contre la sienne ; que c’est finalement son envolée, qui paraît anormale. Et ça l’effraie. Parce qu’il suffit de peu, finalement, pour que tout son corps accepte la proximité. Et s’y attache tellement qu’il a mal à l’idée d’être arraché à sa tendresse.
Ils sont chez elle. Et c’est pour ça qu’elle rit, pour ça qu’elle se moque. De lui, d’elle, de la situation - il ne sait pas trop, et il s’en fiche. Mais il reconnait dans sa façon d’harmoniser son hilarité à la sienne qu’il y a quelque chose de cruellement comique là-dedans. Ils avaient le monde rien que pour eux, un planisphère entier de possibilités. Mais ils ont atterri ici. Alors qu’ils auraient pu être ailleurs. « Laisse-moi deviner. Ce n’est pas du tout ce que je crois, je ne dois pas me faire d’idée, et c’est juste une coïncidence ? Un choix de dernière minute ? » Il la taquine. Parce qu’elle a l’air tellement vulnérable, dans cet état. Un peu titubante, elle aussi, à ainsi s’appuyer sur le premier mur qui se dresse à ses côtés. Il hausse les épaules, l’air nonchalant, avant de chiper la bouteille qu’elle a récupérée. Du vin, en plus. Aussi rouge que l’est son sang qui tourne à l’ethanol. Il ricane à son tour, secouant la tête. « Et en plus avec un grand cru. On dirait presque tu c’était planifié, finalement. » Mais il ne fait pas le difficile. Et au fond, quelle importance - ils oublieront. Ça ne compte pas. Peut-être qu’ils jouent même encore, à ce moment-là ; que dans quelques instants, elle le défiera. Et ainsi se poursuivra cette soirée, dans le silence d’un appartement que seules leurs présences et leurs émotions tues viendront animer.
Il s’avance. De haut en bas, il jauge le bâtiment. Ça a l’air plus luxueux que l’appartement qu’il habite au chemin de traverse - il se demande à quoi ça peut bien ressembler, derrière ces fenêtres. Si elle aime décorer son univers, la batteuse. S’il trouvera chez elle ce qui manque à ses mensonges. La curiosité prend le pas sur la surprise, et finalement, Oreste s’impatiente. Il lève les yeux un peu plus haut, vers le ciel couvert - il trouve une excuse parmi les étoiles. « La moindre des choses, ce serait au moins de m’inviter à entrer. Surtout qu’on dirait qu’il va pleuvoir. » L’orage qui se prépare. Et il n’est pas suffisamment ivre, pas suffisamment bon à jeter. Il a encore tout le reste d’une nuit pour se détruire - et il préfère le faire à ses côtés. « Tu n’es pas suffisamment cruelle pour me claquer la porte au nez, quand même. » Même si elle l’est assez pour paraître aussi belle. @erzsi székely (c) oxymort
Dernière édition par Oreste Wood le Mar 8 Sep - 19:50, édité 1 fois |
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| Sujet: Re: no one will win this time (oreste) Mar 8 Sep - 19:12 | |
| Erzsi hausse les épaules, parce qu’elle n’a pas vraiment d’excuse. « Avec ce type qui semblait prêt à nous accoster, j’ai pas vraiment réfléchi. Il nous aurait pas lâchés de la soirée. » Et elle, elle voulait être seule, avec lui. « J’ai pas forcément une bonne expérience avec les types dans son genre. » Ceux qui ne font pas les choses par audace, par envie de jouer avec la flamme pour voir jusqu’où ils peuvent aller sans se brûler – mais ceux qui font les choses parce qu’ils sont sans gêne, parce qu’ils pensent que tout est permis et qu’ils en ont bien le droit après tout. Se défendre sans utiliser la magie a toujours été pénible, même avec une force comme la sienne. Souvent c’était sortir des conversations, le plus dur ; persuader qu’il faut y couper court, que c’est vain, que chacun devrait reprendre sa route. Il en faut toujours. « Alors non, excuse-moi, j’ai pas eu le temps de me creuser la tête pour trouver un bon endroit. A moins que tu aurais voulu qu’il nous voie transplaner ? On aurait eu bien des ennuis. » Comme toujours – gosses qui n’ont jamais pris le temps de grandir. La seule prudence qui les intéresse encore est celle qu’ils n’ont pas le choix d’avoir, cette ligne bien définie entre leur monde et celui des autres, là où la magie cesse d’exister et devient dangereuse.
« En plus, tu m’as dit de prendre à boire. J’ai pris à boire. » Elle montre la bouteille d’un geste maladroit de la main, sentant déjà l’alcool prendre possession de ses membres. Rien n’est aussi net qu’elle l’aurait voulu, aussi précis. Oreste demande à entrer, demande refuge dans ce foyer où Erzsi ne l’a encore jamais invité, prétend qu’elle est trop bonne pour le laisser dans cette ruelle et le laisser se débrouiller. Et au fond il pourrait bien, ça ne prendrait qu’une seconde pour lui de retrouver son chez lui, de continuer son chemin comme si rien n’était arrivé, que rien n’arrivait là, tout de suite. Mais il demande tout de même, comme s’il en avait envie. Comme s’ils l’avait trop attendu. Quelque chose se creuse au fond de ses tripes, à l’idée qu’il entre chez elle, qu’il pose les yeux et les mains sur tout ce qu’elle possède, et pas grand-chose au final. On pourrait le penser lorsqu’on se souvient de la famille de laquelle elle prétend faire partie, mais les rentrées sont difficiles et la plupart de l’argent part en fumée un verre après l’autre, parce que tout ce qu’il reste ici à la fin de la journée, c’est un silence de mort, une solitude presque pitoyable, et trop de choses à oublier. Tout ce qu’elle espère c’est que ce n’est pas l’erreur de trop, et que rien ne lui portera préjudice – mais ce n’est pas comme si elle couchait se secrets sur papier, les laissant là pour que quelqu’un les trouve. « D’accord, tu peux venir », qu’elle lui autorise finalement après un bref instant de réflexion. Ses sourcils froncés, elle fait mine d’être sérieuse alors même qu’elle tangue, le poison dans ses veines comme un délice qu’elle avait attendu depuis le petit matin. « Mais… » Mais ça n’est pas une bonne idée. Mais ne fais pas de bêtise. Mais ne me force pas à te jeter dehors. Non, ça c’est ce qu’elle veut se dire, ce qu’elle espère pouvoir se convaincre. Mais ne reste pas là comme un idiot, et prends l’opportunité qu’on te donne, pour une putain de fois. Fais quelque chose, ici, maintenant, pourvu que ce soit vrai. « Mais c’est seulement parce que je suis incroyablement généreuse. » Son nez se plisse dans une moue moqueuse, à toujours lui rappeler qu’il faut dire merci, pas par politesse, mais parce que voir l’autre plier est tellement satisfaisant.
