Elle ne voit pas ce que lui voit. Incapable d'appréhender cette réalité toute simple. Celle qui veut qu'on croie en elle. Celle qui la fait exister aux yeux des autres. Ses yeux à lui. It's not enough. It's never enough. Petite voix dans sa tête. Elle n'arrive pas à se projeter Medea. Coincée dans ce passé qui la hante, la consume lentement. Enfermée dans son propre esprit. Refuge créé pierre par pierre. Édifice bancal susceptible de tomber en ruine à la moindre bourrasque. L'esprit fragile. Le cœur émietté. Elle a été trop malmenée Medea. Laissée pour morte. Sans pour autant jamais être seule. Toujours entourée, toujours aimée. Il y a pourtant un trou béant au milieu de son cœur. Le manque de ces êtres tant aimés. Ce père et ces frères qu'on lui a brutalement arrachés. Gamine qui n'avait pas fini de grandir. Elle n'arrive plus à se construire, le regard qui se tourne sans arrêt. Les yeux qui regardent dans le rétroviseur. À la recherche de quelque chose qui n'est plus là. Medea rongée par le manque.

Il la fait doucement sourire avec sa sincérité, ses mots qui lui font monter le rouge aux pommettes. Touchée au myocarde qui bat à peine, se réveille doucement sans qu'elle comprenne. Gamine seulement aimée des siens. Son sang et sa chair. Certaine aussi d'aimer Atticus. Celui qui aurait pu la tenir dans ses bras pour l'éternité. Celui qu'elle a laissé partir pour qu'il devienne un ami. Un autre frère. Seulement douée pour cet amour fraternel qui fait mal, vous détruit. Elle ne sait pas grand chose de l'amour Medea. Seulement témoin de l'affection que se portaient ses parents. Seule réalité qu'elle comprend. Et elle sait que l'amour est solitaire. Il fait mal. Amant infidèle. Pourtant, elle se rêve amoureuse. Elle aussi aimerait compter. Qu'on la regarde avec des étoiles dans les yeux.

Elle laisse un soupire s'échapper de ses lèvres pincées. Un dernier regard en arrière, l'allée des embrumes qui s'obscurcit, lui arrache un frisson. There's nothing for me here. Mais elle reviendra. « Alright. » Sa main qui se pose dans la sienne, la serre plus fort qu'elle ne devrait. Juste pour sentir quelque chose de vrai. Elle s'accroche à ses opales sombres jusqu'à que le monde tourne. Tous les deux emportés par ce tourbillon désagréable qui les ramènera vers une réalité plus brillante. Mais toujours aussi vide.