Elle se tourne sans l’attendre, sort de la ruelle pour trouver l’entrée du bâtiment, et en pousse la porte en jetant un coup d’œil par-dessus son épaule. Le quartier sorcier est encore éveillé, les quelques passants traînant des pieds sur les pavés, et puis il y a eux, qui ne devraient pas être là et qui le sont quand même. Elle patiente qu’Oreste soit suffisamment proche pour lui céder la porte, politesse trop bien ancrée dans ses gestes qu’elle n’y pense même plus, puis commence son ascension dans l’escalier, grinçant sous chacun de ses pas. Sa main s’accroche un peu trop fort à la rambarde de bois, mais elle fait mine de ne pas en avoir besoin, alors même que ses jambes lui supplient un peu d’équilibre. Le temps qu’ils soient tous les deux sur le palier la porte est déjà ouverte, et les flammes des innombrables bougies colorées s’allument au moment où elle la pousse, petite magie familière qui est bien la seule chose qui l’accueille quand elle rentre. Elle se colle au mur de l’étroit couloir pour laisser Oreste entrer le premier, découvrir l’appartement comme s’il y avait quelque chose de précieux, ou comme un piège qu’elle s’apprêterait à refermer sur lui. Depuis le palier elle grimace, heureuse d’être rentrée, cocon confortable que rien n’égale jamais. « Ça paye pas de mine, mais c’est à moi. » Tout payé avec l'argent de ses matchs, parce que c'était chez elle, et qu'elle pouvait bien garder leurs aides pour payer ses boissons. Si elle avait laissé ses parents dicter ses choix elle vivrait sûrement autre part, dans un endroit si spacieux et si immaculé qu’elle s’en sentirait de trop – ou bien avec eux, ici ou en Hongrie, à agrémenter la table du soir comme un accessoire de décoration. Combien de fois avait-elle décliné leur argent, leurs demandes incessantes ? Eux qui achetaient sa loyauté, son silence et son obéissance avec quelques gallions et des promesses vides. Elle avait cessé finalement d’y croire et d’y répondre, profitant du peu de temps qu’il lui restait avant qu’elle ne voie ses parents débarquer pour réclamer ce qu’ils pensaient mériter : sa gratitude, eux qui l’avaient « sauvée », eux qui lui avaient tout donné, à cet imposteur au beau sourire. Erzsi balaya la pièce du regard, se demandant combien de temps encore lui restait-il avant l’inévitable. Oreste n’avait même pas idée – que peut-être bientôt elle ne viendrait pas à l’entraînement, qu’elle ne viendrait plus du tout. Et s’il venait la chercher ici, alors il verrait que tout y était maintenant vide, elle disparue comme un fantôme, arrachée à sa vie par des parents exigeants. Mais comment lui dire, qu’elle n’était qu’en sursis, que c’était maintenant ou jamais qu’il fallait l’embrasser ? Peut-être que c’était aussi pour ça, qu’elle le refusait, qu’elle n’osait pas le vouloir.
Le quartier est assez ancien, assez calme, et si son appartement est grand, il faut bien avouer qu’il n’y a pas beaucoup à admirer non plus. Elle a l’essentiel, a tenté bien que mal d’en faire quelque chose de chaleureux, mais seule c’est parfois difficile. Les amants qui avaient passé cette porte n’avaient jamais apporté qu’un peu de chaleur humaine, qu’un peu de confort le temps d’une nuit ou deux, et puis les amis, les beuveries amicales et les dîners sans tracas, tant de choses qui au fond n’étaient rien comparé au silence et au vide. Mais maintenant qu’Oreste faisait partie du paysage, l’endroit avait une couleur qu’elle ne connaissait pas encore, chaude et accueillante, comme si c’était exactement là qu’elle était censée se trouver, et qu’elle ne partirait pour rien au monde.
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| Sujet: Re: no one will win this time (oreste) Mar 8 Sep - 19:52 | |
| no one will win this time I'm having a panic attack you inconsiderate ass. ◊ ◊ ◊ Oreste, il fait comme si. Comme s’il s’en fichait, finalement, d’entrer chez elle. Comme s’il n’avait pas un morceau de nervosité qui tremble au fond du coeur. Comme s’il n’avait pas étrangement peur - comme s’il n’avait pas non plus passé des mois voire des années à essayer de dépeindre le décor dans lequel l’intrépide se repose, dans lequel elle se déleste de ses masques et ses froncements de sourcils. Là où elle dort, là où elle râle, là elle se réveille avec les draps en pagaille. Il a l’impression d’être de trop, et ils n’ont qu’à peine franchi le pas de la porte ; c’est trop intime. Même dans cet endroit qui pue l’impersonnalité, c’est trop étroit, c’est trop exigu, c’est trop près d’elle. Nulle part où se cacher, nulle part où s’échapper, et le moindre détail qui transpire l’authenticité. Parce qu’il arrive au dépourvu, comme un petit parasite qui s’invite. Elle n’a pas eu le temps de ranger, pas le temps d’agencer, pas le temps de glisser les moutons et les secrets sous les tapis et dans les placards. Parce qu’il y a encore un bol de café sur la table basse, des chaussettes au sol, un cadre mal accroché sur l’un des murs. Et il n’est pas surpris, parce qu’il ne s’attendait pas à grand chose, si ce n’est cette chaleur qui se déverse de ce tableau qui se dévoile à la lumière qu’elle allume. C’est plus grand que chez lui, effectivement. Certainement parce que c’est moins encombré. Que lui, malgré le petit espace, a pris un malin plaisir à étouffer chaque parcelle de libre de son habitat pour y mettre un petit peu de bordel, quelque chose qui l’étreint quand il n’y a personne pour l’enlacer - il se berce de désordre pour se sentir moins isolé.
Il observe. Lève les yeux, les baisse, balaye la pièce. Il retire sa veste, mais n’ose pas s’en désencombrer. Comme si finalement, il avait un peu peur de salir, un peu peur de ternir l’endroit ; peur de s’imposer. Lui qui d’habitude ne se gêne jamais pour accabler le monde de sa présence, essaye de se ratatiner. Les lumières des bougies flirtent avec les ombres, se dessinent en contours fragiles contre les miroirs de sa peau diaphane. Ça danse dans le fond des pupilles qui se dilatent. C’est joli, qu’il ose penser. A l’instar d’une petite constellation incandescente, qui ondule, qui fluctue - un peu comme eux, qu’il pourrait penser. Mais il préfère hocher la tête, comme s’il approuvait quelque chose. Comme s’il avait son mot à dire. « C’est sympa. Mais je suis déçu de voir que toute ta paye est partie dans la collection de bougies. Ça doit te revenir cher… ça ne m’étonne pas que tu n’aies pas les moyens de t’offrir tes propres verres. » Il manque de trébucher lorsqu’il marche vers l’arrière. Il s’excuse envers l’objet invisible contre lequel il a manqué de tomber. L’alcool et les senteurs parfumées qui se dégagent de la cire fondue lui donnent le tournis plus que de raison. « Je peux m’asseoir, ou bien tu vas me demander de me doucher cinq fois avant que je touche quoi que ce soit ? Tu veux que je retire mes chaussures, peut-être ? » Il fait preuve d’une politesse exagérée. Mais au fond, si elle le lui demandait, il s’exécuterait. Il irait jusqu’à prendre une douche, un bain, se rincer des pieds jusqu’aux mains, pourvu qu’il n’abîme rien. Pourvu qu’il ne laisse aucune trace de lui - l’endroit en serait enlaidi. Gâché par le souvenir de lui.
« Bon. Tu as des verres, j’imagine. » Il désigne la bouteille qu’ils ont encore à ouvrir, à abuser, à vider entièrement pour tout oublier. « Ou alors on la fait tourner, comme au bon vieux temps ? » Epoque où ils ne prenaient pas la peine de s’encombrer d’ustensiles. Bouteille d’hydromel bon marché qui passe de mains en mains, de bouche en bouche ; baisers indirects et échanges de salives qui les feraient grimacer aujourd’hui. « Ta demeure, tes règles, Erzsi ». Et qu’elle en profite, de cet élan de courtoisie. @erzsi székely (c) oxymort |
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| Sujet: Re: no one will win this time (oreste) Mar 8 Sep - 23:04 | |
| « Toute ma paye ? » qu’elle rigole, comme si cette dernière ne s’était pas évaporée avec un nouvel équipement de Quidditch et un fauteuil de velours. Le saligaud n’en valait pas tant, mais elle n’avait pas le cœur à marchander. C’est qu’elle est difficile quand il s’agit du chez soi, du seul endroit où elle peut enfin se montrer critique, exigeante, filtrer ce qui en entre et ce qui en sort. C’est pour ça qu’elle est si souvent seule ici. C’est aussi pour ça qu’Oreste est là maintenant, à se tenir debout au milieu de son appartement comme si c’était la chose la plus normale qui soit. « Au moins, j’ai la chance de pas être très matérialiste. » Outre les vieux bouquins et les bougies, c’est la simplicité qui règne ici. On pourrait se demander comment l’endroit pourrait être aussi désordonné s’il est si dépourvu de choses, mais elle se débrouille très bien pour ça, Erzsi, parce que l’ordre et la discipline, même s’ils sont inscrits au fer rouge à même son corps, ne lui ont jamais plu. Ses doutes hurleraient de dégoût s’ils voyaient tout ça – cette modestie, cette discorde. Pas digne de ce qu’ils en ont fait. Au lieu de ça, c’est plus chaleureux, plus timide, comme si Erzsi avait décidé d’effacer ses identités d’avant en fabriquant celle-ci, à l’image de ces gens sans prétention qu’elle admire tant.
Elle s’avance et ferme la porte derrière elle, consciente qu’il n’y a plus qu’eux maintenant, qu’ils n’ont plus d’excuse pour faire mine d’être distraits par autre chose que l’autre. Que ce sera difficile, de tenir bon, quand la tentation est si proche et si délicieuse, que tout semble fait pour qu’ils craquent ici et maintenant. Mais il y a aussi qu’elle remarque à quel point Oreste va bien au décor – pas qu’il se sente forcément chez lui, mais plus comme s’il ne dénotait en rien, et Erzsi se mord la joue lorsqu’il ne regarde pas. Parce que le voir ici rend la pièce plus accueillante, que c’en est presque normal, et qu’elle crèverait de le voir partir. Elle songe déjà au moment où il le faudra bien et son moral retombe, en équilibre précaire sur le bord de son cœur, prêt à se jeter dans la falaise au moindre geste, à la merci totale d’Oreste. Il pourrait la piétiner à tout moment qu’elle lui dirait sans doute merci, même au bord des larmes, même dévastée. D’un coup elle a envie de se gifler, Erzsi, de laisser ses pensées s’évader si fort et si loin à cause de l’alcool, à cause de sa présence qu’elle ne supporte que rarement aussi longtemps. Ils n’ont jamais été aussi proches, aussi tentés, ou alors elle l’a oublié – et à mesure que les minutes passent elle se sent glisser quelque part d’où elle n’est pas sûre de pouvoir revenir.
« Ecoute, fais comme chez toi, je suppose. Même si tu vas sûrement me faire regretter d’avoir dit ça. » Elle retire sa veste à son tour et la jette sur le dos du canapé, s’approche d’Oreste d’un pas presque dangereux, s’il n’était pas totalement accidentel. Parce qu’elle ne contrôle plus ce qu’elle fait, Erzsi, et qu’elle fait de son mieux pour rester droite quand le monde semble se courber, l’alcool hurlant en elle. Elle lui prend la bouteille des mains et en retire le bouchon de plastique, puis la porte à ses lèvres pour en prendre une gorgée. « Qui a besoin de verres ? » qu’elle moque, et au fond elle sait qu’il y a de ça, de savoir qu’il y boira à son tour, qu’il y a une intimité inexplicable à partager la chose. Mais au fond elle veut aussi se prouver quelque chose, elle qui a lutté tant d’années pour s’habituer à faire sans ses manières, sans la discipline si soigneusement inculquée en elle – qui a besoin de verres, qu’elle dit presque à ses parents en espérant qu’ils l’entendent. Et qu’ils la voient là, boire au goulot, sans même hésiter, sans même regretter. Elle veut être simple, Erzsi. Simple, et vulgaire, sans prétention aucune, même si ça la rend ennuyeuse.
Comme un cadeau empoisonné elle écrase doucement la bouteille de vin contre le torse d’Oreste, le bout de ses doigts maladroitement ici et là, chauds et timides contre lui. « S’il y a bien une chose qu’il faut apprendre, c’est que dans ma demeure il n’y a aucune règle » qu’elle rit doucement, parce que c’est la vérité. Elle les fuit, les règles, et n’est pas assez masochiste pour les ramener à la maison. « Alors ? » qu’elle demande. « On fait quoi, maintenant ? » Maintenant qu’on a tous fait de travers, maintenant que le destin nous tente une fois de plus, une fois de trop. Maintenant qu’on a plus que boire à faire, et qu’on sait à peine continuer de faire semblant, incapables de résister. Sa question est vile tentatrice même elle ne le fait pas forcément exprès, parce qu’au fond elle veut vraiment savoir, ou peut-être qu’elle veut juste entendre ce qu’Oreste a à dire – à proposer. Elle le laisse prendre la tête, comme trop souvent, le laisse choisir et dominer, mener la danse comme il le fait si bien. Et elle suivra, fidèle et râleuse, mais suivra quand même.
Elle ferme les yeux un instant, s’imagine un scénario facile où ils laisseraient la bouteille éclater contre le sol, océan vermeille noyant leurs pieds encore chaussés, bientôt nus – se jetteraient l’un sur l’autre parce que c’est la chose à faire. C’est si naïf, Erzsi le sait, mais plaisant quand même, et elle commence à se dire que, faute de craquer pour de bon, il est quand même possible de craquer un peu, juste un peu. Un geste plus facile à oublier qu’un baiser, des mots moins tranchants qu’un je t’aime. N’importe quoi – tant qu’il y a quelque chose, pour faire battre ce palpitant qu’il pourrait faire s’arrêter s’il le souhaitait. Maintenant que l’euphorie bat dans ses veines à l’unisson, elle a besoin que le monde soit plus éclatant que ses yeux ne peuvent le supporter, qu’il soit si fort et si intense qu’elle soit à peine capable de le supporter. Elle le supplierait presque. « Les décisions, c’est ton fort, non ? » qu’elle décide de lui dire, et elle s’apprête à lâcher la bouteille une fois qu’elle est entre de bonnes mains, mais s’abstient au dernier moment, parce qu’elle aime l’idée de savoir ses doigts si proches de son torse, et parce qu’elle n’a tout simplement pas envie de les retirer. Et s’il lui demande de les enlever, ou s’il recule, alors tant pis – mais s’il prend sa main pour la poser contre son cœur, alors tant mieux. |
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| Sujet: Re: no one will win this time (oreste) Mer 9 Sep - 12:00 | |
| no one will win this time I'm having a panic attack you inconsiderate ass. ◊ ◊ ◊ Comme chez lui, qu’elle lui dit. Comme chez eux, qu’il aimerait entendre. Mais c’est trop tôt, c’est trop beau, alors il tait la réponse, la petite moquerie qui s’étouffe dans un coin d’imagination réservé à Erzsi. A croire quand dans son esprit, elle a un tiroir rien qu’à elle - ou un placard, plutôt. Toute une pièce, en réalité. Là où il range et entasse les pensées qui la concernent, des plus réelles aux rêves les plus anciens. Ce qu’il sait, ce qu’il croit savoir, ce qu’il aimerait connaître - et ce qu’il fantasme. Comble de l’ironie pour celui qui se targue d’avoir la tête légère ; elle l’encombre. Elle a le nom qui lui chatouille les lèvres quand il sombre. Il l’appelle quand il n’a pas envie d’être silencieux, mais rien à dire ; et il pense à elle quand le reste devient trop flou pour réfléchir. Mais pour l’heure, il se contente de lancer sa veste sur l’accoudoir du canapé, imitant l’hôte. Il fait chaud, ici. Mais ce n’est pas la même chaleur étouffante qu’ils ont quitté au pub ; c’est agréable. C’est plus doux. Ça donne envie de se couvrir davantage.
Puis, elle revient à la charge. Lui montre comment on fait, ici, loin des regards. La méthode à la Erzsi quand il faut boire. Elle saisit la bouteille et l’ouvre avec la plus déconcertante des facilités, comme si le travail avait déjà été fait - comme si l’alcool n’attendait que leurs lèvres pour s’épuiser. Et elle boit. En lourdes gorgées qui font remuer sa glotte lorsqu’elle penche la tête en arrière, et il devine une perle de vin se percher au coin de sa bouche. Qui coule jusqu’à son menton, chute à leurs pieds ; ça va laisser une tâche, qu’il aimerait pouvoir lui dire, si seulement ses yeux n’étaient pas accrochés à ses lèvres légèrement sanguines. Elle plaque la bouteille contre sa poitrine. Cap ou pas cap de me suivre ?, que crie son regard. Et ils sont de nouveau si proches, et les pensées parasites reviennent lui titiller l’imagination ; cruelle tentation. Est-ce qu’elle le sait, est-ce qu’elle le fait exprès ? Parce que c’est tout ce dont il a envie, maintenant. De la tenir près de lui. Vraiment tout près. Au point où il pourrait sentir leurs souffles s’entremêler. Il sait que ce serait si naturel, comme si leurs corps se connaissaient déjà. S’étaient apprivoisés depuis longtemps.
La main du sorcier se referme autour de la bouteille, juste au-dessus de celle de la blonde. Le petit doigt qui effleure le pouce, il ose même le caresser, l’air de rien. Le sourcil est arqué. Normalement, certainement plus sobre, il essuierait le goulot avant d’y apposer la bouche - pour feindre le dégoût. Mais il n’a pas envie. « Viens, on arrête les défis. J’ai plus d’idée. » Il avoue l’échec, mais son sourire arrogant transpire une espèce de victoire - humeur par défaut, il savoure les réussites, même quand elles n’existent pas. « On boit. On boit et on fait chier tes voisins. On oublie. C’était ce qui était prévu, non ? » Et juste comme ça, il tire un peu sur la bouteille pour la soulever. Le sourire écorche le goulot, puis la boisson tombe en cascade pourpre dans le fond de sa gorge. Il ne prend pas le temps de profiter des saveurs et des parfums - il cherche l’effet rapide. Il boit. Il boit, et elle est encore proche, il le sait. Parce qu’il doit fermer les yeux pour s’empêcher de la fixer. Il se redresse, après l’apnée.
Et comme ça, ils partent. Ils suivent le plan grossièrement esquissé. Musique qui crie par l’effet d’un sortilège des sorties d’un tourne-disque ensorcelé. Les murs tremblent et l’appartement agonise sous le boucan, sous l’électricité qu’ils produisent. Ils rient. Parfois pour rien, parfois parce que l’autre manque de s’écrouler, parce qu’ils ne racontent plus que des conneries. Le golden boy a l’air un peu rayé, la fougueuse s’enterre dans le désordre de son apparence - et ça leur va. Jusqu’à-ce qu’Oreste se laisse tomber sur le canapé, tellement affalé qu’il pourrait donner l’impression de s’allonger. Il tend le bras pour l’attraper, la faire tomber juste à ses côtés.
Elle s’écroule. Et par-dessous la musique, par-dessus leurs souffles, on entend des clapotis qui s’écrasent contre les fenêtres. Depuis quand s’est-il mis à pleuvoir ? D’un coup de baguette, le volume de la musique s’étiole. On perçoit encore les paroles, la mélodie, mais c’est plus facile de s’entendre penser - malgré l’alcool qui embrouille la réflexion. Il se tourne vers elle. La tête renversée sur les coussins du dossier du sofa, il a le sourire aux lèvres. Il a encore un rire qui frissonne au fond de la gorge, la langue qui gratte la joie ; mais il son visage se détend, et il ne sait pas pourquoi. Certainement parce que le masque s’est éclaté au sol quelques instants auparavant, et qu’il n’a pas la force d’en récupérer les morceaux pour le reconstituer. « De quoi on a l’air, tu crois ? De loin ? Si quelqu’un nous voyait, comme ça, il se dirait quoi ? » Qu’ils ont l’air cons. Ridicules. Epouvantables.
Beaux. Qu’ils ont l’air beaux.
Et il ne sait pas pourquoi il tend la main. Pourquoi son bras se lève, il ne le contrôle pas, plus. Quand ses doigts s’approchent dangereusement de la tignasse emmêlée d’Erzsi, et commence à jouer de ses mèches. Distraitement, comme pour l’embêter, finalement. Il crée une boucle qui emprisonne l’index. « Merci. » Et pas besoin de dire pourquoi. Elle le sait. Evidemment, qu’elle le sait. Et il espère qu’elle se moquera de lui. Qu’elle lui fera regretter la reconnaissance - qu’elle gâchera l’instant avec arrogance. Pour lui donner une excuse de rétorquer, de la détester. Une raison de s’énerver - vous savez. Pour lui faire passer l’envie de l’embrasser. @erzsi székely (c) oxymort |
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| Sujet: Re: no one will win this time (oreste) Mer 9 Sep - 14:20 | |
| Il veut arrêter, les défis, la provocation incessante. Pas parce qu’il a peur d’aller plus loin, ou qu’il est las de cette soirée qui semble ne jamais vraiment finir, mais parce qu’il veut poser les armes, cesser de chercher chaque fois l’excuse, la moquerie acerbe qui saura compenser son regard. Et Erzsi, elle accueille sa proposition avec un soupir compréhensif, comme s’ils avaient attendu toute la soirée de se passer de cette distraction pour se concentrer sur ce que les mots ne disent pas. Elle fixe son doigt, celui-là même qu’il a osé caresser, et commence à se demander si c’est l’alcool qui change les couleurs du décor, ou si c’est qu’elle ne voyait pas vraiment clair jusqu’à maintenant. Elle voudrait lui ordonner d’y reposer son doigt, de laisser leurs peaux s’effleurer comme si la caresse lui apaisait l’âme – mais elle n’en fait rien, les yeux pourtant encore là quand elle prend la parole. « C’était ce qui était prévu. » Elle répète parce qu’il n’y a pas grand-chose à dire, qu’ils sont venus pour ça, et pour rien d’autre, même si leurs cœurs cognent dans leur poitrine, demandant toujours plus que ce qu’ils s’offrent.
Erzsi l’observe boire, incapable de quitter sa pomme des yeux, voudrait presque la toucher. Il y a tant de choses encore inconnues chez lui, des sensations qu’elle ne peut qu’imaginer dans son esprit – et pourtant il y a une impression de déjà vu, comme s’ils se connaissaient par cœur, comme s’ils s’étaient déjà découverts il y a bien longtemps, dans une autre vie. « On a bien mérité un peu de tranquillité. » Sans défi, sans diversion. Mérité, parce que la défaite de la journée pèse sur leurs épaules et que c’est bien pour ça qu’ils voulaient boire, au départ. Mérité, parce qu’ils ont tenu bon toute la soirée et qu’ils devraient en être fiers, eux qui ne s’interdisent jamais rien, le mépris bien trop puissant pour les règles et les limites à ne pas franchir.
Les minutes s’effritent, laisse place à un décor dont on ne se serait pas douté en les voyant attablés au pub, la défiance dans le regard. Ici ils commencent une trêve qui n’a pas vraiment raison d’être, ils se mettent à nu même rien qu’un peu pour profiter de la boisson et de la chaleur réconfortante de l’endroit, parce qu’ils sont trop fatigués de faire semblant. Sans craquer pour autant, le cœur encore dans le déni, Erzsi ne peut s’empêcher de rester là, les yeux rivés sur lui-même au milieu d’un rire, même entre deux phrases. Elle aurait presque peur qu’il disparaisse si elle ose détourner le regard, comme si au fond Oreste était un mirage qu’elle s’était fabriqué depuis le départ.
« Y a pas à dire, je pense qu’ils auraient du mal à y croire. J’veux dire, toi et moi, là, sans notre guerre habituelle ? Il faudrait le voir pour le croire. Et même s’ils le voyaient… je pense qu’ils se demanderaient tous si on a pas finalement perdu la tête, après toutes ces années. » Elle laisse un sourire fatigué lui étirer les lèvres, contente, confortable, là avec lui. Sa nuque se courbe pour lui accorder un regard alerte, jamais plus réveillée qu’en l’examinant – et ses lèvres s’étirent encore un peu plus, révélant des canines presque dangereuses. « L’air stupide, en tout cas ça c’est sûr. » Stupide, parce qu’elle loucherait presque pour retrouver les contours d’Oreste dans le flou du décor – et stupide parce qu’Oreste commence à divaguer, à faire des choses qu’il n’avait jamais faites, des choses qui n’ont pas l’air de venir de lui. Et tant pis s’ils n’ont pas l’air d’Oreste et d’Erzsi, les ennemis de toujours, parce qu’ils sont d’accord pour s’accorder cette nuit, ne pas la compter dans les scores habituels, et prétendre qu’ils ne se sont jamais vraiment détestés, même s’ils s’aiment à vouloir s’en arracher les yeux l’un de l’autre.
Et puis, il fait un geste qui lui coupe le souffle, pas parce qu’il est singulier mais parce qu’il la prend par surprise, elle qui ne pensait pas un jour voir Oreste faire une telle chose. Ses cheveux ont l’air doux entre ses doigts, et elle baisse les yeux pour le regarder jouer avec la mèche, presque troublé par ce qu’il tient. « Merci pour quoi ? » qu’elle demande. C’est vrai qu’elle lui avait ordonné gratitude en le faisant entrer ici, mais c’était pour rire, parce qu’au fond elle mourrait d’envie de le faire. De le voir là, comme s’il avait toujours été quelque part entre les bougies et les plaids confortables. Elle pose la question parce qu’elle a la sensation qu’il a bien plus de caché dans ce simple mot qu’il ne dit jamais, et là, offert à elle comme un cadeau, il y a comme mille secrets entre ces lettres. « Pas besoin de me dire merci, tu sais. » Elle s’attendrit à chaque mot qu’elle prononce, parce qu’elle n’a plus la force ni la sobriété de se montrer aussi rude et impitoyable que d’habitude. Là elle lui ouvre tout un monde de douceur, quelque chose de nouveau et qui pourtant n’a rien de si nouveau que ça, elle qui n’a jamais eu d’yeux que pour lui et son sourire arrogant. Mais elle a l’impression qu’elle n’est plus vraiment elle-même, ou au contraire qu’elle ne l’a jamais autant été, une gentillesse qu’elle montre au monde entier mais jamais à lui, et qu’elle lui offre en quelques mots, décuplée. « Jamais. » Le mot scelle sa décision, parce qu’elle refuse qu’il doive ramper à ses pieds pour quelque chose qui lui est déjà dû. Et si c’est simplement du foyer temporaire qu’il est reconnaissant, alors tant pis, ça s’applique quand même – elle n’allait pas le laisser dehors, et la nuit aurait été bien morte sans sa présence.
L’alcool flotte dans leurs regards, mais pas au point qu’ils doutent de leur véracité ; ils savent que quelque chose de précieux se passe, et qu’ils ont seulement reçu le coup de pouce qu’il leur fallait pour en avoir la bravoure. On aurait pu penser que deux Gryffondors s’y seraient mis il y a de ça bien longtemps, mais il faut bien dire qu’Oreste et Erzsi n’aiment pas les demi-mesures. « Mais ça c’est bien parce que je suis incroyablement généreuse. » Elle sourit parce qu’elle répète sa réplique de tout à l’heure, celle qui lui brûlait les lèvres tant elle semblait faite pour ce moment. Mais elle n’est pas aussi moqueuse qu’elle en avait l’air la première fois : ici elle sonne comme une plaisanterie familière et rassurante, comme un ami qui vous tapote l’épaule. Ses yeux se baissent vers la mèche qu’il tord encore entre ses doigts, et le souffle presque coupé elle en approche les siens. « Jaloux, hein ? » Taquine même dans la douceur, la voix pourtant si sirupeuse, elle s’est comme suspendue dans le temps pour profiter de sa présence, les armes officiellement déposées, sans l’ombre d’une suspicion. « Je le savais. » Ses lèvres laissent entrevoir quelques dents gamines à nouveau, amusée par ses propres mots. Puis elle pose ses doigts au-dessus des siens, pas pour les retirer de ses cheveux, mais pour les tâter dans une curiosité presque sotte, caresser sans vraiment s’y engager. Elle se rend à peine compte de ce qu’elle fait quand sa main glisse le long de la sienne, s’enroule autour de son poignet. Presque pour le protéger, presque pour le retenir, comme si elle avait peur qu’il ne décide qu’ils avaient assez reposé leurs cœurs, que la guerre devait reprendre, et la nuit se terminer. Ses doigts serrent autour de son poignet avant de s’en dérouler, et sans prévenir elle les pose sur la pommette d’Oreste, dans un geste plus distrait et pensif que réellement provocateur. C’est tellement naturel, quand elle ne réfléchit plus, qu’il y a cette sensation dérangeante qu’ils l’ont déjà faits, maintes et maintes fois, qu’ils se connaissent sous toutes les coutures, chaque cicatrice connue, embrassée, tendrement caressée comme pour les effacer. Mais ils ne s’échangeraient pour rien au monde, sûrement pas pour une version plus parfaite et plus fade de ceux qu’ils sont là. « Ça ne va pas être facile demain, mélanger les alcools ça n’est pas notre meilleure idée. Enfin, c’est pas comme si on avait beaucoup de bonnes idées, hein ? »
La preuve est sous sa main, alors qu’elle retrace distraitement la cicatrice qu’elle lui a donné il y a si longtemps. Elle s’en excuserait presque, mais ses lèvres jointes laissent percer un rictus satisfait, comme si elle était fière d’avoir apposé sa marque sur sa peau, d’avoir fait en sorte qu’il pense à elle chaque fois qu’il croise son reflet. « Ça a dû faire mal. » Elle y repasse son pouce, ses sourcils presque froncés quand elle réalise qu’au-delà des rires hilares de deux gamins qui se cherchent et se haïssent, il y a la chair qui hurle et qu’on blesse sans penser à ce qu’elle laissera derrière.
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| Sujet: Re: no one will win this time (oreste) Mer 9 Sep - 15:16 | |
| no one will win this time I'm having a panic attack you inconsiderate ass. ◊ ◊ ◊ Regardez-les, ces deux menteurs. Ces deux gamins un peu imprudents, s’envoyant dans un jeu prenant trop d’ampleur. Il y a lui, qui connait les règles par coeur, et elle, qui s’amuse à les tordre toutes les heures. S’il lance une provocation, la belle se contente de lui rendre le terrible fruit de son affront. Elle répond plus fort, plus grand, plus dangereusement. Il l’observe, comme il observerait un feu de forêt. Ou une sirène. Prête à passer ses mains autour de son cou pour le briser. Sur le point de bondir sur son corps pour le dévorer. Une étrange lueur s’est invitée dans son regard fasciné ; un éclair de curiosité, de défi, d’envie ? Pas la peine d’aller si loin dans l’idiotie. Mais c’est hypnotique. Cette façon qu’elle a de le regarder, cette manière qu’il a de ne pas la laisser s’échapper. Il respire calmement, son souffle frappant la partition d’une trêve qu’il s’impose. Il garde le bras perché au-dessus du vide, le doigt étreint par la mèche qu’il tient tendrement prisonnière. L’étau qui se resserre ; ça pourrait être pire. Il pourrait y passer la main entière. Il préfère alors se convaincre que s’il devait de nouveau tendre la main, ce serait pour la serrer autour de son cou. Lui dérober ce dernier souffle qui se perd contre son nez, la voir se briser dans une dernière mine désolée, juste pour lui faire regretter de l’avoir poussé à bout. Il veut voir ce que ça ferait, de la casser, cette petite poupée. De la voir trébucher, tomber à son tour, et ne pas pouvoir se relever. Parce que ses mains sont faites pour ça, pas vrai ? Pour la faire saigner. Pour la détruire, la casser, jamais l’attendrir. « D’accord, je retiens. Je te dirai plus jamais merci. La prochaine fois que t’es aussi généreuse, je me contenterai de t’insulter. Ça te va ? » Il ricane. « Ou alors, rien que pour t’énerver, je te remercierai encore plus fort. » Parce que l’esprit de contradiction, ça leur colle au corps.
Ils ont arraché ce moment. Ils l’ont volé, dérobé, pris dans un sac et mis dans leur poche pour s’amuser. Petit délit de comptoir, minuscule déboire ; aucun crime notoire. Vous savez, juste piquer un peu de bonheur, ça n’a rien de si cruel. Prendre au soleil des rayons un peu tordus pour les mettre dans leurs sourires, décrocher aux nuages du coton pour y déposer leurs têtes. C’est pas si méchant. Des voleurs qui braquent un peu d’innocence, c’est toujours mieux que de dévaliser une banque. Oreste garde cet instant de légèreté dans la paume de sa main, celle glissée sur sa jambe. Il aurait pu le rapprocher près de son coeur, mais il est encore à peine entrouvert ; ce souvenir est trop grand pour s’y glisser. Alors il le garde juste là. Il verra ce qu’il en fera plus tard. Si sous le coup de la connerie, il va devoir le rendre, le relâcher. S’il va pouvoir le garder dans une petite boîte pour ne pas l’oublier - jeter de temps en temps un oeil par le trou de la serrure pour se rappeler de son existence.
Elle lui touche la joue. Et sa lourde tête fait l’erreur d’un peu trop s’appuyer contre le contact qu’elle lui offre. La faute à l’alcool de lui alourdir la caboche, bien sûr. Pas parce qu’il a envie d’en profiter. Pas parce qu’il voudrait voir les doigts d’Erzsi glisser plus bas que sur cette pommette fissurée. La première de toutes les cicatrices qu’elle lui a infligées, celle qui marque et dont il ment constamment sur l’origine, par fierté. Ça dû faire mal, qu’elle lui dit, et il esquisse un haussement d’épaules nonchalant qui s’accorde avec un drôle de sursaut. « Bof, pas tellement. J’ai toujours eu la tête dure, il m’en fallait déjà plus que ça pour avoir mal. » Le début des ennuis. A partir du moment où elle l’a marqué, a apposé sa marque de fabrique dans la tendre peau de sa joue, c’en était fini. Et si, ça a fait mal. A l’ego. Et aujourd’hui, il a l’impression que la douleur revient, qu’elle se réveille, réagit au contact de celle qui l’a créée. Comme si quelque chose qui sommeillait depuis toutes ces années se surprend à être tiré de son repos - c’est fulgurant. C’est brûlant. C’est trop et trop peu en même temps. « D’un autre côté, ça n’a fait qu’augmenter ma popularité auprès des filles. Le côté cassé, ça attire, tu le savais ? » Il se souvient de toutes ces fois où ces belles incrédules passaient le doigt sur la fissure. Lui demandaient s’il s’était battu, contre quoi, contre qui - et ça se mord la lèvre, et ça s’inquiète. Et lui, il en profite.
« Mais j’y pense. Tu t’es jamais excusée, pour ça. Tu m’as abimé ma gueule d’ange. » Il murmure. Sans s’en rendre compte, le volume de sa voix s’est apaisé, s’est muté en chuchotement rauque, un peu éraillé ; la même voix qu’il prend lorsqu’il vient de se réveiller. Suave et en même temps brisée. « Tu mériterais presque que je me venge. » Qu’il se montre de nouveau cruel. Pas méchant, parce qu’il ne l’est pas - mais déloyal, comme à chaque fois. Faire mine d’être rancunier depuis ce premier instant, de lui en vouloir secrètement. Demander satisfaction après le dommage causé. « Sauf si tu arrives à te faire pardonner autrement. » @erzsi székely (c) oxymort |
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| Sujet: Re: no one will win this time (oreste) Mer 9 Sep - 16:26 | |
| Ce serait sûrement inquiétant, si ça n’était pas si libérateur de pouvoir faire tout ce qui lui passe par la tête sans avoir peur des conséquences. Parce qu’il y en aura, des conséquences – mais elle se conforte en se dirant que personne ne s’en souviendra le matin venu. Ils ont trop bu, trop cherché, les corps épuisés par une nuit qui n’est même pas encore achevée. Les liqueurs se mélangent dans leurs gosiers, leur préparent un lendemain des plus désagréables alors qu’ils se demanderont même ce qu’ils ont bien pu faire, bien pu risquer, mais la vérité c’est le secret sera emporté avec la nuit, et au fond c’est mieux ainsi. Ils n’ont pas besoin de s’encombrer de ces nouvelles complications, des obstacles qu’ils n’avaient pas prévu sur le chemin déjà laborieux de leur rivalité, les cœurs toujours trop perdus de ce qu’ils doivent ressentir ou non.
Aujourd’hui les signaux se mélangent et rien n’a plus de sens. Et quand elle le regarde elle n’y pense même pas, les tracas bien trop lointains, à peine palpables ; c’est mauvais, très mauvais, parce qu’elle flotte dans l’insouciance qui détruit tout sur son passage, et ils sont fragiles, eux deux, bien plus qu’ils n’aiment le penser. Elle rigole d’un souffle quand il retient la leçon de la reconnaissance, manque le message qu’elle voulait faire passer, ou fait tout pour le faire croire. Mais dans sa « prochaine fois » il y a comme un espoir : si non qu’ils recommencent cette mésaventure, alors au moins qu’ils se rapprochent de la limite soigneusement peinte entre leurs deux univers, pourtant sans cesse en collision l’un avec l’autre. La chance de se retrouver à nouveau, en instants volés, avec une excuse pour sceller la faute. Elle en a presque le cœur serré de penser au lendemain, à cette vie chaotique qui reprendra son cours alors que là, tout de suite, elle a comme la sensation que le monde lui offre un répit, que si près d’Oreste elle n’a plus besoin d’avoir peur. Mais la réalité n’a jamais été douce avec eux. Ils connaissent la cruauté, l’ironie, la solitude, et une nuit de beuverie innocente ne suffira pas à piétiner tout ce qui les suit depuis si longtemps. Elle qui fuit son passé, ses secrets, et Oreste qui fuit on ne sait quoi, peut-être le monde entier, déjà porté sur ses épaules. Ils sont les deux faces d’un même miroir, se regardent dans les yeux sans réaliser qu’ils se regardent eux-mêmes. Au fond il n’y a que le nom qui change – Oreste et Erzsi, Erzsi et Oreste, peu importe. Le calcul revient au même, et il en est presque répugnant.
« Qu’est-ce qui te dit que je me montrerai aussi généreuse une fois de plus ? C’était une exception, parce que te laisser là sous la pluie me faisait tellement pitié que j’en étais incapable. Parce que tu vois, mes parents m’ont bien élevée » et elle espère qu’entre ses mots ne se niche pas l’amertume de savoir que c’est faux. Que ce ne sont ni ses parents, ni de bons parents, et s’ils savaient à quel point Oreste la rend folle, elle n’ose imaginer ce qu’ils diraient, tout ce qu’ils tenteraient pour y mettre fin. Même s’il n’y a jamais rien eu. Même si elle se dit qu’il n’y aura sûrement jamais rien. Elle est fantôme de son propre corps, porteuse du nom Székely plus que de sa propre âme ; et un sang-mêlé gravé dans le cœur, ça n’est pas bon pour cette réputation si propre que les Székely aiment se donner. Pourtant c’est stupide. Prétendûment du côté de l’Ordre depuis des années, personne n’ose vraiment y croire, considérés traîtres, mangemorts, pourritures même lorsqu’ils prouvent le contraire. Elle non plus, elle n’a pas confiance. Elle les a tant écoutés parler de sang, de principe, de pureté – de cette race sorcière qu’ils veulent si précieuse, alors qu’ils la détruisent sans même ciller. Alors qu’est-ce que ça pourrait bien y faire, qu’elle aime Oreste, le bel Oreste, l’insupportable ? Parce que oui, elle l’aime. Simplement elle l’ignore encore, la vérité si profondément enterrée qu’elle n’en aperçoit qu’une infime partie, bien trop peureuse pour faire face à l’évidence d’un coup brut.
« Alors quoi, c’est grâce à moi que tu as du succès avec toutes ces… pimbêches ? » qu’elle ose, amère malgré la bonté qui brille en son cœur. Elle est rude parce qu’elle n’aime pas l’idée, se dire qu’elles posent leurs mains sur ce visage qui semble lui appartenir. C’est comme si. Et quand elle l’effleure un peu plus pour tracer des formes incertaines sur le creux de sa joue, elle a presque l’impression qu’il lui est dû, précieux trésor enfin retrouvé. « Et puis je ne t’ai pas abîmé. Je t’ai arrangé », qu’elle corrige, parce qu’il faut bien. Les mots se veulent moqueurs, pointer du doigt celui qu’il était avant la balafre, mais au fond c’est plus un compliment qu’elle n’ose pleinement assumer. Parce qu’elle le préfère comme ça, un peu cassé, mille secrets du passé inscrits sur son visage comme des gravures d’un temps ancien. « Tu sais, ça me dérange de me dire que c’est par ma faute que toutes ces filles te tournent autour, te trouvent un air intriguant. » Elle marque un point d’interrogation sur sa joue, distraite par ses mots puis par ses gestes, puis inversement – l’alcool dans chacune des syllabes que ses lèvres laissent s’échapper. Elle n’a pas l’air sobre, parce qu’elle ne l’est pas, mais pourtant elle garde un pied ancré sur Terre comme s’il la tenait éveillée, comme si elle était hypnotisée plus que paralysée. « Ces pauvres filles, elles n’en savent rien. Quelle déception ce sera pour elles. » Elle sourit, mesquine, chaque fois plaisante des coups qu’elle renvoie vers lui – un compliment déguisé en moquerie, c’est ce qu’ils font de mieux. Ils n’ont même pas à avouer qu’ils ne mentent pas tant que ça.
Se faire pardonner, qu’il dit. Et les mots résonnent en elle comme s’il venait de lui planter une dague en plein cœur, si profondément qu’elle en a le souffle coupé. Ses joues se colorent d’un rose presque innocent, et elle ouvre grand les yeux pour plonger dans ceux d’Oreste, y creuser les secrets qu’il garde si précieusement pour lui. Elle est si près – si près de voir ce qui se cache derrière la façade. « Me faire pardonner ? » L’écho refuse de s’éteindre, comme s’il n’y avait plus que ça entre eux, quelques mots à l’apparence insignifiante, qu’elle aurait presque voulu ne pas comprendre.
Allez, défie-le que son sang bat dans ses oreilles avec l’adrénaline insoupçonnée de son regard. Dis-lui que tu ne lui dois rien, que si tu dois te faire pardonner de quelque chose, c’est à toi-même de t’infliger sa présence. Coupe-le, saigne-le, montre-le que ses mots rebondissent sur le cuir de ton armure. Qu’il ne peut pas voir à travers, encore moins y planter les crocs de son cœur.
Mais dans une tendresse dégueulasse, elle fige sa main tout contre sa mâchoire, tenant presque la tête lourde d’Oreste, un geste qui leur va si bien, le geste de deux amoureux dans le déni. « Et comment est-ce que tu voudrais que je me fasse pardonner ? » Parce qu’il faut bien demander à celui qu’on a offensé la hauteur de ce qui doit être réparé. Parce que si quelqu’un doit lui dire quoi faire, c’est lui et personne d’autre, mais son orgueil se ronge de haine qu’elle ose le montrer pour une fois. La question est sincère, presque perdue, mais au fond elle a le venin de mille poisons – si dangereuse, si fragile. Qu’est-ce qu’ils peuvent bien en faire. Elle en serait presque triste, Erzsi. Soudainement triste. Comme si l’affection qu’elle peine à contenir, de plus en plus, s’avérait bien plus vaste et bien plus puissante que ce qu’elle avait cru, et qu’elle se noyait dans chaque vague qui la dépassait. Comme si d’un coup au lieu de voir sa peau sous la sienne et leurs rires absurdes entremêlés dans la nuit, elle ne voyait que le moment où il partirait, où elle le perdrait, où il faudrait bien se briser le cœur. Parce que c’est comme ça que les choses marchent, non ? Ça finira mal et elle le sait. Parce que tout finit toujours mal, peu importe son cœur d’optimiste qui tente de toutes ses forces de rassurer le monde. Au fond elle sait et elle en est pétrifiée, parce que tout lui donner pour finalement se voir tout voler serait la plaie de trop, celle qui ne pourrait pas guérir. Alors peut-être que c’est de la naïveté, quand elle se penche un peu plus près pour mieux l’atteindre, qu’elle incline la tête pour mieux le regarder dans les yeux, sans aucune cachette pour leurs secrets. S’il voulait lui abîmer le visage comme on brise une poupée, pour qu’ils soient quittes, elle le laisserait. Et s’il voulait la punir en la laissant seule, infiniment seule, sans un au revoir, elle le laisserait. Et s’il voulait lui voler un baiser en retour, digne compensation de ce qu’elle lui a pris, elle le laisserait. Et ça fait peur.
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| Sujet: Re: no one will win this time (oreste) Mer 9 Sep - 18:58 | |
| no one will win this time I'm having a panic attack you inconsiderate ass. ◊ ◊ ◊ De là-haut, le monde parait si petit. Leur petit perchoir les dresses sur le nuage de l’ivresse ; et les gens deviennent plus minuscules que des fourmis. Les lumières au loin, de simple petits points qui brillent dans la nuit. A cette hauteur, ils peuvent se sentir rois du monde, au-dessus de l’horizon et par-delà la ville et ses étranges ondes. Ils sont conquérants, ils sont grands - et tout parait si futile, si inutile, vu de leur idylle. Des coussins d’invisible qui flottent sous leurs pieds, de l’oxygène plus pur, qu’ils gouttent à travers les conduits d’aération de leur royaume excessivement onirique. Loin du sol, loin des malheureux - ils ont tout pour se sentir chanceux. Pourtant, Oreste, il a l’habitude de décoller. En se défonçant jusqu’à oublier de regarder où il met les pieds, à force de prendre son balais pour s’éloigner des soucis des terriens désolés. Il écarte les bras comme un oiseau de pacotille ouvre ses ailes, et plane - il plane si bien, Oreste. Il est doué pour tout foutre en l’air. Même s’y envoyer. Il sait décoller quand il se met debout sur le toit d’une maison, et qu’il saute dans le vide. Il sait flotter quand il faut se laisser glisser contre un mur pour s’écraser, et s’endormir sur une pensée perfide. Il sait s’échapper quand il monte les étages pour rejoindre la chambre d’une fille, et qu’elle lui donne un accès direct aux cieux interdits. Mais putain, il le sait. Qu’il n’a jamais été si haut, si loin, que quand il sent les mains d’Erzsi le transporter vers un autre univers. Plus haut que les tours, plus haut que les montages, plus haut que les étoiles et même plus haut que le paradis ; plus haut que tout, pardi. Comme dans des montagnes russes, il sent son coeur rebondir. Rester en haut de sa poitrine, pendant qu’il perd l’équilibre. Il n’a pas le vertige, Oreste. Il est l’Icare qui flirte avec le vide et déjoue les lois de la gravité. Mais il a le mal de l’air, soudain, quand elle l’effleure - il craint la dégringolade. Cet instant où ils vont retomber. L’impact, de s’écraser - pas envie de se briser. Mais elle est si proche, et elle est si belle, et c’est si cruel. Elle dessine des formes sur sa joue, déjoue les contours de la cicatrice dont elle se targue le mérite - et il frissonne, et il se bat pour ne pas fermer les yeux. Pour ne pas se laisser bercer par les tourbillons de l’alcool et sa voix qui murmure de belles paroles adoucies. Il a le sourire qui vacille, qui oscille entre moquerie et tendresse enfantine. Sa main est tombée. Juste un peu, elle repose sur l’épaule de la jeune fille, mais continue de jouer des mèches. Distraitement, comme un automatisme, si bien qu’il ne remarque plus qu’il continue de le faire. « Tu vas me donner des conseils avec les filles, maintenant ? Quoique tu pourrais. Vu qu’apparemment, tu sais même voler leurs mecs. » Rappel de ce qui a été dit. Il se servira de ces anecdotes charnelles qu’il a soutirée, pendant qu’il s’en souvient - car Merlin sait ce qu'il restera de cette soirée. Des bribes, des images, des échos, ou rien du tout. Alors, pour l’heure, il en joue.
Jusqu’à-ce qu’elle lui demande quoi faire. Jusqu’à-ce qu’elle lui accorde une demie victoire, en acceptant d’essayer de se faire pardonner. Mais elle demande comment, et lui, il a du mal à réfléchir. Les neurones disjonctent sur la vue de cette bouche qui se plisse, qui épelle les mots, qui se mord et cette langue qui flirte avec le silence des maux. Il s’approche, puisqu’elle le fait. Grignote la distance. Tête en arrière, la joue sur les coussins, les cils qui papillonnent. Il ne fait même pas semblant. Il n’a plus l’énergie de feindre - il l’observe trop intensément. Le regard tombe contre son sourire, remonte à ses prunelles ; il retient sa respiration. Parce qu’il a peur de manquer d’air, parce qu’il préfère l’apnée d’une minute que l’asphyxie d’une vie. Il passe la langue contre sa lippe, sans réellement le contrôler. Puis, il sourit. « Tu pourrais me faire un compliment, toi aussi. Ou même m’écrire un poème entier. Tous les jours, me flatter. Tu pourrais… » Tu pourrais m’embrasser. Tu pourrais m’aimer. Tu pourrais déclarer forfait avant moi - promis, je te suivrai. Promis, on arrête de jouer si tu dis que c’est ok. Si tu m’autorises à me reposer, peut-être que j’arrêterai de nous saboter.
Et il se penche, encore. Et finalement, peut-être qu’il le fera - qu’il plongera. Bouche la première. Mais il se rattrape, à la dernière seconde. Avant que le monde s’écroule. Il donne un coup de tête, front contre front. Impact douloureux qui le fait reculer aussi ; mais il a sa petite vengeance, doublée d’une excuse pour briser l’instant. Il porte une main à la caboche. Elle a la tête dure, la mioche.
« J’t’ai eue. » @erzsi székely (c) oxymort |
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